Publié par Jean-Patrick Grumberg le 6 juillet 2013

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« L’idée que ces hordes de jihadistes judéophobes égyptiens pourraient conduire la transition vers une nation musulmane démocratique a probablement été l’idée la plus stupide qui a circulé à Washington, en France et en Allemagne de mémoire humaine. » (merci Gudrun Eussner)

Dans les faubourgs du Caire, là où le peuple, pas celui de Facebook, s’exprime, voilà ce qu’il se dit de la situation :

“L’Ouest dit une chose et en fait une autre. Les Américains et les Européens ont les mots démocratie, droits de l’homme, plein la bouche, mais au Moyen Orient, ils soutiennent les régimes totalitaires et autocrates qui rejettent tous ces principes. Comment voulez-vous qu’on leur fasse confiance ?”

“Les Américains ont trois intérêts dans la région : défendre Israël, le pétrole du Golfe, et le contrôle du canal de Suez. Ils feront tout ce qui est en leur pouvoir pour défendre ces intérêts, et donc ils sont favorables au statu-quo. Moubarak avait garanti la sécurité d’Israël. Morsi n’a rien fait contre Israël. Au lieu de cela, il a laissé les Palestiniens de Gaza entrer dans le Sinaï. Alors nous l’avons démis”

“Israël regrette l’éviction de Morsi” peut on lire en gros titre sur un journal posé sur une table. En dessous, en petits caractères, l’analyse, qui explique pourquoi Morsi était bon pour Israël, est attribuée à un éditorial publié dans le journal israélien Haaretz.

L’article du Haaretz a été publié dans la quasi totalité des quotidiens égyptiens, hier vendredi 5 juillet, afin d’apporter la preuve des positions antagonistes d’Israël par rapport au peuple égyptien, et son pacte secret avec Morsi et les Frères musulmans afin de “dominer la région”.

Le quotidien El Dostor va encore plus loin : “L’Egypte a écrasé le lobby des sionistes, des américains et des Frères musulmans en chassant Morsi.”

Le disgracieux Haaretz a une longue tradition de jeter de l’huile sur le feu et de fournir aux opposants d’Israël de fausses nouvelles dont ils armeront leurs flèches antisionistes. Emanuel Navon, politicien franco-israélien du likoud et spécialiste en politique internationale a l’habitude de dire “si c’est écrit dans Haaretz, c’est probablement faux”.

Car ici encore, la réalité est toute différente.

Netanyahu a toujours été très inquiet de la perspective d’une montée en puissance des Frères musulmans et ses différents partenaires au Moyen Orient. Après 80 ans de bataille pour le contrôle de l’Egypte, “ils ont échoué la première année”, a déclaré le premier ministre israélien en privé.

Israël est, toujours en privé, très heureux de l’expulsion de Morsi. Jérusalem y voit clairement une diminution des risques de guerre ainsi qu’un affaiblissement du Hamas, une des branches armées des Frères, alors que les liens avec l’homme fort de l’armée, el-Sissi, sont robustes et anciens.

Certes, les officiels israéliens se sont sagement abstenus de commenter la destitution de Mohammed Morsi par l’armée, mais des sources proches des milieux militaires indiquaient, en privé, qu’ils considèrent que la tournure que prennent les évènements sera probablement bénéfique à Israël, ajoutant que la prudence implique de ne pas oublier que le futur proche est imprévisible.

“Le partenariat d’Israël avec l’Egypte pendant l’année écoulée n’a pas été avec Morsi, mais avec Abdel-Fattah el-Sissi”, expliquent les diplomates israéliens en privé.

Les médias israéliens – mais pas Haaretz, ont commenté la chute de Morsi comme étant une estocade portée au Hamas, qui s’est récemment fortement écarté de l’Iran et du Hezbollah. C’est aussi une humiliation pour les dangereux Frères musulmans, rapportent les médias israéliens. Les autorités égyptiennes ont d’ailleurs mis le Hamas en garde en lui interdisant d’intervenir dans la crise égyptienne, ont renforcé la présence militaire à la frontière avec Gaza, et ont arrêté plusieurs cadres du Hamas en Egypte.

Et apparente contradiction géopolitique, l’expulsion de Morsi sert également les intérêts de Mahmoud Abbas, en raison des profondes rivalités entre les factions du Fatah et du Hamas, qui, en 2007, avait jeté du haut des immeubles de Gaza les cadres du Fatah après la victoire électorale du Hamas. Les leaders palestiniens espèrent que la chute des Frères musulmans “pourrait n’être qu’un premier pas” vers l’anéantissement du Hamas à Gaza.

En Egypte, Morsi, un petit professeur d’école d’ingénieur de province, n’avait pas la carrure d’un leader politique. Il était devenu le candidat présidentiel de secours, pour les Frères musulmans, après la disqualification de leur candidat préféré.

Les chefs militaires égyptiens en eurent la certitude le 26 juin, lors d’une rencontre avec Morsi où ils lui conseillèrent crument quoi déclarer au peuple pour calmer l’immense grogne qui avait gagné le pays.

“Nous lui avons dit d’être bref, de répondre aux demandes des opposants de former une coalition gouvernementale, de modifier la constitution, et d’annoncer un calendrier pour ces changements” a déclaré à Reuters un officier supérieur. “En réponse, il nous a fait un très très long discours vide qui ne voulait rien dire. C’est là que nous avons compris qu’il n’avait aucune intention de réparer la situation, et que nous devions préparer un plan B.”

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L’officier ajoute : “Nous nous sommes préparés pour tous les scénarios. De la violence de rue, à l’affrontement massif, et nous avons préparé nos troupes à gérer toutes sortes de situations.”

“Nous en étions arrivé à un point où nous commençions à craindre de mettre d’importantes informations de sécurité nationale devant quelqu’un que nous pensions représenter une menace pour la sécurité nationale,” ajoute une source dans les milieux de la sécurité.

Les Frères musulmans étaient de plus en plus perçus par la population comme une organisation économiquement incompétente, et assoiffée de pouvoir. Des millions d’entre eux commencèrent à manifester et à hurler “Erhal!” (dégage!). Les contre-manifestants ne furent que quelques centaines de milliers, infiniment moins que les mécontents.

Des jeunes activistes du mouvement Tamarud – Rebel montèrent une pétition, le 1er mai, pour demander la résignation de Morsi. Au delà de toute imagination, elle reçut plus de 22 millions de signatures. Tamarud appela à manifester le 30 juin…

Le lendemain, le général Sisi envoya un ultimatum de 48 heures à Morsi : soit vous accédez aux demandes des manifestants et partagez le pouvoir avec l’opposition, soit vous abandonnez votre poste et laissez l’armée imposer une solution. Lors de deux entretiens privés avec le président, le 1er et le 2 juillet, les forces armées ne rencontrèrent que le rejet et l’incompréhension, selon une source militaire.

Face au refus de Morsi, Sisi renforça ses contacts avec Mohamed ElBaradei, le politicien dit “libéral” désigné par le (NSF) front national de salut de l’opposition, avec le Grand Sheikh Ahmed al-Tayeb d’ l’institut islamique al-Azhar, et le Pope Tawadros de l’église Copte, qui avaient tous, publiquement, Both had publicly blessed the protest movement.

Le chef des armées prit aussi la sage décision d’inclure aux discussions les jeunes fondateurs du mouvement Tamarud – Rebel! et un leader du second plus grand parti islamiste, les extrémistes du parti salafiste Nour, ouvertement rival des Frères musulmans.

Ils se réunirent au quartier général militaire de la rue El-Thawra (Révolution), mercredi 3 juillet – le jour de l’expiration de l’ultimatum, afin de dresser un plan vers une seconde tentative vers la démocratie. La réunion dura 6 heures, ce qui est peu selon les standars égyptiens. L’armée adopta une grande partie des propositions du mouvement Tamarud, soutenu par le NSF et accepté par les islamistes.

Alors que les occidentaux ont les yeux tournés vers le prêt de 1.3 milliards de dollars que Obama envisage de remettre en cause, mécontent que son poulain, les Frères musulmans, aient été éjectés, les officiels du Caire regardent surtout du coté du Qatar, qui a prêté environ 7 milliards de dollars aux Frères pour qu’ils remettent le pays à flot.

Sans vouloir être cruel, je me souviens des commentaires d’un journaliste qui m’avait insulté lorsque Dreuz affirmait qu’il y avait autant de printemps arabe et d’avancée vers la démocratie que de beurre en branche… Ils doivent se regarder les ongles, ces “spécialistes”.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour www.Dreuz.info

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