Publié par Michel Garroté le 23 juillet 2013

Corée-Nord-7

Michel Garroté, réd en chef  –-  Dans « The impossible State », publié en cette année 2013 et non traduit en français pour l’instant, l’expert américain Victor Cha décrit entre autre le « Bureau 39 » de la dictature nord-coréenne. En ce mois de juillet 2013, dans ABC, PABLO M. DÍEZ, dans deux articles, revient sur ce Bureau 39, véritable service secret, à la fois criminel et maffieux.

En 2009, l’analyste Kelly Olsen écrivait que le Bureau 39 est une organisation gouvernementale secrète de la Corée du Nord visant à alimenter la caisse noire du régime. On estime que cette organisation possède plus de 5 milliards de dollars de fonds générés par des activités illégales telles trafics d’armes et de drogues et contrefaçon monétaire. Des sources fiables du renseignement occidental et israélien confirment régulièrement que le Bureau 39 est vital pour le régime, ce bureau permettant notamment aux dirigeants nord-coréens d’acheter des soutiens politiques et de financer le programme d’armement nucléaire nord-coréen. Il a armé le Hezbollah de 2006 à 2009. Il a livré du matériel nucléaire à la Syrie, matériel fort heureusement réduit en cendres avant de devenir létal par un bombardement israélien en 2008.

En 2012, Timothée Germain, chargé de recherche au CESIM confirmait que dans le cadre de ses activités de prolifération, la Corée du Nord a mis en place un certain nombre de mécanismes d’abord destinés à satisfaire ses approvisionnements en biens et technologies dont l’exportation est contrôlée. Ils ont par la suite évolué pour contribuer au financement de ses programmes nucléaire et balistique. Enfin, ils ont été renforcés pour permettre à la Corée du Nord de maintenir ses activités de prolifération en dépit des différents régimes de sanctions qui touchent cet Etat.

Ce système est articulé autour de sociétés-écran aux fonctions bien déterminées qui interagissent en réseau. On les retrouve dans les domaines nucléaire et balistique, mais également dans des secteurs fondamentaux, comme le transport, la finance, ou encore en lien avec des biens et matières premières stratégiques (graphite, métaux). La durée de vie de certaines de ces sociétés est le plus souvent courte, principalement en raison des efforts de camouflage auxquels se livrent les autorités de Pyongyang pour contourner les sanctions. A l’instar des navires de la flotte marchande nord-coréenne, régulièrement rebaptisés et ré-immatriculés, les entreprises et institutions concernées changent communément de dénomination sociale et d’adresse. Cela complique la tâche des autorités chargées de la mise en œuvre des mesures de contrôle aux exportations vis-à-vis de la Corée du Nord, et du suivi d’exécution des régimes de sanctions qui touchent ce pays.

Une partie des travaux du Groupe d’experts des Nations unies créé en application de la résolution 1874 (2009) du Conseil de sécurité illustre bien ce phénomène. Les rapports élaborés par le Groupe incluent en annexe la liste des entreprises, entités, et personnes identifiées comme tenant un rôle dans les activités de prolifération de la Corée du Nord. Cette liste est élaborée principalement à partir des déclarations des Etats et organisations (dont l’UE) qui rapportent au Groupe les infractions et incidents qu’ils constatent. On peut noter que d’un rapport à l’autre, en sus de l’addition de nouvelles entrées, des informations concernant des entités déjà identifiées et répertoriées sont ajoutées : alias jusque-là inconnu, nouvelle adresse ou boîte postale, entre autres. Les principales entités impliquées dans les divers aspects de la prolifération depuis et vers la Corée du Nord sont listées ici.

Financement : Le Bureau 39 du Parti des travailleurs coréens, également connu sous les noms de Bureau 39 et Division 39 et disposant de nombreuses adresses en Corée du Nord, contrôle un nombre important d’entités dans le pays comme à l’étranger. La vocation de cette organisation est d’apporter au régime des sources de financement gérées directement à la tête de l’Etat. En vertu de ce mandat, le Bureau 39 centralise une grande partie des activités illicites menées par la Corée du Nord à des fins de financement, dont la fabrication et le trafic de stupéfiants et de fausse-monnaie. Le Bureau 39 a été directement impliqué dans des tentatives de contournement des sanctions du Conseil de sécurité à plusieurs reprises.

La banque Daesong (Korea Daesong Bank, aussi appelée Taesong Bank et Choson Taesong Unhaeng) est directement contrôlée par le Bureau 39. Elle est son vecteur privilégié d’intervention pour ce qui est des transactions financières liées à ses activités. La seule banque nord-coréenne qui opérait en Europe, la Golden Star Bank de Vienne (fermée en 2004) en était une filiale. La banque Daesong contrôle plusieurs autres entités impliquées dans le volet financier des activités du Bureau 39, comme la Korea Daesong General Trading Corporation (cinq autres alias connus).

Activités de prolifération : Le Munitions Industry Department est l’autorité de tutelle des industries d’armement de Corée du Nord, mais également du Second Economic Committee et de la KOMID. Le Second Economic Committee a la responsabilité directe de la production de missiles balistiques en Corée du Nord. Il supervise également les activités de la KOMID. La Second Academy of Natural Sciences est l’organisme de recherche et développement responsable des programmes les plus avancés, notamment en ce qui concerne les missiles balistiques, et probablement les activités nucléaires militaires. On lui connaît près d’une dizaine d’alias (par exemple National Defense Academy), et elle dispose également d’entités subordonnées, dont la Tangun Trading Company, impliquée dans la livraison en octobre 2007 à la Syrie de 130 pains de propergol solide à double base utilisables dans des missiles balistiques. On notera que dans cette affaire, l’entreprise expéditrice était référencée comme Korea General Trading Corp.

Trafics proliférants : La Korea Mining and Development Trading Corporation (également connue sous le nom de KOMID) est principalement responsable des exportations de certaines armes, en particulier de technologies et matériels liés à la prolifération balistique. Il est notamment avéré que c’est par le biais de la KOMID que des technologies balistiques ont été transférées à l’Iran. La KOMID dispose de nombreuses filiales, parmi lesquelles on peut citer la Haesong Trading Corporation et la Korea Traesong Trading Company. Le Reconnaissance General Bureau a repris l’essentiel des activités de la KOMID. Contrôlé par l’Armée populaire de Corée (APC), il est également connu comme Unité 586 de l’APC, entre autres. La Sobaeku United Corp. a pour fonction de gérer les approvisionnements de la Corée du Nord en matériaux essentiels. Elle est notamment impliquée dans la production de graphite pouvant être destiné à des activités balistiques. La Korea Tonghae Shipping Company détient une partie de la flotte marchande coréenne et a été associée à plusieurs reprises à des trafics proliférants.

En 2010, Yuriko Koike, ancienne ministre japonaise de la Défense confirmait que la plus grande menace nucléaire qui pèse aujourd’hui c’est la lune de miel nucléaire entre un Iran déterminé à acquérir la capacité de produire l’arme nucléaire et une Corée du Nord bien décidée à lui monnayer son savoir-faire. Aujourd’hui plus de 6000 Nord-Coréens travaillent en Iran et dans les pays voisins du Moyen-Orient, en majorité comme simples ouvriers dans le bâtiment ou dans la confection. Mais en Iran et en Syrie ce sont surtout des techniciens et des ingénieurs. En septembre 2007 quand Israël a attaqué un site nucléaire en Syrie, on a appris que des Nord-Coréens participaient à son développement en coopération avec le Centre national de recherche technique de Syrie.

La plupart des Nord-Coréens qui se trouvent en Iran représentent le Parti des travailleurs coréens (PTC), avec pour mission de propager l’idéologie du parti au sein de la République islamique. Ils vivent en petite communauté sous l’oil du Parti qui surveille étroitement leurs relations personnelles. Certains d’entre eux dépendent directement de l’ambassade de Corée du Nord à Téhéran dont l’une des principales fonctions est de surveiller pour le compte du Parti ses ressortissants basés en Iran. Les attachés diplomatiques nord-coréens doivent tenir des sessions hebdomadaires et mensuelles d’autocritique. Ceux qui ne suivent pas scrupuleusement les directives du Parti s’exposent à de sérieux ennuis.

Mais d’autres Nord-Coréens présents en Iran ne dépendent pas directement de l’ambassade : ceux du Bureau 99 qui dépendent du Département de l’armement à Pyongyang, ceux du Bureau 39 qui dépendent du Département des finances et de la comptabilité du PTC et ceux qui sont directement sous les ordres du Secrétariat du “Cher dirigeant”, Kim Jong-Il. En 2002, quelques 120 Nord-Coréens travaillaient en Iran sur plus d’une dizaine de sites de recherche nucléaire ou de développement de missiles. Alors que ceux qui travaillent dans les Emirats arabes unis, au Qatar ou au Koweït constituent essentiellement une main d’oeuvre bon marché, ceux qui travaillent en Iran dans l’armement et dans le nucléaire servent de vaches à lait pour Pyongyang. Non seulement ils rapportent de l’argent au régime de Kim Jong-Il, mais ils contribuent à forger une alliance virtuelle anti-américaine. En participant à la prolifération nucléaire et à un transfert de technologie militaire et nucléaire au profit du régime le plus radical du Moyen-Orient, Kim Jong-Il espère faire du fondamentalisme islamiste un allié.

Jusqu’en 2009, le Département des finances et de la comptabilité et le Secrétariat de Kim Jong-Il avaient la responsabilité de l’exportation vers l’Iran des missiles et des technologies qui s’y rattachent, ceci par l’intermédiaire de compagnies écran gérées par le Bureau 99. Toutes les opérations de ce type se font directement sous les ordres de Kim Jong-Il. Voici comment cela fonctionne : le second comité économique du Comité central du Parti fabrique les missiles avec l’aide de la seconde académie de sciences naturelles de Corée du Nord. Des entreprises sous la direction du Bureau 99 exportent des missiles vers l’Iran. Les revenus tirés de l’exportation de missiles, du nucléaire et d’autres armes atterrissent directement dans la poche de Kim Jong-Il ou bien servent au développement du nucléaire nord-coréen.

Après les essais nucléaires de la Corée du Nord en 2009, la résolution 1874 du Conseil de sécurité de l’ONU a imposé des sanctions au régime de Kim, ce qui a porté un rude coup au flux de devises étrangères vers son pays. Paradoxalement l’Iran est ainsi devenu un partenaire encore plus important pour la Corée du Nord. Les sanctions n’ont pas mis un frein à la coopération nucléaire entre les deux pays, elles l’ont renforcée. Selon des documents internes importants du PTC obtenus grâce à des informateurs nord-coréens, une nouvelle entreprise écran est apparue cette année : la Lyongaksan General Trading Corporation. Elle semble jouer un rôle central dans l’exportation de missile et de technologie nucléaire vers l’Iran.

Reproduction autorisée avec mention :

© Michel Garroté www.dreuz.info

Sources :

http://www.amazon.com/dp/0061998516

http://www.abc.es/internacional/20130717/abci-oficina-ministerio-crimen-corea-201307171613.html

http://www.abc.es/internacional/20130723/abci-pyongyang-financia-trafico-armas-201307222043.html

http://www.cesim.fr/observatoire/fr/73/article/87

http://www.project-syndicate.org/commentary/the-dear-leader-nuclear-weapons-company/french

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