Publié par Abbé Alain René Arbez le 9 septembre 2013

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Yad Vashem met à l’honneur ce mois d’octobre 2013 la figure d’un juste, un homme de bien : Max Arbez, toujours présent dans le cœur de son épouse Angèle, de ses fils et de ses filles, de ses petits enfants, et de ses amis.

Nous voici au hameau de La Cure – St Cergue, à 1150 m. d’altitude, dans cette belle région de la Vallée de Joux dominée par les monts du Jura vaudois, le Noirmont, la Dôle. Max est né le 2 décembre 1901 et il est décédé le 28 mars 1992.

Qu’est-ce qui – mises à part ses convictions religieuses – a favorisé l’engagement de Max durant la deuxième guerre mondiale, lui qui pouvait rester à l’abri en Suisse ? Qu’est-ce qui l’a incité à poser des actes de grand humanisme, allant jusqu’à mettre en danger sa propre vie et celles des siens ?

Il se trouve que son père, Jules Arbez, avait repris à la fin du 19ème siècle une grande maison située à cheval sur la frontière entre la Suisse et la France, à La Cure, canton de Vaud et département du Jura, bâtiment qui avait appartenu à la famille Ponthus lors du traité des Dappes en 1862. C’est cette maison binationale devenue Hôtel Arbez Franco-Suisse qui par sa position particulière permit à Max Arbez de faire passer discrètement de France occupée en Suisse des quantités de résistants et surtout de juifs poursuivis par les SS.

Max Arbez, avec l’aide de son épouse Angèle aujourd’hui toujours présente parmi nous (avec une mémoire intacte malgré ses 103 ans) s’est organisé tout en prenant de grands risques, pour faire passer en Suisse des personnes et des familles entières, menacées parce que juives, durant les sombres années de guerre. Chaque mois il accompagnait par les combes et les monts du Jura vaudois des fugitifs, dont l’un, alors enfant, devint même par la suite Ambassadeur d’Israël en Suisse dans les années 90. Sur les années de conflit, ce sont certainement quelques centaines de personnes juives, seules ou en groupe familial, auxquelles Max a permis de franchir le sas de la liberté par l’intérieur de sa maison. A plusieurs reprises, les balles des SS en rage lui ont sifflé aux oreilles dans la partie française de la salle de l’Hôtel Arbez, mais grâce à l’escalier intérieur, les fugitifs avaient déjà fait le pas, juste à temps, et ils se trouvaient désormais en Suisse ! Max connaissait les douaniers de part et d’autre et il évitait soigneusement ceux qui par idéologie seraient réfractaires aux gestes de sauvetage et donc tentés de refouler vers la France les personnes en fuite, avec l’énorme risque d’arrestation, puis d’acheminement vers les camps de la mort.

Ce qui est surprenant, c’est que 500 années plus tôt, en 1493, selon les données du CNRS, Jakob Arbel, notre ancêtre, arrivait dans le Canton de Vaud, fuyant avec les siens les atrocités antisémites qui sévissaient alors en Rhénanie… Arbel, nom hébreu : arb-el = D.ieu multiplie. Il existe en Israël, un mont célèbre comme haut-lieu de résistance au paganisme à l’époque maccabéenne, le Har Arbel, dominant le lac Kinneret. Selon certains spécialistes, un de ses passages dangereux est évoqué dans le psaume 23. Max, portant le même patronyme, en a concrétisé toute l’espérance pour les familles qu’il a secourues : « dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal ». On retrouve aussi l’évocation d’un drame guerrier au livre d’Osée 10.14 : « quand Shalman détruisit Beth Arbel, les mères furent écrasées avec leurs fils »

Max Arbez, animé d’une constante détermination dans ses actes au cours des années où planait sur les juifs la menace de la solution finale, a été d’une grande humilité et d’une totale discrétion. Il n’a évidemment jamais tiré le moindre avantage financier de ces transbordements hasardeux, et il n’a jamais recherché une quelconque gloriole personnelle. De son vivant, il estimait comme normal ce qu’il avait réalisé et n’a jamais voulu de manifestation officielle en son honneur.

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Max était en parfaite adéquation avec l’adage hébraïque qui estime que l’acte le plus haut en valeur est celui qui est accompli discrètement sans la moindre attente de récompense ou de reconnaissance. Ce sont par conséquent plusieurs familles rescapées, en particulier les familles Lande et Blot, qui ont oeuvré pour que ces actes remarquables ne tombent pas dans l’oubli et pour que Max Arbez reçoive à titre posthume la distinction de Juste parmi les Nations décernée par l’Institut Yad Vashem de Jérusalem.

Ce titre riche de sens humaniste et spirituel est remis sur la base de témoignages concordants de survivants, en écho à cette période tourmentée où le fait d’aider des juifs à se cacher ou à s’exfiltrer de France occupée était considéré comme un crime punissable de mort par les nazis. L’Etat d’Israël confère aux Justes parmi les nations la citoyenneté commémorative en reconnaissance de leurs actes courageux.

Max aimait à raconter à ses proches et à ses amis ces moments d’intense émotion lorsqu’avec toute sa logistique il allait en France, par n’importe quel temps, à la rencontre des personnes signalées par ses contacts et qu’il attendait avec affection, sans les connaître, pour les acheminer vers la Suisse en bravant les imprévus les plus divers.

Honorer aujourd’hui Max Arbez pour ses actions de sauvetage de familles juives en péril, ce n’est pas seulement évoquer une personne de foi judéo-chrétienne et humaniste qui, comme d’autres, a su dire non à la barbarie, c’est rappeler aux jeunes générations la vigilance nécessaire pour que ne se propagent pas de nouveau l’antisémitisme et les ravages qui en résultent.

Le Grand Rabbin Safran de Genève (z’l’), en me dédicaçant son livre intitulé « juifs et chrétiens, la Shoah en héritage », me disait que les Justes parmi les Nations, des hommes tels que Max Arbez, sont dans la mémoire souffrante des Juifs comme une lueur d’humanité qui remonte des abîmes et fait signe vers l’avenir.

En reconnaissant aujourd’hui le courage de Max Arbez à la demande insistante des familles survivantes, une flamme invisible brille dans nos consciences de ce début de 21ème siècle, espérons qu’elle éclaire des chemins de sagesse et d’engagement pour les jeunes générations.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez pour www.Dreuz.info

Commission judéo-catholique des évêques suisses.

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