Yad Vashem met à l’honneur ce mois d’octobre 2013 la figure d’un juste, un homme de bien : Max Arbez, toujours présent dans le cœur de son épouse Angèle, de ses fils et de ses filles, de ses petits enfants, et de ses amis.
Nous voici au hameau de La Cure – St Cergue, à 1150 m. d’altitude, dans cette belle région de la Vallée de Joux dominée par les monts du Jura vaudois, le Noirmont, la Dôle. Max est né le 2 décembre 1901 et il est décédé le 28 mars 1992.
Qu’est-ce qui – mises à part ses convictions religieuses – a favorisé l’engagement de Max durant la deuxième guerre mondiale, lui qui pouvait rester à l’abri en Suisse ? Qu’est-ce qui l’a incité à poser des actes de grand humanisme, allant jusqu’à mettre en danger sa propre vie et celles des siens ?
Il se trouve que son père, Jules Arbez, avait repris à la fin du 19ème siècle une grande maison située à cheval sur la frontière entre la Suisse et la France, à La Cure, canton de Vaud et département du Jura, bâtiment qui avait appartenu à la famille Ponthus lors du traité des Dappes en 1862. C’est cette maison binationale devenue Hôtel Arbez Franco-Suisse qui par sa position particulière permit à Max Arbez de faire passer discrètement de France occupée en Suisse des quantités de résistants et surtout de juifs poursuivis par les SS.
Max Arbez, avec l’aide de son épouse Angèle aujourd’hui toujours présente parmi nous (avec une mémoire intacte malgré ses 103 ans) s’est organisé tout en prenant de grands risques, pour faire passer en Suisse des personnes et des familles entières, menacées parce que juives, durant les sombres années de guerre. Chaque mois il accompagnait par les combes et les monts du Jura vaudois des fugitifs, dont l’un, alors enfant, devint même par la suite Ambassadeur d’Israël en Suisse dans les années 90. Sur les années de conflit, ce sont certainement quelques centaines de personnes juives, seules ou en groupe familial, auxquelles Max a permis de franchir le sas de la liberté par l’intérieur de sa maison. A plusieurs reprises, les balles des SS en rage lui ont sifflé aux oreilles dans la partie française de la salle de l’Hôtel Arbez, mais grâce à l’escalier intérieur, les fugitifs avaient déjà fait le pas, juste à temps, et ils se trouvaient désormais en Suisse ! Max connaissait les douaniers de part et d’autre et il évitait soigneusement ceux qui par idéologie seraient réfractaires aux gestes de sauvetage et donc tentés de refouler vers la France les personnes en fuite, avec l’énorme risque d’arrestation, puis d’acheminement vers les camps de la mort.
Ce qui est surprenant, c’est que 500 années plus tôt, en 1493, selon les données du CNRS, Jakob Arbel, notre ancêtre, arrivait dans le Canton de Vaud, fuyant avec les siens les atrocités antisémites qui sévissaient alors en Rhénanie… Arbel, nom hébreu : arb-el = D.ieu multiplie. Il existe en Israël, un mont célèbre comme haut-lieu de résistance au paganisme à l’époque maccabéenne, le Har Arbel, dominant le lac Kinneret. Selon certains spécialistes, un de ses passages dangereux est évoqué dans le psaume 23. Max, portant le même patronyme, en a concrétisé toute l’espérance pour les familles qu’il a secourues : « dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal ». On retrouve aussi l’évocation d’un drame guerrier au livre d’Osée 10.14 : « quand Shalman détruisit Beth Arbel, les mères furent écrasées avec leurs fils »…
Max Arbez, animé d’une constante détermination dans ses actes au cours des années où planait sur les juifs la menace de la solution finale, a été d’une grande humilité et d’une totale discrétion. Il n’a évidemment jamais tiré le moindre avantage financier de ces transbordements hasardeux, et il n’a jamais recherché une quelconque gloriole personnelle. De son vivant, il estimait comme normal ce qu’il avait réalisé et n’a jamais voulu de manifestation officielle en son honneur.
Max était en parfaite adéquation avec l’adage hébraïque qui estime que l’acte le plus haut en valeur est celui qui est accompli discrètement sans la moindre attente de récompense ou de reconnaissance. Ce sont par conséquent plusieurs familles rescapées, en particulier les familles Lande et Blot, qui ont oeuvré pour que ces actes remarquables ne tombent pas dans l’oubli et pour que Max Arbez reçoive à titre posthume la distinction de Juste parmi les Nations décernée par l’Institut Yad Vashem de Jérusalem.
Ce titre riche de sens humaniste et spirituel est remis sur la base de témoignages concordants de survivants, en écho à cette période tourmentée où le fait d’aider des juifs à se cacher ou à s’exfiltrer de France occupée était considéré comme un crime punissable de mort par les nazis. L’Etat d’Israël confère aux Justes parmi les nations la citoyenneté commémorative en reconnaissance de leurs actes courageux.
Max aimait à raconter à ses proches et à ses amis ces moments d’intense émotion lorsqu’avec toute sa logistique il allait en France, par n’importe quel temps, à la rencontre des personnes signalées par ses contacts et qu’il attendait avec affection, sans les connaître, pour les acheminer vers la Suisse en bravant les imprévus les plus divers.
Honorer aujourd’hui Max Arbez pour ses actions de sauvetage de familles juives en péril, ce n’est pas seulement évoquer une personne de foi judéo-chrétienne et humaniste qui, comme d’autres, a su dire non à la barbarie, c’est rappeler aux jeunes générations la vigilance nécessaire pour que ne se propagent pas de nouveau l’antisémitisme et les ravages qui en résultent.
Le Grand Rabbin Safran de Genève (z’l’), en me dédicaçant son livre intitulé « juifs et chrétiens, la Shoah en héritage », me disait que les Justes parmi les Nations, des hommes tels que Max Arbez, sont dans la mémoire souffrante des Juifs comme une lueur d’humanité qui remonte des abîmes et fait signe vers l’avenir.
En reconnaissant aujourd’hui le courage de Max Arbez à la demande insistante des familles survivantes, une flamme invisible brille dans nos consciences de ce début de 21ème siècle, espérons qu’elle éclaire des chemins de sagesse et d’engagement pour les jeunes générations.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez pour www.Dreuz.info
Commission judéo-catholique des évêques suisses.
Merci pour cette “biographie” éclairante…même pour un athée antithéïste dont les parents furent, eux-aussi entre 41 et 44, des Justes, quelque part entre Beauce et Gâtinais.
“Honorer aujourd’hui Max Arbez pour ses actions de sauvetage de familles juives en péril, ce n’est pas seulement évoquer une personne de foi judéo-chrétienne”
Foi judéo-chrétienne ?
Mais quelle est sa religion ? La lecture de cet article ne m’a pas permis de déterminer avec certitude si ce Juste était un juif ou un chrétien.
Peut-être ai-je lu trop rapidement.
Si c’était un juif, ce qu’il a fait est très courageux.
Si c’était un chrétien, c’est très courageux et ça me touche encore plus que s’il était juif.
Peut-être un homme tout simplement dans toute l’acceptation du terme.
Oui ! Allobroge,un homme tout simplement avec ce qu’il y a de bon en l’humain,tous les français n’ont pas été des salauds !
Ca ne répond pas à ma question.
Je sais bien qu’il était un homme, et même le meilleur des hommes.
Mais ma question est: quelle était sa religion ?
A Eva
un juste parmi les justes, est comme disait quelqu’un un ‘SACHANT’ avant que d’être un ‘CROYANT’..
Et on ne reste pas indifférent à un tel voyage.
Merci à vous pour ce beau morceau de vie,
Ma grand mère a fait une oeuvre de juste pendant deux années en cachant un jeune juif parisien qui a terminé plus tard sa carrière comme dentiste à Lausanne et est devenu disciple de Yeshoua!
Alleluia.
Merci Rosaly pour votre commentaire, mais personne ne répond à ma question: ce Juste qui a sauvé tant de vies était juif ou chrétien ?
L’article parle de “sa foi judéo-chrétienne”, mais sans préciser la religion de ce héros.
C’était Rosalie et non Rosaly, on a presque le même prénom
J’ajoute B. pour faire le distingo.
Etant probablement le grand -père d’Alain Arbez, c’est lui qui pourrait dire…Il est l’autre Arbez de l’histoire…
Merci Rosalie !
Je vous avais en effet confondue avec Rosaly.
Par définition, un “Juste parmi les nations” (mot qui se traduit par goyim, pour rappel) n’est pas un juif. Ces infiniment rares personnes sont les diamants de l’humanité et leur mémoire se doit d’être honorée, aussi bien maintenant que pour toujours.
En effet, Gally, j’ai toujours compris le mot “Juste” comme désignant un non-juif qui a pris les risques qu’on connaît pour sauver des juifs de la mort.
Mais l’article parle de la “foi judéo-chrétienne” de ce Juste, ce qui a semé le doute dans mon esprit, car à ma connaissance, il y a une culture judéo-chrétienne, une civilisation judéo-chrétienne, mais pas une foi judéo-chrétienne: on est soit juif, soit chrétien, même si le christianisme est né dans un terreau juif.
quelle était la foi de Mgr Aaron Lustiger, selon vous?
Je ne connais pas Aaron Lustiger, Monsieur l’Abbé.
Si vous voulez parler du défunt évêque de Paris, je le connaissais sous un prénom différent.
Et en tant qu’évêque catholique, il me semble évident que sa religion était le christianisme, même s’il est né juif.
Peut-être que le mot foi est trop…générique. C’est pour ça que j’ai posé ma question de la manière la plus précise possible, en demandant quelle est la religion de ce Juste dont parle l’article ?
J’ai posé cette question à cause de la mention qui est faite dans l’article de “sa foi judéo-chrétienne”.
Si l’article mentionnait sa foi chrétienne, ou sa foi juive, je n’aurais pas posé de question.
Et si cette question est indiscrète, vous pouvez bien sûr ne pas y répondre.
il y a des chrétiens qui comme Aaron Lustiger et bien d’autres sont “judéo-catholiques” telle que l’était la première génération de disciples.
MERCI Monsieur Max Arbez d’avoir prit le risque de sauver des familles entières de Juifs au péril de votre vie et celle de votre femme , avec autant de courage et de modestie …
être Juste parmi les Nations vous revient de droit .. Toda raba
Auriez-vous des liens de parenté avec la famille Arbez cité dans votre article?
Si non il y aura un autre Arbez bien connu celui-là sur Dreuz qui mériterait tout autant par sa clairvoyance sur l’amitié Judéo-chrétienne.
JP. Le nom du Feu Max Arbez, c`est sure q`il etait un ancien d`Abbe Arbez. Le titre de Juste, est bien merite pour toute la famille, en reconnaissance pour leur courage, meme aujourd`hui. D`Israel, Grande Merci !!! :pray: :worship: :heart: :rainbow:
giusto!
Max Arbez, un diamant dans un torrent de boue.
Que dire de plus, je crois que Gally l’a très bien résumé…..bien évidemment que Max Arbez a un lien de parenté avec M.l’Abbé…les Justes parmi les nations ont toujours montré beaucoup de pudeur et d’humilité face à cette reconnaissance, c’est tout à leur honneur !!!
Belle histoire qui rend hommage au juste et je pense spécialement au témoignage qui est ainsi donné aux générations nouvelles qui ne peuvent rester insensibles. C’est du bon engrais!
Alors QUE DIEU MULTIPLIE! Amen.
DONC VOUS ETES JUIF MR L’ABBE!!!!!
le sketche d’Elie Kakou ?
Je ne sais comment on peut dire “merci” devant tant de lucidité et de bonté de la part d’un homme juste. Voyez-vous, ce Max Arbez, c’est le genre d’homme incroyable qui, à chaque fois qu’il sauve une vie, sauve le monde. Avec une épouse digne dans un amour sans doute fusionnel. Difficile d’arriver à sa – à leur – cheville. Quel exemple de courage et d’amour de la Vie et des autres. Qu’on vienne encore nous dire que Dieu n’existe pas! Dieu est en nous. A nous de nous laisser guider par Lui. C’est sans doute ce qui l’animait. Comme dit le Christ: “Ta Foi t’a sauvé”. Elle l’a sauvé 1000 fois. Père Arbez, comme je suis fier pour vous. Comme il doit vous manquer!
merci.
en effet, Max avait une foi profonde avec une humilité exemplaire.
le caractère bien trempé des montagnards, et une détermination à braver tous les risques.
BRAVO ! Je suis très heureuse de lire cet article, et je découvre l’héroïsme de M. et Mme Arbez, qu’Hashem les bénisse ! ainsi que tous les Justes parmi les Nations, de jadis et de notre temps !
ainsi que tous nos frères et soeurs en Israel !
Depuis des années, je suis et félicite le travail extraordinaire que fait Monsieur l’Abbé Alain-René Arbez, notamment lors de ces journées « dies judaicus » faisant ainsi un travail considérable pour lutter
contre l’antisémitisme et pour créer des ponts entre chrétiens et juifs.
C’est apparemment une affaire de traditions familiales, que de prendre des risques pour sauver les juifs et donc l’humanité.
Merci ! et continuez à révéler des Justes de par le monde !
Nous nous retrouverons tous, Juifs et Chrétiens, en terre d’Israel ! Amen ve Amen