Publié par Eduardo Mackenzie le 22 septembre 2013

"No more FARC": Colombian protesters fill the streets of Cali.

Par Eduardo Mackenzie,

On assiste en ce moment à une agressive radicalisation du gouvernement de Juan Manuel Santos.

On n’avait rien vu de comparable au cours des trois dernières années. Au moins trois faits rendent visible ce tour étrange.

  • Le premier est l’annonce selon laquelle le gouvernement colombien se dit prêt à déclarer « immédiatement » le cessez le feu avec les FARC « si l’on signe un accord de paix » à La Havane.
  • Le second est la nomination d’Alfonso Gomez Mendez comme ministre de la Justice.
  • Le troisième est l’offensive judiciaire, d’une grande férocité, contre l’opposition: l’arrestation précipitée et absurde de Luis Alfredo Ramos, un pré candidat présidentiel uribiste et, surtout, la relance très médiatisée de la vieille campagne de calomnies, jamais prouvées, à l’encontre de l’ancien président Alvaro Uribe. Cette offensive cherche à empêcher Alvaro Uribe et son parti, d’arriver au Sénat lors de l’élection législative de l’année prochaine. Même si cette attaque est lancée par certains juges, elle a le soutien du haut gouvernement.

Ces trois dossiers sont étroitement liés car ils font partie de la même opération. C’est un projet assez sérieux mais il sera exécuté très rapidement. « Le moment de la prise de décision arrive», dit le gouvernement. Il va falloir le croire.

Chute spectaculaire du Président Santos dans les sondages

Cette accélération et radicalisation du processus survient, paradoxalement, dans un moment d’impopularité croissante du gouvernement Santos et, par contre, d’amélioration de la réception des propositions de l’ancien président Uribe. Selon les sondages, les indices d’opinions favorables au Président Santos (et évidemment à sa réélection en 2014) chutent de façon spectaculaire. Et cela n’est pas seulement le résultat de l’incapacité du chef de l’Etat à répondre aux attentes des agriculteurs colombiens.

Ce contexte défavorable, doublé de grèves explosives en toile de fond, a été celui que Santos a choisi, précisément, pour annoncer qu’il pense ordonner la paralysie des forces militaires si les FARC lui signent une vague promesse de paix. Depuis le début des négociations « de paix », en novembre 2012, Santos n’avait jamais fait une annonce de cet acabit.

A l’état “bourgeois” de cesser le feu, exigent les FARC

Santos donnerait cet ordre incroyable avant d’avoir obtenu des FARC la fin de leurs violences et avoir rendu leurs armes. Selon Santos, la remise des armes pourrait arriver beaucoup plus tard, «une fois approuvés les accords de paix dans les urnes». Ainsi, et pour la première fois, M. Santos accepte la condition traditionnelle des FARC qui consiste à dire que c’est à l’État «bourgeois» de cesser, le premier, le feu et suspendre toute activité militaire légitime des Forces Armées, l’«agresseur» des FARC. Le président Santos estime qu’après ce cessez le feu unilatéral de l’Etat, les FARC accepteront de faire aussi leur cessez le feu. On croit rêver.

Nous voici donc confrontés à une annonce sans précédent qui pourrait conduire à une grave distorsion de l’équilibre militaire actuel en Colombie. Cet ordre viendrait s’ajouter à la déjà longue liste de concessions formidables faites par M. Santos pendant les « négociations » avec les FARC à La Havane.

Ces agissements explicites du pouvoir conduisent à une conclusion : le président JM Santos est en train d’installer de manière insidieuse un nouvel ordre social et politique en Colombie. Cette installation se fait sous le couvert d’une « négociations de paix». Cette négociation est beaucoup plus ambitieuse et, en fait, très antidémocratique. La société n’a pas été consultée à ce sujet. Elle ignore tout de cette opération d’ordre stratégique, elle ignore que l’objet des négociations de paix va bien au-delà de la question de la paix. Les citoyens colombiens sont tenus à l’écart de cette vaste opération, ils sont exclus de toute décision, et même, ils sont désinformés sur ce qui se passe à La Havane.

Il s’agit donc d’installer de façon secrète un ordre nouveau, avec de nouvelles règles du jeu, de nouvelles institutions, avec une nouvelle constitution et avec de nouveaux acteurs politiques (les FARC et leurs apparats de façade) qui vont prendre les devants de la scène dans le nouveau système. La caractéristique dominante du « nouveau pays » serait quelque chose que la Colombie a toujours répudié : laisser qu’un parti armé mais légalisé s’établisse au cœur même de la scène politique.

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Le chef des FARC, alias Timoshenko a, donc, réussi de façon parfaite : il a transformé les négociations de paix en un pacte pour changer le système, pour passer de la démocratie à une démocratie d’imitation, et pour aller vers un système totalitaire. Grâce à cette opération, les FARC ne seront même pas obligées de rendre leurs armes, mais seulement de les « laisser» des mois ou des années plus tard (lorsque « les accords auront été approuvés dans les urnes»), ce qui signifie qu’en réalité, ils vont cacher leurs armes et dissimuler une bonne partie de leurs combattants et de leurs réseaux subversifs, pour continuer à faire planer la menace terroriste sur la Colombie.

Voici ce pacte qui fait froid dans le dos mais que le président Santos présente comme quelque chose de banal et comme une étape dans un processus de paix ordinaire et limpide.

Les espoirs des Colombiens pour que les FARC soient désarmées, jugées et sanctionnées, pour qu’elles réparent le mal fait à leurs victimes, pour qu’elles retirent les mines anti-personnel qu’elles ont semées partout, pour qu’elles libèrent leurs otages, pour qu’elles livrent leurs cultures illicites et leurs dépôts de drogues et qu’elles démantèlent leurs réseaux infiltrés dans les différents secteurs de la société, sont partis en fumée.

La négociation à La Havane ne cherche pas la démobilisation des FARC, ni leur désarmement, ni même qu’elles acceptent les règles de la démocratie. Ce qui est en train de s’ériger là-bas, dans le dos du peuple colombien, c’est un nouvel ordre social et politique anti libéral et anti démocratique : avec les pires chefs terroristes du pays, blanchis et installés au centre du pouvoir, avec un pouvoir exécutif qui contrôle chaque détail de ce processus de rupture et qui assujettit les autres pouvoirs.

Transformer la Colombie en vassal de Cuba

Si de telles horreurs sont acceptées par la justice, l’Etat de droit sera mort en Colombie. Le panorama d’une opposition écrasée et de forces armées sans tête, sans orientation et sans budget, est, hélas, réaliste. Le processus de « paix », tel qu’il avance, se traduira, comme disent les FARC, par une « réduction » des forces armées. Le but ultime (non dit pour le moment) est de transformer l’armée colombienne en une «armée du peuple». Au final, la Colombie aura été transformée en un vassal de Cuba.

Cette opération anti-colombienne est montrée comme quelque chose d’excellent, comme un acte destiné à «élargir la démocratie », comme la seule voie pour obtenir « plus de sécurité» et « plus de démocratie en Colombie», pour reprendre les phrases utilisées, le 8 septembre dernier, par Humberto de la Calle, le négociateur de M. Santos à La Havane.

Le problème est que les Colombiens, même si eux veulent la paix, c’est-à dire la paix dans la démocratie (et pas la paix sans démocratie), rejettent la solution que les FARC sont en train de concocter à La Havane. Dans les sondages, la majorité des gens disent qu’ils ne sont pas prêts à accepter que la justice soit sacrifiée pour parvenir à un accord de paix. Près de 78% des répondants disent qu’ils rejettent la participation en politique des FARC. Seule une infime minorité croit que l’impunité pour les crimes des FARC peut promouvoir la paix.

Pour passer sur la volonté populaire authentiquement démocratique le régime devra recourir à la force. A la force et à la tromperie.

Jusqu’à présent il a utilisé cette dernière. Mais le passage à la phase finale ne pourra se faire sans avoir recours à la force. Les manigances judiciaires contre l’ancien président Uribe et son parti montrent que nous entrons dans la phase avancée.

Ceci explique la nomination d’Alfonso Gomez Mendez. Juriste controversé et ancien Procureur général de la nation (Fiscalía), il est accusé par des anciens guérilleros démobilisés d’être un agent des FARC agissant dans le champ judiciaire et politique. Personne à ce jour n’a démontré que ces allégations sont fausses. L’hostilité de Gomez Mendez à l’encontre des forces armées est connue. Pendant son mandat à la tète de la Fiscalia, cette institution s’est remplie de juges douteux. Alfonso Gomez Mendez sera l’homme chargé de tirer les ficelles pour faire du pouvoir judiciaire le bourreau de l’opposition et de l’armée. Une autre tâche sera de faire passer les accords d’impunité qui sont en train d’être concoctés à Cuba. Pour faire cela ils vont utiliser les moyens les plus audacieux. Plus que jamais il faudra suivre de très près l’activité de Gomez Mendez.

Mais la société colombienne n’est pas morte. Elle conserve une certaine capacité de réponse contre les abus.

Les grèves du secteur agricole qui ont éclaté ces dernières semaines, en dépit de leur caractère ambigu, le montrent clairement. Dans ces grèves il y avait, certes, l’expression sincère de la colère populaire contre les promesses non tenues par M. Santos. Mais il y avait aussi des efforts d’infiltration de la subversion que les véritables leaders du secteur agricole n’ont pas réussi à contrôler.

Tous les dominos sont en place et il manque juste une pichenette pour commencer l’effondrement. Nous les Colombiens, allons-nous laisser cela se produire ?

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Eduardo Mackenzie pour www.Dreuz.info

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