Publié par Gilles William Goldnadel le 8 octobre 2013

Gilles-William-Goldnadel

Il y a peut-être pire que l’excès de bonne conscience : l’excès de mauvaise conscience.

Au-delà de la naturelle et légitime compassion pour les victimes du drame survenu au large de Lampedusa, une étrange et sourde ambivalence semble s’être emparée des commentateurs.

Il serait mieux, à ce degré de circonlocutions hypocrites, de dire les choses carrément.

Qui sont les véritables responsables de cette honteuse catastrophe ?

La gauche et ses extrêmes aimeraient bien pouvoir dire clairement qu’une nouvelle fois, l’Occident honni et égoïste est responsable. Mais il lui faudrait également plaider pour l’ouverture des frontières à tous les vents mauvais qui soufflent d’un Orient rien moins qu’au printemps.

Au degré atteint d’exaspération des peuples européens -déjà très accueillants- par une immigration incontrôlée issue de son idéologie démagogique, même la gauche cale.

Sans vouloir paraître irrévérencieux envers le pape François, le « mondialisme » qu’il a pointé d’un doigt sévère risque de diluer les responsabilités. Si tout le monde est coupable, personne ne l’est vraiment. Sauf effectivement à ajouter que c’est bien l’affaiblissement des États-nations européens, et en premier lieu de leurs frontières qui provoquent la tentation compréhensible des négriers modernes et de leur malheureuse clientèle.

A la vérité, pas très bonne à dire, les premiers responsables des malheurs des migrants sont les conflits qu’ils veulent fuir. Ce n’est pas l’Occident qui est responsable des conflits érythréen, syrien ou somalien. Mais plutôt la radicalité arabo-islamique que les occidentaux complexés prennent garde d’incriminer.

Si l’on veut, à toute force, voir la main de l’Occident dans le naufrage, la vérité m’oblige également à constater que le remplacement brutal de Kadhafi -qui contrôlait au moins ses rivages- par l’anarchie en Cyrénaïque comme en Tripolitaine ne me paraît pas avoir amélioré le sort du monde en général et celui des Libyens en particulier.

Les seconds responsables de la catastrophe sont les futiles accords de Schengen qui avaient pour but de faciliter la circulation des européens en Europe tout en protégeant efficacement les frontières de la nouvelle entité politique. Le premier objectif a été atteint au-delà du souhaitable, le second a désespérément échoué.

J’ai un peu honte à le dire, mais l’Occident n’est pas coupable. Sauf peut-être de sa mauvaise conscience.

Peu à peu, la manière dont les émirats traitent leurs immigrés commencent lentement à choquer.

Ce n’est qu’en raison d’une indulgence particulière sur laquelle je n’ose m’interroger, que leur esclavagisme très moderne (retenue des passeports, salaires misérables, travaux exténuants) n’avait, jusqu’à présent, passionné une classe médiatique ordinairement plus vétilleuse.

Las, l’organisation de la Coupe du Monde de football au Qatar vient de lever une partie du voile délicatement posé jusqu’alors sur des yeux peu sourcilleux.

Sans doute est-ce une raison pour laquelle ni les Erythréens, ni les Somaliens, ni les Syriens n’ont seulement l’idée de demander refuge à ces pays pourtant richissimes et plus proches d’eux par, la langue, la religion et la culture.

Mais est-ce une raison pour ne pas le dire ?

Le Monde, cette semaine, a consacré un articulet un brin ironique sur la crise de « pétitionnisme » qui se serait emparé de l’UMP. Le parti de droite utiliserait désormais le mode pétitionnaire à tort et à travers, pour un oui ou pour un non. Pourtant, observe le journaliste pointilleux, lorsqu’on recourt à une pétition, c’est, en principe, pour obtenir quelque chose d’une institution.

En ce qui me concerne, je n’avais pas particulièrement observé que les pétitionnaires que Le Monde s’est fait une spécialité de publier depuis toujours avaient d’autres objectifs que de faire partager leurs indignations, parfois sélectives.

Sur le fond, cet agacement en dit long sur l’irritation de la gauche à voir la droite employer ses recettes éprouvées pour conquérir non seulement le pouvoir mais encore les esprits.

Que n’a-t-on entendu lorsque l’UMP a manifesté sa décision de désormais manifester ? Et que n’a-t-on vu lorsque de jeunes manifestants qui n’avaient pas le look habituellement convenu pour occuper la rue, ont osé contester bruyamment un projet de loi forcément progressiste ou arborer des T-shirts forcément réactionnaires ?

La gauche, pourtant, devra s’y faire, sans fulminer d’actions en contrefaçon.

Même si cela lui sera difficile, à voir les réactions de M. Hamon, soudain frappé d’apoplexie légaliste après la fronde d’employés et d’employeurs favorables aux ouvertures des magasins le dimanche, elle devra même se résoudre à tolérer quelques actions de désobéissance civique « citoyennes ». Après avoir témoigné d’une grande compréhension pour les destructions anti OGM et les séquestrations de cadres et d’employeurs dans les usines, son avance dans ce domaine est confortable.

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Comme le montrent en effet et excellemment Vincent Trémolet de Villers et Raphaël Stainville dans « Et la France se réveilla*» (éditions du Toucan), la droite française, ainsi que je l’appelais de mes vœux, depuis tant et tant de temps, s’est enfin convertie au gramscisme. Entendez, qu’elle commence, à intégrer la théorie de Gramsci -mise en application talentueusement par les trotskistes- qui montre que le pouvoir se conquiert d’abord et avant tout par les succès médiatiques, culturels et sociétaux plutôt que dans les urnes.

Marine Le Pen, cette semaine, a, de nouveau, récusé l’étiquette « d’extrême droite » collée au goudron sur son Front National. Impossible débat, qui écouter : celui qui détermine ou celui qui s’auto-détermine ? J’avoue ne pas savoir, d’autant plus qu’à regarder de près l’évolution de son parti, extrême ou non, dans le domaine économique, j’aurais un peu de mal à présent à le situer à droite.

Bien entendu, pareille discussion terminologique n’a rien de politiquement scientifique puisque minée par une idéologie médiatique encore sous l’empire de l’extrême gauche. Celle-ci, par voie de conséquence extrémise la droite selon ses critères très subjectifs. Ce qui revient, étrangement, à ne dessiner qu’une extrémité disqualifiée sur un planisphère politique baroque.

Pour rester sur les questions d’appellation très contrôlée, le terme « antifasciste » généreusement attribué aux militants violents d’extrême gauche s’opposant à l’extrême droite violente me paraît également très douteux, ainsi que l’a montré très récemment l’affaire Clément Meric.

Pour ma part je proposerai d’en rester aux localisations objectives, ou, si l’on tient à être hystérique plutôt qu’historique :« fascistes d’extrême gauche contre fascistes d’extrême droite ».

Toujours sur le même registre linguistique, Patrick Roger (Le Monde) a cru devoir cette semaine titiller Gérard Longuet et quelques-uns de ses amis de l’UMP coupables d’avoir osé déceler l’ombre du « bolchevisme » et du « collectivisme » dans certains actes d’un gouvernement tout de même associé aux communistes.

Aussitôt, le journaliste, soudainement historien, croyait devoir rappeler le passé extrêmement à droite du sénateur depuis largement apaisé.

Même le terme « d’opposition nationale » utilisé par ce dernier évoquerait, paraît-il, les fantômes du passé…

Ah que l’on aimerait autant de rigueur caustique et de mémoire, lorsque les anciens trotskistes embourgeoisés convoquent Pétain et Laval à la première déclaration un peu ferme sur les sujets qui les fâchent encore tout rouge.

Si je ne le dis pas, alors qui va le dire ?

  • Si l’on veut se persuader de ce que la bêtise a définitivement changé de camp, le dernier mauvais procès fait à Lorànt Deutsch est particulièrement croquignolet : déjà, après le succès phénoménal de son « Métronome*», quelques petits marquis communistes de la Ville de Paris lui avaient fait le reproche d’être royaliste. Raison pourquoi, ces épris de liberté républicaine avaient demandé sa mise à l’index. À présent, la publication de son « Hexagone (Michel Lafont) a donné l’occasion à trois inconnus au bataillon des historiens de mettre le feu, dans le Huffington Post, à une poudre qu’ils n’ont manifestement pas inventée. Qu’on en juge : dans ce livre consacré à l’histoire de la France, Deutsch a le malheur d’évoquer à propos de la bataille de Poitiers, « des musulmans qui font une masse immense… Un envahisseur qui a transformé les églises et les synagogues en mosquées et perpétré des pillages et des massacres ».

Sans rien contester du contenu du récit, nos trois contestataires indignés y trouvent des résonances sulfureuses dans le contexte actuel… Deutsch, pour complaire au joyeux trio, aurait certainement du réviser sa leçon et décrire le sarrasin comme peu nombreux et animé des meilleures intentions. Mieux encore: taxer l’histoire de France d’islamophobe.

À ce degré de flicage idéologique, digne de l’inspecteur la bavure, je n’ose nuancer le juste hommage rendu par le Président de la République aux goumiers marocains lors de sa récente visite en Corse.

Faut-il, en effet, continuer dans la métropole comme sur l’île de beauté à maintenir l’omerta sur les viols de masse commis par des goumiers sur une autre île chère à mon cœur ?

La Sicile en effet, chaque année, se souvient du passage de troupiers français d’Afrique du Nord sur le corps de nombre de ses femmes. Fellini l’a raconté dans sa Cioccara et Daniel Schneidermann dans « Arrêt sur images » a eu l’audace de l’évoquer au moment de la sortie d’« Indigènes ».

À l’instar de la traite esclavagiste, la rage des historiens à triturer le passé est manifestement à géographie variable.

Des deux Cantat, c’est l’autre que je préfère.

Ainsi que je l’évoquais la semaine dernière, à propos de la sortie du livre de Clément Weill-Raynal, « Le Fusillé du Mur des Cons*» (Plon), le Syndicat National des Journalistes CGT avait tenu à témoigner de sa solidarité au Syndicat de la Magistrature. Au nom, notamment, du droit à l’humour.

Étrangement, le SNJ-CGT n’a pas du tout apprécié l’humour du caricaturiste Plantu qui, dans Le Monde, s’est amusé jeudi à mettre en parallèle un islamiste interdisant à sa fille d’aller à l’école et un militant CGT interdisant à une salariée d’aller travailler le dimanche.

Que des magistrats caricaturent… Mais un caricaturiste !

Qu’on fasse passer pour un con le père d’un enfant assassiné… Mais un syndicaliste CGT !

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles-William Goldnadel. Publié avec l’aimable autorisation de Valeurs actuelles

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