Publié par Guy Millière le 4 novembre 2013

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Je reviendrai à des sujets plus essentiels très vite. Mais le monde a perdu, voici quelques jours, un grand artiste, que j’ai beaucoup lu et écouté, et vu en concert, Lou Reed.

D’autres que moi ont décrit ses apports musicaux et poétiques, et ils furent essentiels. D’autres ont dit ses frasques sexuelles et ses incursions dans la drogue et l’alcool lorsqu’il avait vingt ans et un peu plus.

Fort peu ont dit qu’il est sorti de frasques et incursions, plus tard, et qu’il est devenu plus proche alors des valeurs conservatrices.

Aucun ne dira, et c’est pourquoi je dois le faire ici, qu’il est né juif de parents juifs, Toby et Sidney Joseph Reed (né Rabinowicz), et qu’il a été élevé dans le judaïsme, dont il ne s’est jamais éloigné spirituellement, plus loin que ses errances. Aucun ne dira qu’il a résisté à tous les appels au boycott d’Israël, ce qui en fait un mensch, au delà, d’un grand créateur.

Lou Reed est l’auteur de chansons nihilistes, souvent citées. Il est aussi l’auteur de chansons qui sont porteuses de positions claires et courageuses, qu’on cite moins, et qui tranchent avec le conformisme de la bien pensance.

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Je songe, par exemple, et parmi d’autres titres, à Good Evening, Mr Waldheim, tirée de l’album New York, critique féroce de Kurt Waldheim, alors Secrétaire général des Nations Unies, ancien nazi, très antisémites, et très hostile à Israël, incrimination aussi du pape de l’époque, qui dirigeait une Eglise qui n’avait pas rompu nettement avec son propre passé anti-juif, et de Jesse Jackson, figure emblématique et anti-juive de la gauche américaine, aujourd’hui proche de Barack Obama.

Lou Reed était l’ami de Vaclav Havel, et fut l’ami d’Andy Warhol, dont on oublie délibérément que c’était un provocateur, mais aussi un homme qui avait tout compris de l’ère en laquelle il vivait, et qui était profondément attaché au capitalisme américain.

Andy Warhol était l’ami de Fereydoun Hoveyda, ancien ambassadeur du Shah à New York, au temps de l’Iran d’avant Khomeiny.

Fereydoun était un ami d’Israël, un musulman éclairé, et c’était mon ami.

Il me remonte en la mémoire une soirée passée il y a trente ans avec Fereydoun sur Saint Marks Place. Dans l’East Village. Lou Reed s’était installé à notre table, et je ne savais pas au départ qui il était. Il parlait peu, mais nous avions échangé quelques mots sur le rock, l’Amérique, Israël. Il avait la réputation d’être cassant, il ne l’avait pas été. Il était reparti très vite et s’était fondu dans la nuit. J’étais retourné vers Bleecker Street où vivait un ami, professeur de philosophie à la New York University, juif lui aussi, et qui s’appelait Raziel Abelson. Je n’y avais plus pensé jusqu’à ce soir. Nous sommes poussière et retournons a la poussière.

J’ai écrit un livre sur Fereydoun. Je devrais écrire d’autres livres sur ceux que j’ai croisés, mais il y a si peu de temps.

Adieu Lewis Alan Reed, disciple de Delmore Schwartz. Il manquera quelqu’un au Seder du Museum of Jewish Heritage l’année qui vient. Lou Reed qui, depuis plus d’une décennie, y participait n’est plus.

Le Rav Levi Weiman-Kelman va ressentir une absence, intense.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour Dreuz.info.

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