Publié par Guy Millière le 16 décembre 2013

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Il y a, certes, une part de bonne volonté humanitaire dans l’intervention de la France en République centrafricaine.

Il y a aussi une volonté, non dite, de contrer l’expansion de l’islam radical dans un pays supplémentaire. Cela dit, les chances de succès effectif de l’opération menée sont minces.

En regardant les opérations successives de la France au Mali (où l’armée française est toujours et n’a fait qu’endiguer une vague qui serait à même de reprendre sitôt les forces françaises se seront repliées ou auront quitté le pays), puis en République centrafricaine, je repense aux mots de découragement de Simon Bolivar, qui avait espéré un temps libérer l’Amérique latine, et qui, comprenant que la tâche était quasiment impossible, avait fini par dire que sa tâche était aussi vaine que s’il tentait de labourer la mer. La France est en train de tenter de labourer la mer. Les pays d’Afrique subsaharienne ont été dessinés par les anciens colonisateurs, et leurs frontières sont arbitraires : elles mettent ensemble des tribus qui n’ont cessé, au fil du temps et jusqu’à la colonisation de se combattre. Elles scindent parfois des tribus qui se retrouvent divisées par le tracé d’une frontière. Elles ont pu aussi remettre en question un statu quo qui avait existé avant la colonisation et qui a subsisté sous la colonisation, mais que celle-ci a pu dissimuler, et il a pu en résulter des massacres tels ceux survenus au Rwanda.

La volonté de poser des principes démocratiques en pareil contexte est quasiment toujours de l’ordre de l’illusion, du subterfuge ou de l’imposture : la tribu qui tient les leviers du pouvoir se sert elle-même, et les autres tribus, dans le meilleur des cas bénéficient de quelques miettes, dans le pire des cas sont en situation d’exclusion, ce qui débouche sur des luttes, parfois armées, pour la prise du pouvoir. S’est ajouté à cela au cours des récentes décennies la poussée de l’islam, sous sa forme radicale, et cette poussée s’est faite au détriment des Chrétiens et des animistes. Ce qui s’est passé au Mali a été une poussée de mouvements islamistes du Nord en direction du Sud, musulman aussi, mais porteur d’une version plus modérée de l’islam. Cela a été aussi un conflit tribal opposant les tribus du Sud aux touareg du Nord. Des élections ne changeront rien à ce conflit.

En République centrafricaine, des groupes islamistes (essentiellement les Seleka) s’en sont pris aux Chrétiens et ont commis des massacres. Les soldats français ont repoussé les groupes islamistes, et ont pour tâche de désarmer les milices. Le recul des groupes islamistes a entrainé des assassinats de Musulmans par des Chrétiens, des pillages de commerces musulmans et de mosquées, mais si l’armée française s’en va, c’est sans doute l’inverse qui se produira.

François Hollande a rejeté le Président centrafricain en place, Michel Djotodia, et parle de « transition », mais transition vers quoi ? Contrairement à ce que son prénom pourrait indiquer, Djotodia est issue des Seleka islamistes, ce qui explique le geste de Hollande, mais la France n’a pas un pantin à sortir d’on ne sait où pour le mettre à la place de Djotodia, qui est lui-même arrivé après que son prédécesseur ait été chassé du pouvoir.

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La réalité est que la République centrafricaine n’est pas une république, et que c’est même un pays qui n’a pas d’existence réelle. La France peut-elle maintenir à bout de bras des pays qui n’ont pas d’existence réelle ? L’intervention au Mali s’expliquait par des intérêts économiques. L’intervention en République centrafricaine s’explique, au mieux, je l’ai dit en commençant, par des motifs humanitaires, et ce qui se passe montre que ce n’est pas vraiment réussi.

La réalité est que c’est toute la zone du Sahel qui est en proie à une série d’offensives islamistes

Celles-ci étaient déjà en cours avant le renversement de Kadhafi en Libye. Depuis le renversement de Kadhafi, elles se sont nettement accentuées. Elles ne cesseront pas tant que l’islam radical ne sera pas en reflux. Or, les politiques américaines et européennes sont des politiques d’apaisement vis-à-vis de l’islam radical vis-à-vis des pays qui alimentent celui-ci et constituent ses matrices. Comment faire refluer un mouvement meurtrier sur ses franges, tout en pratiquant l’apaisement vis-à-vis de ses matrices ? La question, bien sûr, ne sera pas posée. Et des soldats français risquent de mourir pour rien en terre africaine: deux sont morts, déjà, et je rends hommage à leur sens du devoir. Des explications détaillées sur ce qui se passe en République centrafricaine figurent sur le blog de Bernard Lugan, qui est le meilleur connaisseur français de l’Afrique subsaharienne.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour Dreuz.info.

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