C’était la dernière de MANFRED, hier après midi, 15 décembre 2013, à l’Opéra Comique de Paris, petit bijou de la belle époque parisienne.
MANFRED, est un drame romantique, en forme de poème, de Lord Byron, mis en musique par Robert Schumann. Sur ce lien, vous pourrez lire la version intégrale du poème que met à disposition en ligne la Bibliothèque Nationale.
Cette courte série de 5 représentations de ce drame a pu se tenir grâce à l’idée et à la persévérance du Directeur de ce bel établissement, Olivier Mantei. Comment, en ces temps déculturés a-t-il pu convaincre les autorités à accepter cette œuvre qui peut paraître déconcertante pour un public non averti ? Surprenant dans sa structure. Ce n’est ni un opéra, ni un simple concert. Un poème de Byron, récité, et accompagné de l’œuvre musicale de Robert Schumann. Déjà, pour l’époque, une audace, dont même Schumann estimait qu’elle ne pourrait jamais se monter.
En fait, la question du pourquoi ou du comment de la production Parisienne n’a pas d’importance, puisque les représentations ont pu avoir lieu.
Et j’espère que le public a pu se rendre compte de l’événement considérable que représente ce spectacle, à Paris, tant les représentations de ce drame furent rares, depuis sa première où Robert Schumann dirigeait l’ouverture de Manfred au Leipziger Gewandhaus, le 14 mars 1852, en présence de Franz Liszt. Ce fut un immense succès. Ensuite, l’œuvre complète Byron-Schumann fut présentée pour la première fois sous la direction de Franz Liszt, au Weimarer Hoftheater, le 13 juin 1852.
A la vue d’une salle comble, ici, à l’Opéra Comique, le pari audacieux est réussi
Le public Parisien était tout autant conquis que celui, avant lui, du Teatro Comunale di Bologna, à la Fenice de Venise ou à la Scala de Milan. Il semblerait qu’une production de la BBC Radio 3 a eut lieu en 1988. Et, maintenant, pour la première fois à Paris en 2013. C’est dire la rareté. Rien que pour cela, il faut féliciter ceux qui sont aux manettes de cette belle maison.
Chez nous, à Paris, c’est Emannuel Krivine qui était à la direction de la Chambre Philharmonique, qui n’avait rien à envier à Bologne, Milan, Venise ou Londres. Une mise en scène de Georges Lavaudant que j’ai apprécié pour sa sobriété. Il paraît que les costumes d’hommes ne furent pas du goût de certains. J’ai trouvé au contraire qu’ils se fondaient parfaitement dans ce décor bleu-noir dramatique, qui épousait parfaitement l’intention de l’œuvre sombre des deux auteurs, Byron et Schumann. Le chœur me fit chavirer par sa qualité, comme les solistes. Seul reproche que je ferai à Lavaudant, c’est cette vidéo des alpages qui est venue s’incruster pour on ne sait quelle raison. La sienne assurément.
J’en arrive au protagoniste principal, MANFRED. Magistralement interprété par un Pascal Rénéric que je découvrais. En fait, il n’interprétait pas. Il était l’incarnation vivante du héros romantique. Carmelo Bene avant lui s’était incarné, lui aussi, en MANFRED. Il fallait donc faire aussi bien, sinon mieux. Pari réussi de la part de cet acteur habité. Astrid Bas, qui interprétait le fantôme d’Astarté était presque parfaite, si ce n’était le timbre de sa voix que je trouvais trop « métallique ». A la fin, la salle explosait d’enthousiasme – et moi avec.
Je fus aimablement invitée au foyer, pour rencontrer le Maestro Krivine, avec lequel j’évoquais le MANFRED de Tchaikovsky. Il préfère celui de Schumann. Moi aussi. Mais quand même, le Tchaikovsky … soit dit en passant, musical seulement. Ici, une magistrale performance de la femme, chef d’orchestre célèbre, la Sino-Américaine, Xian Zhang :
j’avais une impression d’Europe, celle d’avant
De Paris à Milan, de Londres à Berlin, de Moscou à Saint Petersburg
Je me dis que j’avais bien de la chance d’être née à l’époque à laquelle je vins au monde. J’ai, nous avons encore la chance de goûter à ce qui reste de ces beautés qui s’évanouissent. Cependant, pour la grande musique, comme le disais si bien Kurt Mazur, et comme nous pouvons le constater, son avenir est en Asie. Si bien en Chine qu’au Japon. Est-ce l’Asie qui conservera notre mémoire musicale durant l’inéluctable déclin Européen ? C’est un grand espoir, pendant lequel nous sombrons dans les limbes noires d’un décor non encore achevé.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Hildegard von Hessen am Rhein pour Dreuz.info.
Bel article, merci.
J’écoute beaucoup de musique classique , France Musique en ce moment même .
Mais vous me donnez envie de sortir et d’écouter des concerts en vrai , il paraît que c’est incomparable .
Je ne sais pas .
Milan Kundera a écrit un livre sur la culture européenne : “Les testaments trahis” ?
N’avons nous pas trahi la petite Tchécoslovaquie en 1938 , en 1968 (alors que les salopards défilaient à Paris , les héros se faisaient tuer à Prague)
Bande d’enflures soixante huitardes
merci pour votre conclusion lucide , moi je me suis déjà exilé , et j’espère être encore assez valide pour faire partie des troupes libératrices de l’Europe vendue par nos collabobos à la la civilisation obscurantiste !
un jour cet annéantissement de nos rêves d’avenir devra se payer d’une manière ou d’une autre !!!
magnifique video
merci
Emploi délicieux du passé simple pour ce bel article. (La prochaine fois avec les terminaisons d’usage ?)
Kurt Mazur voit l’avenir de la musique en Asie (Je dirai qu’elle y a déjà un présent). Il a raison. Mais pourquoi semblez-vous exclure un avenir de la musique en occident ? Le “déclin européen” est certain, mais il s’agit d’un déclin en musique.
L’Europe compte nombre de formations symphoniques et de maisons d’opéra parmi les plus prestigieuses. Et à une échelle plus modeste l’Orchestre National des Pays de la Loire qui donne de nombreux concerts fait le plus souvent salle comble. Tout comme l’Opéra de Nantes-Angers.
Je ne souhaite pas faire une réponse politique à votre question qui mérite assurément une réponse. Et, votre question m’inspire un article, afin de vous répondre, mais aussi et, certainement à un grand nombre qui ne réalisent pas encore le déclin de l’Europe. Si l’Europe décline, c’est en tout, la musique en fait parti. Vous l’avez observé, comme j’y fais allusion, même par la vidéo, que l’avenir de la grande musique, qui n’est qu’Européenne, devenue universelle, sera préservée grâce à nos amis Chinois et Japonais ou Coréens, qui se sont prit de passion pour cette grandeur. Nous aurons autre chose affaire pendant ce temps. Comme je le disais en terminant, nous faisons parti d’un décors non encore achevé.
Voici en complément les prédiction du Maestro Masur, on ne saurait mieux illustrer: http://thedabbler.co.uk/2011/09/eastern-promise-does-classical-music-now-belong-to-asia/