Publié par Jean-Patrick Grumberg le 2 mars 2014
Alain Combe
Alain Combe

Dans les prisons marocaines, vous avez échappé à la mort, vous avez été torturé et humilié, et vous avez plusieurs fois tenté de mettre fin à vos jours. Vous avez été abandonné par la France qui vous a donné une fin de non recevoir alors que vous étiez innocent, emprisonné illégalement, et que les autorités françaises étaient parfaitement informées de votre cas. Vous devez être très amer aujourd’hui. Comment tout cela a-t-il commencé ?

Tout a débuté par une simple acquisition d’un terrain que trois escrocs, amis dans la vie, un faux vendeur Jaouad Sakib, un vrai avocat véreux Mohamed Nakhly et un vrai notaire voyou Brahim Ousaid, ont voulu me vendre. Mais le terrain en question appartenait à l’état et ne pouvait ni être vendu ni louer. Les trois sont d’ailleurs maintenant inculpés d’escroquerie et risquent des peines de plus de 20 ans de réclusions. Ces faits et mon innocence ont été reconnus rapidement par les autorités française et marocaines, mais cela a joué contre moi car je devenais un témoin gênant, crédible, une contre publicité à l’image du Maroc.

Car le Maroc n’est qu’une façade, conforme à l’image des visites royales où tout est repeint 5 jours avant… où du matériel sophistiqué est loué pour l’occasion, et des ouvriers payés pour se mettre au bord des routes avec des petits drapeaux… tout est une vaste fumisterie. Les accords internationaux signés s’empilent sans qu’aucun ne soient respectés, ce qui permet de leur allouer des subsides. En échange, le Maroc fait la balance du Magreb pour les problèmes de terrorisme, et ils gardent une partie des immigrés sub-sahariens. Pour ce rôle, la France ferme les yeux, mais tout le monde sait.

50m2 pour 85 prisonniers et des conditions d’hygienne déplorables

Donc j’ai été jeté dans une prison sordide, dans une cellule affreuse – 50 m2 pour 85 prisonniers – dans des conditions d’hygiène des plus déplorables. Je dormais à même le sol dans les souillures, sous un des rares lits, avec un espace de 5 cm au dessus de mon visage par 45° jour et nuit – sans air. Une alimentation tellement pauvre que j’ai perdu 16 kilos durant les quatre premiers mois, j’avais la peau en sang à cause des puces, des poux, des cafard. Sans parler des rats…

Le directeur de la prison m’a confié qu’entre juillet et août, il déplorait plus de 10 morts en moyenne uniquement à cause de la chaleur.

J’ai vu des gens mourir par manque de soin, même dans ma cellule, un jeune de 25 ans, de la tuberculose.

J’ai vu un Français prisonnier égorgé – pas mortellement – par un islamiste car un film était sorti au USA. Son prénom est Olivier. La France et le Maroc ont négocié son silence en échange de deux mois de grâce, la honte.

Pour me faire entendre, j’ai du monter sur un toit me faire braquer avec des armes, m’immoler dans un bureau en présence du Consul général de France, qui en a été malade et a vomi pendant 2 jours … des actes et des actes pendant deux ans.

Une grâce royale a été demandée par la République française en ma faveur, mais a été balayée et n’a pas été transmise par l’administration marocaine. J’ai été le seul à crier “Le Maroc a pissé sur la France !”

Un jour j’ai dit à l’Élysée “si vous ne pouvez me libérer, redonnez moi au moins la fierté d’être français”.

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Le 21 octobre, nous publiions un article pour alerter les Français sur votre sort, et annoncions que vous étiez au bout du rouleau, que vous aviez décidé de vous suicider. Le 3 décembre, vous étiez libéré alors qu’il vous avait été dit que “vous ne sortiriez jamais du Maroc”. Pensez-vous que les pouvoirs publics, une fois notre article publié, ont craint un scandale d’Etat s’il vous arrivait quelque chose ? A quoi attribuez-vous votre libération ?

Rectification.. on m’a dit et on l’a répété à d’autres prisonniers que je ne sortirai jamais du Maroc, que j’étais foutu, car ils savaient que je ne me tairai pas. En prison, fort de mon innocence et de mon honneur, celui d’être citoyen de la 5e puissance mondiale, j’ai mis ma vie en péril. Je n’ai jamais plié à la torture, ni au chantage, ni aux menaces de mort. Dans une prison ou juste monter le ton vous occasionne d’être battu, j’ai secrètement écrit, téléphoné, ce qui m’a valu la menace d’un transfert en quartier de haute sécurité. Un gardien m’a même été attribue 24 h sur 24. Je ne pouvais pas faire un pas, pas un déplacement sans lui à moins de 20 cm de moi. Surveillance maximum.

J’étais fouillé plusieurs fois par jour, mes affaires démontées, fouillées, souillées. J’étais le seul dans tous le Maroc sous ce régime.

Même les prisonniers européens me boycottaient – sauf cas rares de quelques courageux – car juste me saluer pouvait leurs causer des problèmes.

Sans vos articles, sans mon comité de défense, sans ces deux sénateurs… je serai aujourd’hui mort !

Oui, les quelques articles qui ont fait cas de ma cause m’ont aidé en alertant quelques politiques de haut rang comme le Sénateur eric Doliger et la Vice présidente du sénat, Mme Gariaud Meylam, à qui je dois, au bout de la chaine de solidarité, ma vie et mon exfiltration, il y a maintenant deux mois.

Sans vos articles, sans mon comité de défense, sans ces deux sénateurs… je serai aujourd’hui mort !

Vous dites que la France entretient une escroquerie d’Etat au sujet du Maroc, que les rapports sur les droits de l’homme, sur la torture, sont faux, qu’en est-il exactement, quel témoignage voulez-vous apporter ?

De faux rapports, de faux bilans sont rendus public sur les réalités du Maroc pour justifier les millions d’euros versés à ce pays pour des raisons géopolitiques… mais qui contribuent à laisser ce pays faire toutes les exactions dont toute la population souffre, et pour quelques nantis corrompus qui dilapident les ressources du pays. Chaque état qui verse … est complice.

Les faux sont partout. Tout comme la nomination récente d’une marocaine, présidente de l’INDH Maroc (Initiative Nationale pour le Développement Humain) au poste de secrétaire générale de l’INDH à Paris… En 20 ans, l’INDH n’a pas réussi la moindre avancée dans son propre pays. Ces mensonges d’états tuent. Il faut arrêter cela, parler vrai pour résoudre ces problèmes.

Vous avez décidé de vous battre pour que la vérité éclate, comment pensez-vous briser la raison d’État, et quel est votre objectif ?

Par le droit international. Avec mon avocat, nous préparons un dépôt de plainte contre Mrs Hollande et Fabius, car eux étaient en charge de mon dossier, j’en ai toutes les preuves. Même lors de la visite officielle de Hollande au Maroc, mon cas était en deuxième position dans sa liste de problèmes à aborder… mais tous… tous ces représentants de la 5 ème puissance mondiale se sont couchés. L’un par manque de charisme, par lâcheté, et l’autre a peut être des choses à négocier au sujet de son fils.

Si j’avais été coupable, j’aurais été libre depuis longtemps

J’étais le seul prisonnier français à avoir une cellule de crise à l’Elysée dirigée par Mr Bénard, chef de cabinet du Président, et Mr Emmanuel Bonne, conseiller à la présidence de la République pour les question africaines.

Il y a une cellule de protection des personnes au Quai d’Orsay. Ils ont mis plus de 18 mois pour négocier la libération. Il va falloir me donner des explications.

Certains d’entre eux mon dit que si j’avais été coupable, j’aurais été libre depuis longtemps. Avant de m’exfiltrer la nuit en avion, j’ai eu un entretien secret avec des autorités … certaines choses me sont restées en travers.

Vous avez tout perdu financièrement, au Maroc. Vous y avez laissé deux ans de votre vie, vous avez inévitablement des séquelles psychologiques, allez-vous demander à la France des réparations ?

Même des séquelles physiques. Car j’ai été complètement massacré à plusieurs reprises. Les seuls choses qui me restent sont la dignité, mon honneur, et comme le dis une chanson, ma liberté de penser. Mais je suis toujours menacé de mort. Irai-je jusqu’à ma liberté de parler ?

Oui, le Maroc et la France me doivent de lourdes réparations. A chaque minute ils pouvaient mettre un terme à mon cauchemar. Ils ne l’on pas fait – en toutes connaissances de cause.

Comment voyez-vous votre futur, quels sont vos projets ?

Parler. Parler devant les juridictions concernées. Faire taire ces mensonges d’Etat qui me rendent encore malade à leur lecture.
Déposer plainte contre Hollande et Fabius.
Déposer plainte contre Ramid, ministre de la justice marocaine, Abdennabaoui, directeur des affaires pénales et des grâces, pour complicité de tortures.
Déposer plainte contre Mendès, rapporteur à l’ONU pour escroquerie et prise illégale d’intérêts.
Déposer plainte contre des ministres, des députés français pour non dénonciation de crime et non assistance à personnes en danger.
Déposer plainte contre certain sénateurs qui continuent à cacher la vérité, à mentir aux médias.
Tous devront répondre de leurs actes ou de leurs négligences … ou simplement pour avoir fermé les yeux.
Et je m’adresse à ceux qui écrivent de fausses déclarations sur le Maroc … vous me trouverez en face de vous, et vous aurez à en répondre.

Merci Alain Combe, et encore une fois profondément heureux si nous avons pu contribuer à votre libération.

Merci à vous pour votre honnêteté et votre courage.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

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