Publié par Jean-Patrick Grumberg le 5 mars 2014

Renaud Camus

Vous venez d’être convoqué devant la XVIIème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris pour une affaire qui remonte à 2010.

À l’époque, le MRAP avait déposé plainte contre vous pour incitation à la haine raciale, en raison de vos déclarations, durant les assises de l’islamisation organisées par Riposte laïque. Vous y défendiez l’idée que l’immigration musulmane a pour effet — ou est destinée — au remplacement du peuple français ethnique et que l’islam est une religion de conquête. Avez vous été affecté, avez-vous eu un sentiment d’injustice, de dictature de la pensée, de chasse aux sorcières, par ce procès qui vous est fait, ou, au contraire, le regret “d’être allé trop loin” ?

Ceux qui veulent à tout prix que ce qui arrive ne soit pas nommé, pas désigné, pas vu…

— Être allé trop loin, ah non, ça, certainement pas ! C’est l’histoire qui va trop loin, et qu’il va falloir faire rebrousser chemin ! Je n’ai pas eu un sentiment d’injustice, non, car je sais que nous sommes en guerre. Il y a ceux qui veulent à tout prix que ce qui arrive ne soit pas nommé, pas désigné, pas vu, qu’on fasse comme si rien ne se passait ; et ceux, dont je suis, qui n’en peuvent plus de désespoir et de colère face à ce qui survient, le changement de peuple et de civilisation, l’un entraînant l’autre nécessairement car les hommes et les femmes ne sont pas des machines, des mannequins, des pions, des numéros qu’on peut échanger impunément tout en continuant la même histoire, la même culture, la même civilisation. La France peut très bien intégrer des individus, elle l’a toujours fait à merveille. Elle ne peut pas intégrer des peuples.

Toujours prévisible (ses pertes financières ne sont pas arrivées par hasard), Libération affirme que vous êtes un “écrivain et idéologue d’extrême droite”. Il est toujours difficile de décider qui a autorité pour dire ce que l’on est : l’autre ou soi. Vous voyez-vous comme un idéologue d’extrême droite ? Si ce n’est pas le cas, comment vous définissez-vous ?

L’extrême droite, ce n’est pas du tout mon milieu intellectuel ou social

Rien dans mon histoire personnelle ne me lie à l’extrême droite : ce n’est pas du tout mon milieu intellectuel ou social. Je ne suis ni pétainiste, ni fasciste, ni complotiste, ni paramilitaire, et nazi ou néo-nazi n’en parlons même pas. Je suis un écrivain aussi peu chauvin qu’il est possible, très attaché à toutes les cultures de la terre, européen dans l’âme, mais horrifié par ce qui arrive à sa patrie, à sa culture, à la civilisation de la France et de l’Europe. Ce sont les circonstances qui m’ont rendu patriote, et aussi l’interdiction de nommer ce qui survenait.

Vous affirmez que l’immigration sonne la fin de la civilisation française — immigration essentiellement maghrébine et africaine — et, je suppose, (je n’ai pas lu l’acte d’accusation), que le MRAP reproche à vos propos d’inciter les Français à haïr ces communautés. Puisque l’immigration est décrite par les élites françaises que les médias aiment inviter comme une chance pour la France, pourquoi, selon vous, le MRAP pense-t-il que vous incitez les Français à la haine et non à la réjouissance ?

J’appelle le MRAP le Mouvement pour le Remplacement Accéléré du Peuple. Mais la plaidoirie de son avocat, qui est aussi un de ses présidents, montrait à merveille que ces gens n’ont plus aucune conviction sérieuse, qu’ils sont sans doute aussi désemparés que nous par ce qui survient. Leur idéologie est une vieille mécanique brinquebalante, un emboîtement paléo-industriel de poncifs, d’insultes crachotées à tout hasard, de références qui se veulent meurtrières, quoique totalement hors de propos, à des situations vieilles de trois-quarts de siècle et qui n’ont plus rien à voir avec la situation actuelle. Mrapistes et remplacistes de toutes observances sont comme les généraux français de 1940, ils refont éternellement la guerre précédente, sans se rendre compte que tout a changé et qu’ils vont être emportés par la guerre réelle, celle qu’ils ne veulent pas voir et qu’ils veulent interdire aux autres de voir, et de nommer.

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Depuis le mur des cons, nous avons les preuves de ce dont nous nous doutions : les juges rouges ont teinté la justice française, et pas en bleu. Ainsi, selon que vous soyez de droite ou de gauche, l’issue d’un procès d’opinion est presque décidée avant même le procès. Comment avez-vous abordé son imminence, puis comment analysez-vous les réactions des juges aux propos échangés ?

Je dois dire que j’ai trouvé mes juges très bien, et donnant une excellente image de la justice française, ce à quoi je ne m’attendais pas du tout. Ils étaient, et en particulier la présidente, formalistes, polis, corrects, pas le moins du monde complaisants mais ayant toutes les apparences de l’objectivité, du désir sincère de parvenir aussi près que possible de la vérité, au moins de la vérité respective des parties. Tout le monde a eu tout loisir de s’exprimer comme il lui semblait, personne n’a été rudoyé ou brusqué, ni n’a offert l’occasion de l’être, d’ailleurs. Mais comprenez-moi bien : je n’en tire aucune conclusion sur les sentiments des juges, et encore moins sur l’issue du procès. Je dis seulement que celui-ci s’est déroulé avec beaucoup de dignité et d’équanimité, et de cela, en soi, je suis reconnaissant à la justice, même si elle me condamne.

Comme toutes les guerres celle-ci est aussi, elle est peut-être d’abord, une guerre des mots

Si affirmer que l’islam est une religion de conquête et que l’immigration a pour effet le remplacement de peuple sont des propos d’incitation à la haine, de quelle façon est-il possible, en France, d’aborder ces sujets ? Est-ce même permis de les aborder sans tomber sous le coup de la loi ? Ou bien, selon la phrase consacrée par le procès perdu par Eric Zemmour, est-ce “dépasser les limites de la liberté d’expression” ?

Ce qui survient, et que j’appelle le Grand Remplacement, est une chose effroyable et sinistre. Aucun peuple, conscient qu’il serait d’y être soumis, ne s’en accommoderait sans regimber. C’est pourquoi il est essentiel que cette énormité ne soit pas dite, malgré l’évidence, ne soit pas vue, même, parce qu’il n’y aura pas de mots disponibles pour confirmer l’œil dans la clarté pourtant indéniable de ce qu’il constate. Voilà pourquoi je parlais de guerre, en commençant. Et comme toutes les guerres celle-ci est aussi, elle est peut-être d’abord, une guerre des mots, de ces mots dont l’adversaire organise avec soin et brutalité la disette. C’est pourquoi l’essentiel de mon “message”, si j’ose dire, c’est, comme dans Michel Strogoff, « Regardez, regardez de tous vos yeux ! ». Et surtout croyez-en vos yeux, croyez-en votre expérience, croyez-en votre chagrin. Nommez-les. Ne vous les laissez pas voler par un langage de substitution, celui des sociologues de cour, des statisticiens manipulateurs, des hommes politiques bien sûr, des journalistes, du complexe médiatico-politique, de tout le pouvoir remplaciste.

Si votre thèse est juste mais que vous êtes néanmoins condamné, cela voudra dire que les Français doivent se laisser envahir sans protester ? Est-ce bien raisonnable ?

les Français doivent se révolter, se réveiller, ouvrir les yeux, nommer les choses

Pas du tout. Cela voudra dire que les Français doivent se révolter, se réveiller, ouvrir les yeux, nommer les choses, ne pas se laisser mener les yeux grands fermés, comme dit Michèle Tribalat, vers les poubelles de l’histoire.

Selon L’Express, vers la fin du procès, tard, vers 21 heures, vous avez souhaité prendre une dernière fois la parole, et avez déclaré, en direction de l’avocat du MRAP : “Vous avez dit beaucoup de choses qui m’ont heurté dans votre plaidoirie”. Pouvez-vous développer ?

Ses élèves parlaient des Français comme d’étrangers à leur propre communauté

Oh, je pourrais tellement développer que j’ai l’intention d’en faire un petit livre : Discours à la XVIIe Chambre, ou bien Réponse au Mouvement pour le Remplacement Accéléré du Peuple. Je n’ai pas demandé la parole, on me l’a proposée comme c’est l’usage, et je l’ai acceptée. Je souhaitais revenir, non pas sur la plaidoirie de l’avocat du Mrap, qui, comme je l’ai déjà dit, semblait obéir à une formule-type, avec des cases à cocher et des morceaux obligés, bref, de la mécanique plaquée sur du vivant, comme dirait notre ami Bergson ; non, mais sur un épisode qui m’avait indigné et bouleversé lors de l’interrogatoire des témoins, celui où le même avocat du Mrap, Me Mairat, avait malmené et humilié un jeune professeur français d’origine marocaine, qui exposait à la cour que ses élèves de même origine que lui, ou algérienne, tunisienne, ne se considéraient pas du tout comme Français, parlaient des Français comme d’étrangers à leur propre communauté, estimaient que la France serait musulmane dans quinze ou vingt ans, se servaient couramment du mot de conquête et considéraient qu’elle était un juste retour des choses pour les horreurs de la colonisation et la discrimination qu’ils subissaient quotidiennement.

« Vous savez, fulminait l’avocat, ce que la France a fait à leurs parents et grands parents, à vos élèves ? Vous êtes au courant, tout de même ? »

Et le jeune professeur de répliquer timidement, mais fermement, qu’il ne lui semblait pas que l’essentiel de sa mission fût d’exposer et de réexposer indéfiniment les horreurs commises par la France au cours des cent cinquante dernières années ; que d’ailleurs il n’était pas professeur d’histoire, mais de littérature ; qu’il lui semblait que son devoir c’était de faire aimer à ces jeunes Français la culture et la littérature françaises ; que d’ailleurs il avait la même expérience qu’eux, avait subi les mêmes discriminations et était issu de la même histoire ; mais que lui aimait la France, se sentait profondément français et se considérait même comme un patriote français, ce qui prouvait que la haine de la France et le mépris des Français n’étaient pas une fatalité mais qui lui valait de passer pour un traître auprès de ses élèves. Et plus il parlait, plus l’avocat du Mrap était furieux, brutal et méprisant : tant il est vrai qu’un jeune Français d’origine marocaine amoureux de la France et de sa culture, il n’y avait aucune case, dans son formulaire d’appréhension du réel, qui lui permît d’assimiler pareil cas.

N’est ce pas ironique de songer que parmi vos accusateurs se trouvent peut-être ceux justement que vous désignez et qui ont intérêt à ne pas vous laisser éventer leurs desseins ?

Ce n’est pas ironique, si vous permettez : c’est la réalité de la guerre. Les remplacistes doivent à tout prix faire taire ceux qui attirent l’attention sur la réalité du Grand Remplacement.

Je reviens sur cette idée selon laquelle l’immigration est une chance pour la France. Si c’est le cas, pourquoi le peuple n’a-t-il pas été consulté ? Il s’agit, après tout, d’un changement d’identité qui ne devrait pas, dans un état démocratique, être décidé sans que la population soit informée et ait donné son accord.

Le pouvoir remplaciste, ses maîtres, ses alliés, ses affidés et ses valets, ceux qui ont besoin pour leurs affaires et leurs desseins de l’homme remplaçable, désaffilié, déculturé, délocalisable à merci, savent bien qu’aucun peuple, même abruti au dernier degré par leurs soins, par l’éducation de l’oubli, par l’industrie de l’hébétude, par la peur des coups, celle des procès et celle du qu’en dira-t-on, aucun peuple ne consentira expressément à sa propre disparition. Il met donc tout son art et toute sa violence à répéter, comme le juge du procès de Zola :

« La question ne sera pas posée ! ».

Le Grand Remplacement doit être mené jusqu’à son terme sans que la question soit jamais posée. C’est le fameux argument du chaudron : premièrement je ne vous ai jamais emprunté de chaudron ; deuxièmement votre chaudron était déjà percé quand vous me l’avez prêté : troisièmement il était intact quand je vous l’ai rendu. Ce qui, transposé, donne à peu près : premièrement il n’y a pas d’immigration (vous rêvez !) ; deuxièmement il y a toujours eu de l’immigration (informez-vous un peu !) ; troisièmement il y eu tellement d’immigration qu’à présent on ne peut plus rien y faire, ce n’est même plus la peine d’en parler, il faut tourner la page (taisez-vous !).

Quelle est votre sentiment plus général sur l’avenir de la France ? N’est ce pas déjà “plié” pour les Français, l’immigration et sa forte natalité n’a-t-elle pas déjà gagné ?

Nos conquérants seront incapables d’exploiter leur conquête

Non, ce n’est pas “plié”. J’ai pour ma part une conception lazaréenne de la patrie. La France resurgit toujours des pires désastres. Vous me direz, et vous aurez raison, qu’avec un autre peuple ce ne sera plus la France. Mais, en France, même les indigènes n’ont jamais été si nombreux, en nombre absolu. C’est relativement que leur poids numérique diminue à toute allure. Cependant la quantité n’est pas la seule donnée déterminante, loin de là, dans le rapport de force. Voyez Israël, résistant seul au milieu d’un océan d’ennemis. La forte natalité n’est une force qu’un temps. Elle amène avec elle la gabegie, l’épuisement des ressources naturelles, la dépendance énergétique, le chaos social, le chaos écologique, la lutte entre les générations, l’impuissance politique. Voyez Gaza, ce cauchemar, incapable de s’administrer soi-même. Nos conquérants seront incapables d’exploiter leur conquête. Il n’est même pas tout à fait certain qu’ils vont pouvoir la mener à terme. Ils peuvent compter sur une quantité croissante d’entre nous pour leur mettre dans les roues tous les bâtons que nous pourrons trouver.

Propos recueillis par Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

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