Publié par Gilles William Goldnadel le 24 mars 2014

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Gilles-William Goldnadel juge hypocrites les réactions de la gauche après la tribune de Nicolas Sarkozy dans Le Figaro où l’ancien président comparait les écoutes ordonnées contre lui aux méthodes de la Stasi.

Ainsi, la gauche médiatique et politique en déroute aura trouvé d’une violence insupportable la correspondance irritée adressée par Nicolas Sarkozy à ses anciens administrés.

Ses adversaires auraient sans doute, oubliant un caractère naturel qu’ils ont pourtant souvent blâmé, voulu le voir plus agréablement tempéré. Ils auraient aimé l’imaginer sourire gentiment sous l’injure publique, prendre avec une philosophie stoïcienne la violation planétaire du secret de l’instruction et s’essuyer gaiement les pieds crottés sur le paillasson du secret éventé de ses confidences à son avocat.

Mais entre tous les reproches à son adresse encolérée qui lui auront été adressés, le plus indigné aura été celui de l’avoir vu oser comparer, ne serait-ce que par référence cinématographique, le sort qui lui est fait avec celui des opposants de l’ancienne Allemagne démocratique et socialiste.

« Il y a quelques mois, les Jeunes Socialistes avaient caricaturé Sarkozy sur une affiche estampillée rue de Solferino en train d’exécuter un salut nazi réglementaire.»

Pourtant, il y a quelques mois, les Jeunes Socialistes l’avaient caricaturé sur une affiche estampillée rue de Solferino en train d’exécuter un salut nazi réglementaire. Je ne me souviens ni d’excuses civiles, ni d’indignations citoyennes. Tout au long de son quinquennat, MM. Montebourg, Hamon et l’ensemble du monde antifasciste et vigilant auront multiplié les comparaisons shoatiques les plus hardies, un prêtre, le cœur miséricordieux mais très à gauche, aura après le discours de Grenoble, prié pour un infarctus présidentiel, sans déclencher pareille syncope.

À cette aune insondable et grotesque, lorsqu’un homme écorché passe de l’Allemagne nazie à celle de la Stasi, il est, en nos temps hyperboliques, seulement taxable d’euphémisme.

Et puis, si ce n’est pas encore tout à fait «la vie des autres» d’hier et de là-bas, quelle est aujourd’hui la vie des nôtres, ici et maintenant?

Qui a lu Kundera décrivant petits espionnages et méchantes délations, a le droit mais encore le devoir de s’interroger gravement sur une dérive judiciaire et médiatique littéralement infernale.

Je n’ai pas écrit «politique», ne pratiquant pas la spéculation intellectuelle oiseuse et ne tenant pas les mensonges avérés d’une Garde des Sceaux définitivement déconsidérée pour, a priori, autre chose que la marque d’un interventionnisme d’accompagnement pratiquement superflu.

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J’ai écrit «judiciaire». Nul besoin en effet que, place Vendôme, l’on se démène au-delà d’un parquet auquel on donne des ordres, tant l’idéologie frénétique qui s’est emparée de certains juges -et non évidemment de tous comme ne l’a jamais prétendu l’illustre espionné- se suffit à elle-même.

« Les contempteurs médiatiques et politiques de l’ancien président sont restés bien mutiques lorsque celui-ci a mis en cause la juge chargée de son dossier, membre d’un syndicat de magistrats qui lui a réservé la place du roi des cons sur son pilori mural.»

Étrangement, les contempteurs médiatiques et politiques de l’ancien président sont restés bien mutiques et ont regardé en l’air, lorsque celui-ci a mis en cause la juge chargée de son dossier, membre d’un syndicat de magistrats en lien idéologique étroit avec la ministre de la justice, qui lui a réservé la place du roi des cons sur son pilori mural.

Si le mot «suspicion légitime» a un sens, il n’est pas interdit ici. Je suggèrerais également qu’il ait demain un avenir procédural concret.

J’ai écrit aussi «médiatique». Car la potion empoisonnée ne devient létale pour la démocratie véritable -autrement dit la vie des nôtres- qu’en mêlant le militantisme de certains juges à l’activisme de certains journalistes.

L’imposture suprême consistant à se peindre en la circonstance en vaillant résistant contre le pouvoir absolu alors même qu’on incarne celui-ci dans son aspect aujourd’hui le plus affranchi de tout contrôle, lorsque de surcroît, et au mépris des règles de la séparation, alliance est passée avec partie du pouvoir judiciaire.

C’est ainsi que par une perversion intellectuelle portée jusqu’au chef-d’œuvre, les mêmes qui poussent des cris d’orfraie en suggérant que les écoutes judiciaires litigieuses laisseraient à penser que le client et son avocat auraient cherché à s’affranchir des règles légales sur le secret d’une l’instruction, les violent allègrement dans un même coup de rein en publiant en fraude lesdites écoutes.

Comment dire autrement, que l’on s’estime, de par une supériorité morale ou intellectuelle qui ne me frappe pas de prime abord, au-dessus des lois auxquelles sont astreints seulement le commun des mortels mais encore et surtout ceux que l’on déteste par essence?

Ajoutons qu’un double manquement, judiciaire et médiatique, particulièrement écœurant, au droit à l’intimité de la conversation, à celui de l’instruction, ainsi qu’à celui des échanges entre avocat et client a été perpétré par la publication et les commentaires des déclarations de l’avocat sur «les bâtards de Bordeaux».

Le droit de dire entre soi n’importe quoi, de maudire, d’exagérer, d’injurier, de plaisanter, de se défouler, de ne pas penser ce que l’on dit, ou encore de le penser chez soi, sans qu’on vous le reproche ni que vous ayez seulement à vous en expliquer, est l’un des plus sacrés.

Mais que pèse mon indignation par gros temps médiatique, par maelström judiciaire, par emportement hystérique? Lorsque la médiacratie des privilégiés s’appuie sur la médiocratie des aigris?

Une dernière question: quand M. Hamon en arrive à déclarer benoitement que «lorsqu’on n’a rien à cacher, on n’a pas à craindre d’être écouté», s’agit-il encore de la réflexion d’un homme politique d’un régime démocratique social-démocrate ou d’un commissaire politique d’une république démocratique et socialiste?

Ici et maintenant, ce n’est pas forcément la vie en prison qui guette, comme hier là-bas, opposants et dissidents de tous poils. Rien que la mort civile.

La vie des autres, la mort des nôtres.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles-William Goldnadel. Publié avec l’aimable autorisation du Figaro.

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