Publié par Hervé Roubaix le 6 avril 2014

Taisez vous Montebourg !

Vivendi vient de choisir de vendre SFR à la société Numericable du franco-israélien et citoyen suisse Patrick Drahi.

UFC Que Choisir est satisfait, le consommateur n’aura pas à payer les effets d’une entente sur les prix d’un marché à trois. Free grince des dents, car la vente à Bouygues donnait l’espoir à Xavier Niel qu’il pourrait relâcher sa politique ultra-concurrentielle, et améliorer ses bénéfices.

Pour Arnaud Montebourg, c’est une claque cinglante et il la mérite bien. Il voit SFR passer aux mains d’une société genevoise de droit suisse, lui qui déteste la Suisse et ne rate pas une occasion de la dénigrer (alors qu’elle fournit quand même 200 000 emplois bien payés à des Français frontaliers).

Dans ce dossier, comme dans le dossier ArcelorMittal, comme dans le dossier Goodyear, Arnaud Montebourg s’est révélé ce qu’il est, un homme incompétent sur les sujets relatifs à son poste – dommage pour les Français victimes collatérales : c’est un adepte d’une économie centralisée, étatisée, selon lui garante du développement économique. En matière économique, nier le réel ne pardonne pas. Hélas, de l’extrême droite à l’extrême gauche, à droite comme à gauche, la France est traversée, à doses plus ou moins fortes, de ces certitudes suicidaires nées d’un analphabétisme économique endémique.

Arnaud Montebourg a caché ses motivations profondes en demandant au patron de Numéricable un “patriotisme économique” qu’il n’a jamais exigé des investisseurs qataris. Bien au contraire ! Ces derniers bénéficient de niches fiscales taillées sur mesure: allègement de l’ISF, exonération de l’impôt sur les plus-values des investissements immobiliers, non imposition extra-territoriale des dividendes, pas de retenue à la source sur les bénéfices…

Entendre Montebourg déclarer : “Il va falloir que Patrick Drahi rapatrie l’ensemble de ses possessions et biens à Paris, en France” donne envie de lui dire : taisez-vous Montebourg !

“Vivendi et SFR ont estimé que l’offre de Numéricable est la meilleure. Ces entreprises semblent mieux placées pour apprécier la situation que notre Ministre du Redressement Productif”, écrit Charles Wyplosz, professeur d’économie internationale à l’Institut de hautes études internationales et dudéveloppement (IHEID) à Genève dans Le Figaro.

Charles Wyplosz : “Leur motivation est à priori plus fiable que celle du Ministre car, si elles se trompent, ce sont ces entreprises qui en subiront le premières les conséquences. Leur compétence en la matière est également à priori plus probable que celle du Ministre, qui n’est pas connu pour être un entrepreneur de haut vol.”

Montebourg craint que les utilisateurs pourraient pâtir, à terme, d’un mauvais choix ? Qu’en sait-il ? lui qui n’a jamais mis les pieds dans une entreprise sauf pour serrer des mains ?

Le ministre n’a-t-il pas confiance dans les institutions ?

Car il existe, rappelle Charles Wyplosz “une Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes, l’ARCEP, dont la mission est précisément de protéger les consommateurs. Rien, dans son histoire, ne permet de craindre que l’ARCEP faillirait à sa mission. S’il y a des doutes sur un risque de position dominante, les services anti-trust de la Commission Européenne, qui sont connus pour leur rigueur, voire leur agressivité, ne manqueront pas d’intervenir et, au besoin, de bloquer la vente ou d’imposer des conditions.”

Arnaud Montebourg disais-je, a été humilié. Mais la Stasi s’est vengée.

Charles Wyplosz : “Mauvais perdant dans une partie qui n’était pas la sienne, il s’est laissé aller à de basses vengeances: contrôle fiscal chez Numéricable et mise en cause de la résidence du patron. C’est parfaitement poutinesque.

Mais pour Charles Wyplosz, le débat dépasse le sujet SFR et résume à lui seul le naufrage économique et le retard de la France : “ce type d’intervention des pouvoirs publics est très rarement justifié. On peut imaginer que des entreprises naissantes ont besoin d’aide, mais ni Google, ni Facebook – les plus grands succès d’entreprise récents – n’ont éprouvé un tel besoin! Créativité et ingéniosité suffisent.”

J’ajoute que si aucune entreprise de rang international n’est née en France depuis les années 80, ce n’est certainement pas par manque d’esprit créatif des Français, mais parce que l’Etat intervient par des règlementations toujours liberticides dans des dossiers auxquels il ne comprend rien, et qu’aucune entreprise individuelle, aucune petite entreprise, n’ont été capable de percer la camisole économico-bureaucratique française et connaître le moindre succès économique.

Charles Wyplosz : “Les politiques adorent imaginer des «secteurs d’avenir», histoire de montrer l’étendue de leur vision. Mais les entrepreneurs, petits et grands, passent leurs jours et leurs nuits à essayer de détecter ces bijoux du futur, et ils sont très certainement plus compétents à ce jeu-là que les politiques.

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Dans la Tribune de Genève, Christian Lucher, député libéral suisse, est plus explicite encore, et déclarait déjà en 2007 :

Politicard de supermarché

“«S’il y avait un impôt sur la connerie, l’Etat s’autofinancerait. » A suivre cette maxime, le budget de l’Etat français serait largement excédentaire si Montebourg était ministre [Sic], tant sont absurdes ses déclarations tonitruantes à propos de la fiscalité helvétique.
A l’arrogance de l’individu — qui pose pour la postérité le menton haut — s’ajoute la crasse méconnaissance du système fiscal suisse.
Mais cet aboyeur n’en a cure.
C’est le roi de l’effet de manche et c’est un manche en effet.
Comment ne pas s’offusquer des propos de ce politicard de supermarché qui insulte notre pays”

Christian Lucher : “Heureusement pour nous, certains dirigeants, qui à l’exécutif, qui au législatif, bien inspirés pour ne pas dire éclairés, font en sorte que notre pays soit attrayant et concurrentiel (un terme que vomit Montebourg, qui appartient vraisemblablement à la race de culs cousus d’or).”

Christian Lucher : “D’abord, notre pays assure la sécurité. Lorsque les amis socialistes de Montebourg étaient au pouvoir, l’insécurité est devenue telle qu’il était impossible de se promener de nuit dans certains quartiers des grandes villes. Rien de tel en Suisse.”

Christian Lucher : “Deuxièmement, notre pays assure à ses résidents le maintien d’un environnement harmonieux et une tranquillité à toute épreuve. On ne peut pas en dire autant de certaines régions françaises massacrées par un urbanisme que Montebourg se garde bien de critiquer.”

Christian Lucher : “…Montebourg tente maladroitement de cacher la bêtise congénitale des dirigeants français dont son groupe a fait partie et qui n’ont eu cesse d’augmenter les impôts de leurs citoyens à un point tel que celui qui veut préserver son patrimoine n’a d’autre choix que de fuir.”

Christian Lucher : “Pourquoi une charge fiscale si aberrante? Parce que la France a fait des choix absurdes dont nous n’avons pas à payer les fruits. Tout d’abord, la réduction du temps de travail à 35 heures, alors même que l’ensemble des pays voisins prône les valeurs du travail, a eu un effet désastreux sur la libre entreprise et a mathématiquement diminué l’impôt sur le revenu.”

Christian Lucher : “Ensuite parce que la fonctionnarisation de l’Etat français a atteint de telles proportions que l’Etat tourne bientôt en vase clos, payant des salaires dont il reprend ensuite une partie aux fonctionnaires pour leur repayer leur salaire. Comme le disait Georges Clemenceau, «la France est un pays extrêmement fertile: on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts». Enfin, parce qu’il ne faut pas avoir peur de le dire: la France cultive les valeurs de la paresse et de l’assistanat en décourageant, voire dénigrant, la volonté d’entreprendre et le goût du travail.”

Christian Lucher : “Par curiosité, il serait intéressant de savoir si, lorsqu’il ne brasse pas du vent, Montebourg exerce une activité lucrative source d’une juste rétribution à l’Etat français.”

Après cette magistrale leçon d’économie et de remise à sa place, et au risque de me répéter, je dis : “taisez-vous Montebourg!”

Et j’ajoute immédiatement cette navrante information qui me fait dire sans la moindre hésitation que les Français ont la pauvreté qu’ils méritent : “Arnaud Montebourg recueille 51% de bonnes opinions auprès des Français, contre 46% de mauvaises, selon le sondage BVA à paraître ce dimanche dans «le Parisien»”

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Hervé Roubaix pour Dreuz.info.

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