Publié par Guy Millière le 14 mai 2014

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J’ai écrit un article sur le film Vingt quatre jours d’Alexandre Arcady parce que j’ai considéré que c’était un film digne, beau, sobre, indispensable. J’ai écrit cet article rapidement parce que je craignais que le film ne rencontre pas son public. Je dois dire que mes craintes se sont avérées très fondées. Cinquante mille spectateurs en première semaine, c’est très peu. La deuxième semaine s’achève et les chiffres sont nettement plus bas encore, ce qui est logique. Le film ne sera bientôt plus sur les écrans.

Les raisons de cet insuccès sont assez aisées à identifier. La France est un pays qui va très mal et où les repères qui permettent à une société de fonctionner sont profondément ébranlés. Une grande majorité de Français a peur de l’avenir et, dans cette peur de l’avenir a peur de l’islamisation de la société, de l’insécurité, des conséquences d’un déclin économique qui s’accentue. Cette grande majorité de Français dès lors se crispent et ont la tentation du repli. Cette grande majorité n’en a rien à faire de l’antisémitisme, et peut même trouver que les Juifs et ceux qui parlent d’antisémitisme exagèrent et sont à même d’attiser davantage la colère de ceux qui brûlent des voitures ici ou là.

Une bonne part de cette grande majorité ne va pas, ou peu, au cinéma, et lorsqu’elle y va, ce n’est pas pour voir des histoires de Juifs tués par des « jeunes » venus des banlieues de l’islam, non, c’est pour rêver, pour s’évader, penser à autre chose.

Et des films qui permettent de penser à autre chose, eux, remportent des triomphes. Ce sont, en général, des comédies.

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Il y eut l’immense succès de Bienvenue chez les chtis. Un film qui dit que le Nord c’est gris, mais que ce n’est pas grave, car il y a l’odeur de la bière, l’amitié virile et la possibilité d’oublier la médiocrité de son existence en allant uriner ensemble contre un mur.

Il y eut ensuite Intouchables. La rédemption d’un homme très riche et paralytique grâce à un « jeune » qui, lui, ne tue pas un Juif, mais initie l’homme très riche aux joies du mensonge, de la musique funk et du haschisch.

Dans Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu, tous les stéréotypes du racisme ordinaire sont énoncés

Il y a maintenant Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu. Je me suis imposé de voir le film et de rester jusqu’au bout. Je n’aurais pas osé écrire des dialogues aussi indigents. Tous les stéréotypes du racisme ordinaire sont énoncés les uns à la suite des autres. Et au terme du film, tout le monde est un peu raciste, mais ce n’est pas grave. Le Juif décide de se lancer dans le hallal avec l’aide bancaire du Chinois, en prenant pour avocat le Musulman. Les bourgeois lecteurs du Figaro finissent par se convertir aux joies du métissage et du relativisme culturel. Ils se promettent de visiter Alger, Tel Aviv et Pékin. On peut prendre l’avion d’Alger à Tel Aviv, semble-t-il. Aucun personnage n’a de souci d’argent, pas même l’ancien sous officier africain. Aucun n’est confronté à la violence. L’antisémitisme est évoqué, mais comme quelque chose qui n’est pas grave du tout, et comme quelque chose d’équivalent à l’islamophobie ou au mépris des Asiatiques. Le Musulman va à la messe de minuit avec le Juif.

Les spectateurs pensent à autre chose que la réalité tout autour d’eux. Ils oublient que dans la réalité, il y a des Youssouf Fofana et des Ilan Halimi, des Mohamed Merah et des enfants qui se rendent à l’école Ozar Hatorah.

Ou bien, ce qui est presque plus grave encore, ils vont voir les spectacles de Dieudonné M’Bala M’Bala qui, lui aussi fait salle comble, et sait glisser à son public que les Juifs, tout de même…

A l’université, j’ai affaire à des jeunes gens souvent très sympathiques, mais si je leur parle de l’antisémitisme de Dieudonné, ils me disent, comme dans Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu que ce n’est pas grave, non. Vraiment pas grave.

Qu’est-ce qui est encore grave dans un pays qui se délite lentement ?

Dans une étude sur l’antisémitisme dans le monde publiée récemment aux Etats Unis, il apparaissait que la France était en Europe, le pays le plus antisémite, derrière la Grèce. On ne peut pas dire que la Grèce est un cas d’antisémitisme sans Juifs, car il reste huit mille Juifs en Grèce, mais on peut dire que la Grèce est un cas d’antisémitisme quasiment sans Juifs, puisque huit mille juifs, c’est moins de dix pour cent du nombre de Juifs qui vivaient en Grèce avant la Deuxième Guerre Mondiale. La France n’est pas un pays d’antisémitisme sans Juifs, pas encore.

Mais on veut y oublier l’assassinat d’Ilan Halimi, les enfants tués d’une balle dans la tête à l’école Ozar Hatorah. Et pour faire rire grassement les spectateurs de Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu, on commence par une scène de circoncision qui s’achève avec une rondelle de saucisson pur porc enterrée sous un arbre. Désopilant.

On y poste au titre de commentaires de spectateurs sur le film Vingt quatre jours des phrases qu’on pourrait croire sorties d’un spectacle de Dieudonné, ou d’un vieux numéro de Je suis partout. Mais ce n’est pas grave, non. Vraiment pas grave du tout.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour Dreuz.info.

PS Je mets en illustration un parallèle entre une affiche antisémite des années Pétain et une couverture assez récente de L’humanité, journal de gauche. Tout commentaire serait inutile.

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