Publié par Gilles William Goldnadel le 27 mai 2014

Goldnadel

Une actrice iranienne s’est vue reprocher à Téhéran une bise faite à Cannes. Une journaliste de France 3 s’est faite embrasser de force sous les rires de Jack Lang.

Il existe chez l’idéologie vieillissante qui jette ses derniers feux d’artifice, une manière un peu schizophrénique d’appréhender les faits. Prenez le baiser. Il y en a, on le sait, toutes sortes, de celui du papillon à celui de Judas en finissant par celui qui tue. Pour l’idéologie sénile, c’est la même chose.

Voyez les artistes à Cannes. Toujours prêts à s’enflammer. Pour les intermittents du spectacle permanent, les mineurs grévistes ou délinquants ou les sans-papiers d’Arménie. Pour tout, sauf pour une somptueuse actrice iranienne coupable d’avoir baisé la joue rosie du délégué du Festival au grand dam de ces messieurs de Téhéran.

La malheureuse, sévèrement chapitrée, fut obligée de faire amende honorable. Pour toute réponse vigoureuse, M. Gilles Jacob se contenta d’avancer que c’était lui qui avait baisé la joue de la belle persane, dans le cadre d’une pratique dont il alléguait sans preuve mais bravement qu’elle serait courante en Occident. Et ceci «pour clore toute polémique» qu’il n’estimait pas devoir qualifier de stupide ou ridicule.

D’évidence, nos consciences cannoises sont plus molles que les mollahs.

Dimanche dernier, le 18 mai à la vingtième heure, le journal télévisé de TF1 diffusait un reportage intéressant consacré à un phénomène, paraît-il en recrudescence inquiétante, nommé «le harcèlement de rue».

Encore que je considérais secrètement en mon for très intime que les journalistes exagéraient un peu en amalgamant stupides boniments pour drague et gestes obscènes joints à des paroles du genre «salope ou pute», il n’en demeurait pas moins que les documents filmés et les témoignages étaient tristement édifiants. Une association a d’ailleurs été créée pour lutter contre cette forme de goujaterie violente.

Le lendemain lundi, je découvrais une vidéo qui pouvait me laisser douter de la légitimité de mon indignation dominicale. Il s’agissait cette fois d’un reportage de notre troisième chaîne de service public dont on sait le caractère vétilleux en matière de respect des droits de la femme, en conformité avec son cahier des charges naturel. On y voyait pourtant en direct un reportage au Palais de Tokyo dans le cadre de «la nuit des musées» destinée ici à «s’ouvrir à toutes les richesses de la banlieue». Alors que l’excellente Dominique Poncet allait débuter son intervention, elle fut interrompue par un turbulent membre d’une association d’improvisation dénommée «la banlieue aux mille visages» qui entreprit à sa grande surprise de l’embrasser sur la bouche de force. Pendant ce temps, d’autres membres associatifs et torses nus improvisaient quelques danses à la chorégraphie improbable autour de la malheureuse. Étrangement, sur le plateau FR3, le bref désarroi de la journaliste n’était pas partagé avec une indignation confraternelle: le présentateur osait un: «c’est ça aussi la culture, on peut sourire» à Jack Lang son invité, président de l’Institut du Monde Arabe, hilare, qui lui répondait: «c’est plutôt drôle».

À leur unisson empathique, un journaliste sur Rue89 confessait: «j’ai souri, c’est finalement la loi de la petite troupe qui l’emporte: la journaliste est intégrée à son corps défendant dans l’improvisation survoltée».

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Pourtant, lorsqu’en octobre 2013, Guillaume Pley, animateur sur radio Energie osa une vidéo humoristique intitulée «comment choper une fille en trois questions» dans laquelle il montrait comment embrasser par surprise une personne de sexe féminin, il fut fermement réprimandé par Mme Vallaud-Belkacem: «en termes d’éducation au respect entre les sexes et d’éducation à la sexualité, on ne peut pas dire que ce type de vidéo véhicule les valeurs auxquelles nous somment attachées.»

Étrangement, la ministre féministe n’a pas morigéné ainsi les banlieusards aux mille visages.
Afin de ne pas rire ou grogner à contretemps fâcheux, je serais très reconnaissant envers nos féministes hexagonales et leurs dociles compagnons de m’indiquer leurs critères précis d’indignation ou d’hilarité sélectives en matière de baisers volés.

Il en est de même pour les baisers exhibés. En matière de sexualité, la période est également schizophrène. Un jour, il faut protéger nos enfants. Le lendemain, tout est permis. Je n’ai pas la réputation d’être particulièrement bégueule, mais ici encore je flaire l’idéologie à géométrie invariable.

C’est ainsi que cette semaine, plusieurs sites se sont irrités de voir montrer sur une immense affiche photographique posée sur un mur du quartier de la République un couple d’hommes allongés en train de s’embrasser voluptueusement. L’un des deux hommes, au corps magnifiquement sculpté, est nu. Cette photo géante s’intègre au milieu d’autres «couples de la République», tous du même sexe, dans le cadre «de la journée mondiale de lutte contre l’homophobie» soutenue par la mairie de Paris.

Quel est donc l’intérêt de cette photo, sinon le plaisir de vouloir choquer quelques parents aussitôt transformés en passants grincheux et pourquoi pas homophobes, coupables de regards obliques à l’égard d’amoureux qui se bécotent sur les murs publics, murs publics?

Et, ici encore, je spéculerai volontiers sans grand risque, qu’une immense photo d’un couple hétérosexuel en train de s’éprendre dans les mêmes conditions n’aurait peut-être pas été livrée aussi librement à la vue des mineurs.

Pour donner quelque crédit à ma spéculation, me vient à l’esprit une réalisation cinématographique américaine à laquelle j’avais fait un sort dans d’autres colonnes il y a quelques temps. Nous sommes aux alentours de onze heures du soir. Je tombe par hasard sur un film proposé par la chaîne Arte, dont on sait qu’elle est censée être au service du public et non cryptée. Je constate avec surprise qu’un homme est en train d’en sodomiser un autre au moyen d’un pénis en érection parfaitement visible. Quelques instants plus tard, un troisième larron, également de sexe masculin, entreprend, avec une souplesse que mon esprit sportif ne peut que saluer, de pratiquer par contorsion acrobatique une fellation sur sa propre personne. Avec succès, puisque l’on voit clairement le liquide séminal s’écouler, lentement, de son sexe assouvi à sa bouche entrouverte. Je pense que l’on pourrait m’accorder qu’un mineur peut se trouver également à 23 heures, et sans surveillance devant une chaîne généraliste non cryptée. Je suppute également qu’Arte n’aurait pas diffusé le même spectacle à caractère pornographique s’il avait concerné des hétérosexuels. Je me dois également de préciser, pour la compréhension de l’incompréhensible, que l’œuvre était émaillée d’un galimatias politico-intellectuel progressiste et abscons tendance Wilhelm Reich, censé sans doute servir d’alibi moral et culturel.

J’avoue, toute honte bue, que j’aurais été gêné de regarder de semblables «french kiss» à côté de l’un de mes enfants, même majeurs. Dès lors je me place devant une alternative aussi ingrate que les temps que nous vivons: soit je suis un ringard homophobe, soit l’idéologie xénophile et homophile moribonde n’a définitivement pas fini de nous pourrir la vie.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles-William Goldnadel. Publié avec l’aimable autorisation du Figaro.

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