Publié par Abbé Alain René Arbez le 25 juillet 2014

IRAQ-UNREST-REFUGEE

Les graves événements actuels en Iraq ne rencontrent aucune audience dans les médias.

Les chrétiens de Mossoul particulièrement, mais aussi d’autres régions du pays sous emprise de l’EIIL, sont traqués et persécutés par les combattants de l’islam enivrés de leur récente conquête à la manière des premiers exploits du Prophète. Cette indifférence générale – Gaza oblige – ne doit pas empêcher de s’intéresser au passé ancien de cette région, pour comprendre le sort des chrétiens autochtones (antérieurs à l’islam) qui ont tant de fois fait les frais des réajustements politiques successifs.

L’Iraq d’aujourd’hui est en effet un état composite et jeune: c’est une création des Occidentaux pour répondre à la conjoncture problématique du début du 20ème siècle, après l’effondrement de l’Empire ottoman. Alors que le nationalisme arabe s’affirmait avec force dans des luttes de clans, les Anglais, ainsi que les Français, développèrent une stratégie soi-disant adaptée à la situation, mais surtout appropriée à leurs visées et à leurs intérêts dans toute cette région.

Puissances instituées gendarmes du Moyen-Orient au début du 20ème siècle, Anglais et Français allaient ainsi imposer une transition à la région en arbitrant, avec plus ou moins de bonheur, la concurrence interne à l’islam entre musulmans turcs et musulmans arabes, mais cela, essentiellement sur le dos des chrétiens.

C’est donc à une époque marquée par le génocide arménien et chaldéen perpétré par les Ottomans (résultat: 2 millions de victimes chrétiennes) que fut créée la Jordanie sur 70% de l’ancienne Palestine historique, et qu’à l’instigation de Churchill, furent dessinées, sur des territoires assyro-chaldéens, arabes, kurdes et perses, les frontières de l’Iraq actuel …

C’était provisoirement calmer le jeu des revendications nationalistes arabes, au prix injuste de l’oubli des Kurdes et de leur ancien territoire, le Kurdistan, d’une part, mais c’était aussi acculer les chrétiens autochtones (assyro-chaldéens) à la marginalité et à la disparition progressive, d’autre part… Il avait pourtant été explicitement question de donner naissance à un état assyro-chaldéen pour assurer la survie des chrétiens de la région, mais la SDN en 1925 n’eut pas le courage de donner suite au projet. Le Hakkâri, bastion montagneux et inhospitalier de repli chrétien séculairement harcelé par les Kurdes fut rattaché à la Turquie.

Le problème spécifique de survie pour ces chrétiens indigènes a commencé à vrai dire à une époque déjà ancienne: car il y a environ vingt siècles, la Mésopotamie était un vaste territoire de riche civilisation remontant à l’antiquité. Une population nombreuse, composée de Juifs depuis l’exil à Babylone, et de Zoroastriens présents depuis longtemps, avait vu se développer sur ce terreau favorable de très nombreuses communautés chrétiennes dynamiques: Assyriens, Chaldéens, et Nestoriens, parlant tous une langue semblable à celle de Jésus: l’araméen.

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L’invasion de l’islam au 7ème siècle dans cette région judéo-chrétienne florissante a (malgré quelques courtes périodes tolérantes) provoqué le déclin inexorable des non-musulmans. En raison du djihad, fer de lance de la colonisation islamique, les chrétiens indigènes – ainsi que les juifs – disparurent progressivement au gré des persécutions, mises en esclavage, expropriations, conversions forcées, etc. Pourtant, sous l’empire abbasside aux 8ème et 9ème siècles, Bagdad était devenue un centre islamique réputé. Mais cette gloire si fièrement revendiquée par l’islam était essentiellement due aux chrétiens locaux enrôlés par les califes et sultans pour leurs inégalables compétences. C’est en raison de leurs connaissances bibliques en hébreu et en grec que les chrétiens furent appelés à traduire en arabe les œuvres majeures de la science et de la philosophie gréco-romaine. Humaïn al Hishaq, célèbre intellectuel chrétien, animait la “maison de la sagesse” du calife de Bagdad Al Mamoun. Le premier ouvrage d’ophtalmologie écrit en arabe le fut par le chrétien Youhanna Ibn Massawayh, médecin personnel d’Haroun al Rachid.

Mais les chrétiens comme les juifs, utilisés par les califes comme ressources d’appoint pour développer leur civilisation, étaient aussi des “dhimmi“, citoyens inférieurs pour lesquels la considération était très variable et aléatoire. De nombreux épisodes sanglants marquèrent cette région au fil du temps, par exemple avec Tamerlan, qui enterra vivants des milliers de chrétiens, ou encore le féroce Sélim 1er et d’autres sultans qui massacrèrent massivement les populations chrétiennes de Mésopotamie occupée.

Ainsi, cette terre qui avait été spirituellement et culturellement rayonnante est devenue peu à peu, sous domination arabe puis turque, le plus grand champ de ruines de monastères et d’églises, et aussi le plus grand cimetière chrétien du Moyen-Orient, selon l’expression de l’historien dominicain J.M. Fiey.

Anesthésié par le politiquement correct des médias et des enseignants, quel public se souviendra aujourd’hui du rayonnement pluriséculaire fantastique de cette région du Moyen Orient? Presque tout a été annihilé, et ces désastres successifs ont été totalement occultés, dans le cadre d’une arabisation menée durant la dictature de Saddam Hussein, sous les yeux d’une conscience européenne plus soucieuse de préserver ses alliances commerciales et ses moyens énergétiques, que de s’interroger sur les acquis et les fondements de ses valeurs spirituelles et humanistes.

Le nouvel Irak a démontré la fragilité de son organisation par les luttes de factions entre sunnites et chiites, et le sort des chrétiens est devenu de plus en plus aléatoire. Cela, jusqu’à l’arrivée de l’EEIL, « état islamique » autoproclamé, avec son calife et ses fatwas, les déplacements massifs de populations au fur et à mesure de son avancée inexorable, et l’ostracisation systématique des chrétiens, accompagnée de massacres, d’enlèvements, de spoliations, d’incendies des églises, de conversions forcées.

Les bannières noires islamiques flottent maintenant sur les édifices chrétiens, signes de deuil d’une existence et d’une survie révolues, assombrissant encore davantage l’horizon de cet Orient martyr.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez pour Dreuz.info.

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