Publié par Guy Millière le 29 septembre 2014

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Le 31 mai dernier, au eu lieu à Vienne, en Autriche, une réunion dont on a fort peu parlé dans les grands médias occidentaux. Elle était pourtant très intéressante.

Elle était financée par Konstantin Malofeev, un milliardaire russe très proche de Vladimir Poutine. Elle reposait sur les idées d’Aleksandr Douguine, le concepteur de la doctrine « eurasienne » qui sous-tend les projets et les actions de l’actuel maître du Kremlin.

Les idées de Douguine ont été définies, de manière appropriée, par le politologue conservateur américain Robert Zubrin comme relevant du « national bolchevisme », qui est au bolchevisme façon Lénine ce que le national socialisme fut au socialisme.

Elles reposent sur l’évocation d’un danger planétaire, défini comme le « libéralisme » (peu ou prou ce que Karl Popper a appelé « société ouverte », ce que Friedrich Hayek a appelé « société de droit », et ce que Michael Novak a appelé « capitalisme démocratique »), et sur la nécessité de maintenir face au « libéralisme » un continent monde qui serait l’Eurasie, et dont la matrice aurait pour lieu la Russie. Ce continent monde eurasien a été décrit par Douguine comme sans cesse en guerre contre un monde maritime qui a aujourd’hui largement les traits de l’Amérique.

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Un conglomérat traditionaliste collectiviste et racialiste, et hostile à la liberté individuelle

Se trouve prôné dans ce cadre (où on voit l’influence de gens tels que Halford John Mackinder et Karl Haushofer) un conglomérat où se retrouvent étatisme économique (façon Zwangwirtschaft du temps du Troisième Reich), traditionalisme collectiviste et racialiste, et hostilité à la liberté individuelle.

La doctrine « eurasienne » sous-tend les projets et les actions de l’actuel maître du Kremlin, disais-je. Et elle était au coeur de la réunion du 31 mai.

On trouvait à cette réunion des représentants de nombre de partis et mouvements de l’extrême droite européenne, tels Heinz-Christian Strache, le président du FPÖ autrichien, Volen Siderov, président du mouvement Ataka de Bulgarie, mais aussi Aymeric Chauprade, conseiller géopolitique de Marine Le Pen, très proche des idées de Douguine et partisan d’un rapprochement avec la Russie poutinienne et avec l’Iran des mollahs. On y trouvait aussi Marion Maréchal Le Pen.

Ces présences n’ont rien de surprenant. Cela fait des mois, sans doute des années, que des membres de l’extrême droite européenne sont séduits par la doctrine « eurasienne » et Poutine.

En mai 2013, Valerio Cignetti, dirigeant néo fasciste italien de Fiamma Tricolore et Bruno Gollnish, qu’il n’est nul besoin de présenter, étaient invités à la Douma, à Moscou. Gabor Vona, dirigeant du parti hongrois Jobbik, a pris le même chemin peu après. Fin 2013, la Ligue du Nord italienne a, lors de son Congrès, reçu des gens identiques et des représentants de Russie unie, le parti de Poutine.

Une Alliance européenne des mouvements nationaux, présidée par Bruno Gollnish jusqu’en 2012, présidée depuis par Bela Kovacs (de Jobbik), présentement incriminé par la justice à Bruxelles pour espionnage au profit de la Russie, et dont le vice-président est Nick Griffin, du British National Party, existe depuis 2009 et est elle- même très proche de Russie Unie et de Poutine.

Se constitue ainsi une forme d’internationale néo fasciste qui gagne du terrain

Ce qui doit être regardé en face est que se constitue ainsi une forme d’internationale néo fasciste qui gagne du terrain grâce à la crise économique, politique, culturelle et morale qui imprègne l’Europe, et grâce à l’effondrement intellectuel qui accompagne cette crise.

Ce qui doit être vu est que cette internationale rencontre des circonstances favorables dans un contexte planétaire marqué par l’affaiblissement délibéré des Etats Unis que met en place méticuleusement Barack Obama aujourd’hui.

Ce qui doit être souligné est qu’une nébuleuse prend forme où les effets des discours inhérents à cette internationale se disséminent.

Des thèses circulent en Europe, et particulièrement en France, qui parlent de la nécessité de renouer des liens plus profonds avec la Russie, sans que soit évoqué par ceux qui tiennent ces discours la réalité politique et stratégique de la Russie aujourd’hui. Des accusations de la mondialisation et de la finance « transnationale », circulent aussi.

Des révisions de l’histoire suggèrant que la fin du nazisme serait due au « sacrifice » de la Russie

Des révisions de l’histoire passent ici ou là, suggérant que la fin du nazisme et de la Deuxième Guerre Mondiale serait due, surtout, au « sacrifice » de la Russie sous Staline, et oubliant tout à la fois le pacte germano-soviétique, le fait que Staline a défendu essentiellement son totalitarisme contre un autre totalitarisme, le fait que l’essentiel de l’armement « soviétique » a été fourni par l’administration Franklin Roosevelt, et le fait que le nombre de morts russes a été le fruit amer et immonde de l’irrespect absolu pour la vie humaine qui caractérisait Staline.

Si, comme Winston Churchill l’avait suggéré dès 1943, le Royaume Uni et les Etats Unis avaient décidé d’en finir avec le Troisième Reich en pénétrant par les Balkans, la défaite d’Hitler aurait pu être suivie par celle de Staline. Winston Churchill n’a pas été écouté. Les conséquences ont été douloureuses et longues. Hélas.

Si on ajoute à la menace islamiste la menace « eurasienne », on peut dire que les valeurs qui ont permis la fécondité et la prospérité du monde occidental n’ont jamais été aussi menacées depuis des décennies.

Et je me dois de tempérer les élans de ceux qui seraient tentés en France par le parti politique auquel appartiennent Aymeric Chauprade, Marine Le Pen, Marion Maréchal Le Pen, et Bruno Gollnish.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour Dreuz.info.

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