Publié par Dreuz Info le 10 septembre 2014

Ebola_Victim

Par Magaye Gaye, directeur Général du Cabinet de recherche de financement GMCCONSEILS, basé à Dakar au Sénégal.

L’Afrique vient – une nouvelle fois – de devenir l’épicentre d’enjeux géopolitiques mondiaux avec la gestion d’un nouveau foyer d’épidémie du virus EBOLA en Afrique de l’Ouest.

Une littérature nourrie a été consacrée à ce phénomène, analysé toutefois, paradoxalement, par de nombreux spécialistes et experts du monde, de manière isolée, en mettant uniquement en exergue le côté sanitaire et la dimension préventive et curative.

Notre objectif à travers le présent article est de sortir des sentiers battus et des analyses superficielles et de s’interroger sur le pourquoi des choses ; sachant que dans un monde multipolaire, fortement mondialisé, cependant en crise, tout phénomène nouveau doit faire l’objet d’un questionnement profond et être cerné de manière systémique.

Un EBOLA géopolitique ?

Quelles relations pourrait-il à priori exister entre le printemps arabe, la lutte contre le terrorisme, le sommet afro américain, l’immigration clandestine, les interventions militaires occidentales en Afrique et le virus EBOLA ? On aurait tendance à dire aucun et pourtant…

C’est quand même curieux de constater qu’aucun des observateurs et analystes qui ont écrit sur le sujet ne s’est posé cette problématique d’un EBOLA géopolitique ?

La découverte du virus EBOLA en Guinée est intervenue en décembre 2013 dans un contexte de pleine préparation du sommet historique Afrique – Etats Unis.

Il est à rappeler que l’idée de ce sommet a circulé depuis la dernière tournée de Barack Obama sur le continent en juin 2013. Il en avait fait une promesse ferme lors de l’étape sud-africaine. Deux constats semblent troublants à ce stade :

• premièrement les lieux de découverte et de propagation du virus ; la Guinée, un pays considéré comme un « scandale géologique avec des réserves fabuleuses » suivi par la suite de pays partageant la même langue que les Etats Unis comme la Sierra Léone, le Libéria et le Nigéria ;

• deuxième constat, la coïncidence troublante entre le moment où le fléau est apparu et celui où les différentes chancelleries américaines et africaines s’activaient à régler les détails de cette grande messe économique et géostratégique.

Il est vrai que les risques, pour un continent comme l’Europe, bastion des anciennes puissances coloniales, et négociateur en cours d’accords de partenariat économiques sensés revigorer ses relations économiques avec l’Afrique, étaient élevés. Dès lors, et en toute logique, il est légitime de s’interroger si un isolement sanitaire et psychologique du continent Africain ne pouvait pas décourager plus d’un investisseur américain et réduire les impacts attendus du premier sommet historique organisé par le Président afro-américain Barack OBAMA avec ses « frères » Africains.

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Nous n’osons pas croire à une telle hypothèse machiavélique ; cependant pour des raisons d’exigence de rigueur dans l’analyse, aucune piste ne doit être écartée. Si les africains n’y prennent garde, les espoirs d’une Afrique potentiellement émergente, entretenus par de nombreux cercles économiques, pourraient vite êtres déçus.

L’autre élément du contexte est à rechercher dans la recrudescence des actes de déstabilisation des pays africains.

Après l’échec des stratégies géopolitiques savamment mûries du côté occidental, comme le soutien au printemps arabe dont l’impact destructeur sur les régimes en place a participé au renforcement des mouvements fondamentalistes djihadistes, l’Occident prend acte des limites de ses nouvelles stratégies d’intervention militaires, notamment en Centrafrique (Equateur) et au Mali (le Sahara). Le moment était-il venu, en relation avec les services secrets, d’imaginer d’autres armes silencieuses, dont la portée sur les politiques de libre circulation des biens et des personnes pourrait être efficace dans les stratégies de lutte contre la prolifération des armes et le déplacement transfrontalier des combattants djihadistes ?

C’est une question logique que nous nous posons sans avoir naturellement la réponse. A cet égard, quoi de plus efficace qu’une épidémie qui mettrait en état de veille permanente le réflexe sécuritaire des Etats. Il convient de souligner que le Nigéria, un des pays concernés par l’épidémie, abrite le mouvement Boko Haram.

Enfin, le contexte de l’immigration clandestine, avec la recrudescence des drames constatés depuis quelques temps, ne peut pas ne pas être évoqué dans l’analyse.

A cet égard, la manière dont certains chefs d’Etats africains, comme celui du Nigéria, ont été « fouillés » à leur arrivée à Washington au moment du sommet, préfigure assurément une attitude nouvelle que pourrait avoir le monde occidental par rapport aux flux migratoires en provenance de l’Afrique.

Sur ce plan, il est à remarquer que l’Afrique de l’Ouest, une zone à très forte culture d’émigration est, paradoxalement, pour avoir toujours été épargné par la maladie, au centre de la crise EBOLA, et ce, au détriment des zones traditionnelles de présence du virus comme les pays d’Afrique Centrale ou le Sud Soudan, par ailleurs moins tournées vers l’émigration.

Sur les 1400 morts enregistrés dans les 9 épidémies déclarées sur cette maladie depuis 1976, date de découverte du virus, l’Afrique de l’Ouest en comptabiliserait d’un seul coup près de 900 soit près de 70% [note de la rédaction: près de 2.300 morts au 10 septembre] ; Cette ampleur du phénomène crée naturellement un choc psychologique.

Il ressort des développements qui précèdent que la déstabilisation sanitaire semble devenir, après la déstabilisation politique et les interventions militaires, une nouvelle arme des relations internationales.

Une enquête internationale devrait être ouverte pour situer les responsabilités liées à l’introduction du virus EBOLA en Afrique de l’Ouest

L’Afrique doit à court terme gérer trois risques géopolitico-économiques :

1) une remise en cause de décision d’investissements directs étrangers et un repli des flux touristiques dont l’ampleur sur la croissance pourrait amener plusieurs écoles de pensée à remettre en cause le concept d’une Afrique potentiellement émergente,

2) un recul des politiques d’intégration sous régionales,

3) le durcissement des politiques migratoires occidentales.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Magaye Gaye pour Dreuz.info.

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