Beaucoup de commentaires ont été exprimés après l’événement annoncé par B. Obama le 17 décembre 2014 : le tournant dans les relations entre les Etats Unis et Cuba. Cinq décennies d’embargo américain envers l’île communiste prennent fin. Le rôle déterminant du pape François et de la diplomatie vaticane a été souligné avec reconnaissance par les deux chefs d’Etat.
En 1996, une loi adoptée par le Congrès américain stipulait que « tant que Fidel Castro et Raul Castro seront au pouvoir, aucunes négociations entre les Etats Unis et Cuba ne seront engagées ».
[quote]Un fil conducteur dans les initiatives de l’Eglise avec Cuba[/quote]
Comment analyser la posture catholique dans cette affaire ? Certains regrettent que le pape, bien qu’animé de bonnes intentions, cautionne un régime qui veut donner des signes d’ouverture mais qui n’a pas changé. Pour comprendre les objectifs du pape, il faut revenir loin en arrière, car il y a comme un fil conducteur dans les initiatives de l’Eglise avec Cuba.
En 1962, déjà, alors que la crise est à son paroxysme en raison de l’implication soviétique et des menaces de la part des deux camps, le pape Jean XXIII intervient avec détermination pour éviter un conflit nucléaire. Les missiles de Cuba pointés sur les Etats Unis restent finalement immobiles, et les stratégies de représailles sont désamorcées in extremis en Floride.
Cette rétrospective d’un demi siècle permet de mieux saisir le sens de la récente déclaration du Vatican : « Le Saint Père désire exprimer sa grande satisfaction pour la décision historique des gouvernements des Etats Unis et de Cuba d’établir des relations diplomatiques afin de surmonter, dans l’intérêt de leurs citoyens respectifs, les difficultés qui ont marqué leur histoire ».
L’action du pape François a été précédée de celle de ses prédécesseurs Jean Paul II et Benoît XVI.
En 1998, Jean Paul II, dont l’engagement avait contribué magistralement à mettre à bas le communisme à l’est, arrive à Cuba, reçu par Fidel Castro qui, quelque temps auparavant, emprisonnait les prêtres et les chrétiens engagés. Les milliers de Cubains crient « Libertad ! Libertad ! » sur son passage. Son discours dénonce les injustices et demande la liberté de conscience pour tous. L’archevêque de la Havane, don Ortega, avait été nommé à ce poste par Jean Paul II en raison de son passage dans les geôles de Fidel Castro. L’Eglise se veut proche des pauvres et des populations ayant besoin d’encouragement sur le terrain. Castro avait semble-t-il été marqué par cette visite et intéressé par la personnalité du pape.
Puis c’est Benoît XVI qui vient en visite en 2012. Il insiste lui aussi sur la libération des détenus politiques. Le pouvoir castriste considère l’Eglise comme un partenaire de dialogue et cherche à démontrer sa bonne volonté. C’est ainsi que le gouvernement accepte la construction d’un séminaire et la création d’un centre culturel catholique à l’université de La Havane. Raul Castro autorise aussi la pérégrination de la Vierge del Cobre à travers l’île, cette manifestation de piété rassemble des foules souvent attirées par les cultes syncrétistes d’origine africaine ; l’Eglise acquiert à cette période une visibilité inconnue depuis la révolution de 1959 et la répression qui a suivi.
Concernant le protestantisme, le pasteur Suarez, également député à l’Assemblée nationale, considère que les 55 dénominations réformées de Cuba jouent un rôle utile aux populations, mais il ne comprend pas pourquoi le pouvoir choisit l’Eglise catholique comme interlocutrice privilégiée alors qu’elle n’a pas soutenu le régime du pays.
Depuis des mois, des contacts décisifs préparent le terrain de l’accord américano-cubain. En mars dernier Obama rend visite au pape François à Rome. Leur échange aborde la question des relations avec Cuba. En octobre les délégations américaine et cubaine se rencontrent au Vatican et finalisent les termes de leur négociation. Le pape écrit ensuite une lettre personnalisée aux deux chefs d’Etat, dans laquelle il les invite à « résoudre les questions humanitaires d’intérêt commun ». Initiées par le Canada, les discussions aboutissent par la médiation du Saint Siège.
[quote]Le pape argentin a rappelé qu’il se situe en pasteur et non en intervenant politique[/quote]
Des questions se posent : certains observateurs ont l’impression que le pape François s’est laissé instrumentaliser et que rien ne va changer dans les difficultés de vie quotidienne des Cubains. Ses bonnes intentions ont-elles pu se faire piéger ? La situation est sans doute différente de celle de Jérusalem-est, lorsque les organisateurs palestiniens ont stoppé la voiture pontificale juste devant une partie du mur comportant certains graffitis afin que les photos mêlent le profil du pape à des slogans bien particuliers. Le pape argentin a rappelé à plusieurs reprises qu’il se situe en pasteur et non en intervenant politique, c’est-à-dire en homme religieux attentifs aux personnes et aux communautés dans leur dignité humaine, et non pas en stratège de pouvoir.
On lui a reproché de ne pas condamner formellement le régime de Bachar el Assad en Syrie, mais sans doute a-t-il voulu éviter que l’étau se referme plus tragiquement sur les chrétiens traqués par les islamistes. Lors de la visite de Shimon Peres et de Mahmoud Abbas dans les jardins du Vatican, le pape a été joué par la délégation palestinienne qui a fait ajouter au programme convenu des prières islamiques chantées une sourate belliqueuse. La prière du pape à Ste Sophie devenue mosquée lors de son voyage en Turquie a été diversement interprétée, alors que ses choix étaient en fait assez limités et que son objectif essentiel était d’inciter les Turcs à ne pas aggraver à leurs frontières la situation des chrétiens assiégés par l’Etat islamique. De même, le fait que le pontife n’invite pas le Dalaï Lama ces derniers jours au Vatican n’est certainement pas le signe d’un mépris quelconque envers les bouddhistes, mais simplement le signe que les discussions en cours entre le Saint Siège et le présidium de Pékin ne doivent échouer sous aucun prétexte, les enjeux d’avenir pour l’Eglise chinoise étant trop importants.
[quote style=”boxed” float=”left”]Les démarches et les initiatives publiques du pape pourront être mieux décryptées lorsqu’elles auront produit leur effet constructif de manière durable[/quote]
Les démarches et les initiatives publiques du pape pourront être mieux décryptées lorsqu’elles auront produit leur effet constructif de manière durable, mais cela implique le moyen et le long terme pour tenir des affirmations ou des critiques crédibles. Agir pour le bien suppose souvent de devoir assumer des effets contradictoires, ne pas agir seulement pour éviter des éventuelles conséquences discutables ne serait pas à la hauteur de la tâche.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez pour Dreuz.info.
Décidément, tout est bon pour essayer de dédouaner les initiatives pour le moins malheureuses, voire scandaleuses de ce personnage.
“le pape a été joué par la délégation palestinienne qui a fait ajouter au programme convenu des prières islamiques chantées une sourate belliqueuse” : il lui suffisait d’y réfléchir avant, non ? s’il est intelligent, pourquoi se laisser piéger ? Et puis l’excuse du piège est trop facile.
Bref, ce personnage est un gauchiste, qui admoneste la Curie Romaine en public qui plus est, donc aucun esprit de corps.
Je préfèrerais le pape précédent et le magnifique discours de Ratisbonne !!!!!
il avait égaré sa boule de cristal
il a 250 prêtres “experts islam” au Vatican !
cela vous inquiète ou cela vous rassure?
Certes, mais pour le “piège du mur”, qu’est ce qui l’empêchait de remonter dans la voiture, refusant de se laisser prendre en photo devant ces “slogans particuliers” ? Il avait besoin de sa boule de cristal pour anticiper ce qui allait suivre ?
Je comprends que vous tentiez de défendre ce pape, mais permettez moi non seulement d’être plus que sceptique, mais également de vous signifier que, à mon humble avis, ce pape dessert plus le catholicisme qu’autre chose, en particulier quand il vient prétendre que l’Europe manquerait de générosité dans son accueil des immigrés, alors que quasiment tous les pays d’Europe subissent les conséquences d’une immigration déjà suffisamment débridée… Typiquement, son discours à Strasbourg : “Il est nécessaire d’affronter ensemble la question migratoire. On ne peut pas tolérer aujourd’hui que la Méditerranée devienne un grand cimetière”. Il veut quoi, que les sociétés européennes, en plus des multiples aides à ceux qui ont déjà fait le voyage, offrent également ledit voyage, dans des ferrys 5 étoiles, tant qu’à faire ? Personne, au sein de l’Eglise, n’est conscient que ceux qui approuvent ce discours sont les gauchistes qui pourchassent les crèches, alors qu’à l’inverse ce sont les gens qui ont encore un minimum conscience de leurs racines chrétiennes qui sont horrifiés de voir ce que deviennent leurs pays et sont donc profondément choqués de se voir insulter par leur pape ?
En toute sincérité, il serait bon, de temps à autre, de sortir de la posture “talons serrés, petit doigt sur la couture du pantalon”, histoire que lesdits chrétiens désorientés n’aient pas l’impression que la totalité de l’Eglise se retrouve dans ces discours suicidaires. Mais enfin bon, ce n’est que mon avis extérieur, après tout, c’est votre paroisse, vous la gérez comme bon vous semble 😉
Vous avez raison sur le fait de refuser une immigration sans critères et sans action préventive dans les pays d’origine. Je crois que le discours de François est surtout axé sur la détresse des personnes disparaissant en mer sans être secourus plutôt que sur un appel irresponsable à faire venir des milliers de déplacés en Europe. Il s’agit à mon sens d’un appel humanitaire plutôt que d’une demande immigrationniste. Par ailleurs, il se bat pour revivifier les racines judéo-chrétiennes de l’Europe et défendre son héritage culturel et spirituel spécifique.
Le communisme est avant tout une religion anti-chrétienne.
Le communisme nie les libertés que le Créateur a accordé à l’humanité comme l’indique si bien la Déclaration d’Indépendance américaine que je me permets de citer : « We hold these truths to be self-evident, that all men are created equal, that they are endowed by their Creator with certain unalienable Rights, that among these are Life, Liberty and the pursuit of Happiness ».
Le communisme s’est imposé comme une religion anti-chrétienne qui a imposé de nouveaux dieux et des faux prophètes. Le communisme est une abomination qui s’est imposée en établissant une nouvelle église qu’il nomme Etat et une nouvelle offrande qu’il nomme impôt.
Si le Pape en a conscience je pense qu’il a commit une erreur tactique. L’ouverture ne fonctionne pas pour la Chine et ça ne fonctionne pas vraiment pour la Russie où, certes, les billets verts passent mais pas l’esprit de la Liberté. Je pense qu’il en sera de même pour Cuba. Le régime castriste c’était la tête du serpent qu’il fallait écraser, pas nourrir.
En attendant c’est le régime communiste et criminel de Cuba qui sort grandit et la Liberté qui apparait à genoux.
En tout cas le Pape semble lucide d’après cette déclaration.
Pape François : « le monde actuel vit une troisième guerre mondiale, mais par morceaux ».
http://extremecentre.org/2014/12/22/pape-francois-le-monde-actuel-vit-une-troisieme-guerre-mondiale-mais-par-morceaux/
Ce que je comprends de cette mise au point c’est que le Saint-Père n’appuie pas les régimes communistes ou dictatoriaux, il s’efforce de maintenir le contact avec les Chrétiens des pays où ils sont opprimés et de les aider en œuvrant pour le changement. Je ne vois pas ce qu’on peut lui demander de plus. J’aimerais bien qu’il dénonce ouvertement l’État Islamique mais s’il le faisait cela n’aurait-il pas pour effet d’aggraver la situation des Chrétiens d’Orient?
il l’a dénoncé très ouvertement et a même justifié l’emploi de la force pour l’éradiquer!
Les intérêts du Pape sont ceux de l’église catholique, 2000 ans d’histoire….. Sa stratégie sereine d’infiltration consistant à glisser doucement le pied dans l’entrebâillement de la porte avec des pays comme la Chine et Cuba semble tout à fait logique. En revanche, pratiquer envers le monde des soumis une méthode Coué aromatisée aux compromis, à la pseudo-naïveté et à une lâcheté s’habillant de tolérance relève de l’incompréhensible si l’on considère que le Pape est un émule de Saint Ignace de Loyola. Il semble donc difficilement crédible que François 1e ignore tout de l’histoire musulmane réelle, de ses relations aux dhimmis, de son comportement prosélytique, de sa pathologie de prédation exacerbée par la couardise et l’accommodement. Mais si vraiment, Monsieur l’Abbé, toute cette stratégie papale ne peut être lue qu’au travers des prismes de la dignité humaine et de l’amour de son prochain, alors que Jésus nous protège. Car son plus haut représentant sur terre est en train de danser avec le diable, il ne le sait pas et le peuple chrétien, tel l’orchestre du Titanic, semble devoir être prié de continuer à jouer du violon. Monsieur l’Abbé, comment comprendre une telle attitude quand vous, Abbé en Suisse, avec amour au fil de vos articles si profonds et cultivés vous nous décillez les yeux et ouvrez les cœurs ? Joyeux Noël et merci infiniment pour votre partage.
concernant Cuba, c’est bien pour les cubains.
Un peu comme la chute du mur de Berlin ..
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bon les américains vont profiter de cette manne
sans attendre ..
Je vous remercie pour cet article qui éclaire sur l’histoire complexe qui associe Cuba et le Pape – ainsi que le communisme. Vous m’aidez à apprécier le coté humanitaire de son intervention. Oui en effet, tout n’est pas que politique. Même Fox News a relevé le cote positif de Pape Francois, en precisant qu’il n’a pas peur d’exprimer ce qu’il pense, et combien ça nous change des leaders actuels. Le Pape a écrit 15 directives pour le clergé que j’ai lu en anglais, son message est opportun et inspirant, pourriez-vous nous les procurer en français ? Nos dirigeants des deux côtés de l’Atlantique devraient lire cette liste et en prendre de la graine.
Je vous souhaite un très Joyeux Noel.
Je salue la sagesse du père Arbez pour ses appels à faire preuve de discernement, ce que j’estime très différent de vouloir prendre la défense du pape “à tout prix”.
N’oublions pas le travail de manipulation des médias qui visiblement porte ses fruits. L’image d’un pape de gauche, qu’ils ne cessent de façonner depuis sa nomination, contamine les esprits jusque chez les croyants.