On constate trop souvent que certains chrétiens imaginent le dialogue avec des juifs un peu comme on discuterait avec des membres de toute autre religion non biblique telles que l’islam, l’hindouisme, le bouddhisme, les mouvements ésotériques, etc.
Un certain nombre d’entre eux ont bien une vague intuition qu’il y a un lien particulier entre christianisme et judaïsme, mais beaucoup ont visiblement perdu le fil conducteur en raison des aléas relationnels gravissimes des siècles passés. De longues périodes d’amnésie ont dramatiquement creusé le fossé entre les uns et les autres. Dans le meilleur des cas, ces chrétiens en majorité pressentent que l’on peut puiser beaucoup de sources de la foi chrétienne dans le judaïsme, mais très peu conçoivent d’honorer ce lien en s’intéressant aux juifs d’aujourd’hui et à leurs traditions spécifiques.
Après le séisme de la shoah, l’Eglise a dû reconsidérer sa relation au judaïsme et aux juifs, d’abord dans la repentance pour ses complaisances criminelles avec l’antisémitisme, puis dans la reformulation de sa dépendance envers l’expérience spirituelle d’Israël, en dehors de laquelle le christianisme perd toute signification.
[quote]Le déicide et la substitution ont été définitivement abrogés[/quote]
A la suite du Concile Vatican II, surtout de la déclaration Nostra Aetate, un nouvel élan a permis de poser les bases d’une lecture différente du Nouveau Testament. Le déicide et la substitution ont été définitivement abrogés. La prise en compte d’une épître aux Romains ainsi reconsidérée apporte un regard neuf sur le refus des juifs de reconnaître en Jésus le Messie d’Israël, ce choix inhérent à la liberté n’étant plus disqualifiant mais respectable. La voie chrétienne ne se permettra plus de démoniser la voie juive. L’effort a été activement poursuivi par le pape Jean Paul II durant 28 ans, puis par son successeur Benoît XVI, et maintenant par le nouveau pape François.
Depuis des décennies, d’éminents théologiens juifs ont montré leur désir de rapatrier Yeshua Ben Myriam sur le terrain midrashique. Benoît XVI cite abondamment le rabbin Jacob Neusner dans son livre sur Jésus. Malgré ces avancées, rien n’autorise encore les chrétiens à culpabiliser les juifs de ne pas voir en l’un des leurs le Fils de Dieu et le rédempteur du monde.
Cette relecture conciliaire post-shoah est nourrie des recherches exégétiques les plus pointues sur la judéité de Jésus, mais elle inclut en même temps dans le plan de Dieu le droit à la non reconnaissance messianique de Jésus par les juifs.
Cette approche nouvelle ne prétend plus que le christianisme « accomplirait » l’imperfection du judaïsme : un juif honnête serait un juif devenu chrétien ! Non. L’Eglise respecte la voie de salut des juifs selon l’alliance version première, et elle est convaincue de ce que les juifs sont les « frères aînés » des chrétiens, comme aimait l’exprimer Jean Paul II, dont la formule sur « l’alliance avec Israël jamais révoquée » a ouvert des perspectives prometteuses.
De plus, Jean Paul II a valorisé cette judéité de Jésus en rappelant avec force qu’elle n’est pas accidentelle. « Ce n’est ni un fait de nature ni un fait de culture. C’est un fait surnaturel. » Le pape avertit : « couper Jésus de son enracinement juif, c’est en faire une sorte de « météore tombé par hasard dans l’histoire humaine. C’est rendre son mystère et son message incompréhensibles ».
[quote]Le pape François l’a redit récemment avec humour : Jésus n’était pas catholique ![/quote]
Il est un fait que Jésus et ses talmidim n’ont agi que dans le cadre de la religion d’Israël. Le pape François l’a redit récemment avec humour : Jésus n’était pas catholique ! L’enseignement des apôtres s’est alimenté aux doctrines pharisiennes et a développé une éthique centrée sur la personne et la communauté, sans jamais oublier la priorité de la Parole de Dieu. Des spécialistes du 1er siècle estiment que pour les premiers membres du mouvement de Jésus, le rabbi charismatique représentait une « Torah vivante », une incarnation particulièrement parlante de l’alliance dans les situations quotidiennes et face à l’avenir.
Au fond, cela revient à dire que le christianisme et le judaïsme sont deux religions sœurs issues du même tronc hébraïque. Les lignes forces de ce qui serait le christianisme se sont précisées à l’intérieur du judaïsme pluriel d’alors, qui lui-même s’est redéfini un peu plus tard au moment de Yavné à l’intérieur du cadre rabbinique. (90 ap. JC)
C’est pourquoi le cardinal Martini a considéré la relation difficile entre judaïsme et christianisme comme un schisme tragique qui portait en germe les autres fractures qui suivraient. Selon lui, la séparation entre la Synagogue et la communauté messianique de Jésus annonçait les ruptures successives entre Eglise catholique et orthodoxe, puis avec la Réforme protestante.
De ce fait, la seule garantie de vrais progrès dans l’œcuménisme entre chrétiens réside dans la refondation des relations entre chrétiens et juifs, autour de l’alliance avec Israël, et du salut universel évoqué par les Saintes Ecritures.
Cela rejoint le constat historique du professeur Daniel Boyarin, théologien juif de l’Université de Berkeley, qui affirme : « le résultat final de la révolution sociale dans le judaïsme du Second Temple, ce sont deux religions nouvelles qui apparaissent sous le nom de judaïsme rabbinique et de christianisme ».
Son dernier ouvrage, remarquablement éloquent, s’intitule justement : «La partition du judaïsme et du christianisme*» (édition du Cerf, coll. Patrimoines – judaïsme). L’auteur y démontre combien les frontières spirituelles entre les deux traditions étaient moins rigides qu’on a bien voulu le dire de part et d’autre après le 4ème siècle.
Il reste vrai que, malgré l’héritage vivant si substantiel dont ils partagent tant d’éléments communs, judaïsme et christianisme sont deux communautés religieuses distinctes, avec leurs identités historiques propres ; mais ce qui les relie en profondeur est encore loin d’avoir été entièrement mis en valeur.
Cela devrait pouvoir désormais se réaliser dans un véritable esprit de fraternité et de compréhension spirituelle réciproque.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez pour Dreuz.info.
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Merci Monsieur l’Abbé.
C’est en effet la clé de notre future commun.
Les Juifs attendent le Messie , les Chrétiens ( qui sont aussi Juifs au départ ) ont vu en Yeshoua le Messie et Celui-ci doit revenir à la fin des temps.
Attendons ensemble ce moment !!!
Christian
Abbe Arbez, Pourquoi Le Pape Francois n`a rien dit quand a sa vizite a Betlehem, Abbas a raconte que Jesus etait Palestinien ?? Car Palestinien, c`est l`invention Musulmane, et beaucoup apres Sa Naissance.
si le pape devait répondre à toutes les bêtises qu’il entend, il passerait son temps à cela.
Je retiens de son dernier voyage – même s’il s’est fait piéger lorsque les palestiniens ont arrêté sa voiture dans l’axe du mur devant des graffitis – qu’il a déposé une gerbe sur la tombe d’Herzl et qu’il est allé s’incliner devant le mémorial des victimes israéliennes d’attentats terroristes.
Tous des gens de la même communauté,…
Le PAPE lui aussi porte la KIPPA.
L’islam n’a absolument rien à voir avec cette communauté.
Ce dont on devrait débattre,…….. Est-ce que l’Islam est une religion, comme on voudrait nous le faire croire ?
Ce n’est pas parce qu’il y a plus d’un milliard de gens qui pratiquent l’Islam que c’est une religion.
J’aimerais bien savoir !
MARIE,……… Mère juive pour l’éternité !
JESUS aimait se rendre régulièrement au « TEMPLE DE JERUSALEM » … …. …. ….. Son dernier repas, veille de PESSAH, fut pris juste à coté de ce temple, immortalisé par « LA CENE ».
Cette salle existe toujours.
A table, Jésus était entouré de ses amis qui fêtaient avec lui la « PAQUES JUIVE »
Ce repas festif n’était pas autre chose qu’un repas de célébration judaïque.
Après la crucifixion de Jésus, ses amis vont devenir les « Douze apôtres »
Jésus a été tué alors qu’il pratiquait sa judaïté. Il fut circoncis à sa naissance, il avait fait sa BAR MITZVA.
Jésus n’a jamais renié sa judaïté, bien au contraire.
Je me permets d’ajouter une petite réflexion personnelle.
Si sans aucun doute l’Alliance du Peuple Juif avec D.ieu est représentée dans l’Ancien Testament et la Thora donnée au Peuple Juif, je pense que la Seconde Alliance, en la personne de Rabbi Yoshoua (Jésus) a été donnée elle pour les païns de l’époque, c’est à dire les non-Juifs.
En cela continue la spécificité Unique du Peuple Juif, et la seconde Alliance permets à ceux qui n’avaient pas d’Alliance d’en avoir une sans passer par les exigences bien plus strictes du Judaïsme (les non-Juifs sont tenus à 7 commandements – les commandements Noachiques, alors que les Juifs se doivent de respecter 613 commandements…).
non, Jésus est un observant, il affirme dès le début de sa mission être là pour les brebis perdues d’Israël; l’ouverture aux non-juifs est venue APRES la résurrection, avec le ministère de Paul. Jésus n’a pas fabriqué une alliance pour païens, il a apporté sa dimension personnelle à l’unique alliance, il l’a actualisée par le don de sa personne sans dévaloriser ce qui l’a précédé.
Contemporain de Jésus, le sage Hillel disait déjà: ne pas faire aux autres ce qu’on aimerait pas qu’ils nous fassent, c’est toute la loi et les prophètes.
M. l’Abbé, votre article concerne surtout voire uniquement les catholiques.
Les protestants notamment ont, pour la plupart, intégré depuis longtemps une vision et un rapport à Israël et au peuple juif collant de près au texte du NT, et partant, sensiblement apaisés et bienveillants.
Du reste, un christianisme bien compris ne peut être que respectueux à l’endroit du peuple juif, si on s’en tient à ne serait-ce que les fondamentaux du christianisme : « tu aimeras ton prochain comme toi-même » etc.
Après, le « débat » sur le Messie est un autre débat… potentiellement source de divisions davantage que de rapprochement, me semble-t-il.
moi qui vis à Genève, je nuancerais votre propos: la réflexion s’applique autant aux protestants qu’aux catholiques. S’il est vrai que Calvin a été un précurseur dans la vision globale de la Bible et a présenté le peuple juif non pas en opposition mais en harmonie dans la révélation, n’oubliez pas que Luther a rédigé des pages horribles sur les juifs, à tel point que Hitler les citait textuellement pour dire sa haine antijudaïque. Par ailleurs, le protestantisme allemand – majoritaire – a joué un rôle déterminant dans le soutien au nazisme. 85% des pasteurs étaient affiliés au parti national-socialiste, et on peut suivre à la trace l’engagement protestant à travers les votes pour Hitler, tandis que les catholiques soutenaient le zentrum.
Si l’on parle du protestantisme actuel, la réalité est autre, mais il y a encore des pans entiers de gens hostiles aux juifs en raison du conflit palestino-israélien. Certaines communautés évangéliques sont devenues très antijuives.
C’est juste, vérifications faites, Luther fut un antisémite enragé à la fin de sa vie, et beaucoup d’Allemands en ont été manifestement influencés.
A la différence de Calvin par exemple… d’ou sans doute une attitude plutôt favorable aux Juifs parmi les protestants français (cf leur attitude durant la 2ème WW) – lesquels ont aussi parfois ressenti une « communauté de sort » avec les Juifs du fait de la persécution qu’ils ont subie à certains moments de leur histoire.
Quoiqu’il en soit, le protestantisme est très divers, n’étant pas du tout organisé comme l’Eglise catholique.
J’avais aussi en tête les USA ou beaucoup de pro-Israéliens sont des protestants évangéliques.
C’est lequel le PAPE sur cette photo : ils ont tous une Kippa ?
Quant aux communautaristes Juifs, ils preferent mieux connaitre l’Islam que le Christianisme
Quel que soit l’avis de chacun, je persiste lourdement ; sans une entente entre Juifs et Chrétiens ( qui n’est pas artificielle mais naturelle ) et malgré le passif des Chrétiens par rapport aux Juifs, l’humanité est perdue.
Dans vos querelles ou rancoeurs, souvenez-vous en…
Monsieur l’Abbe,
J’aimerais avoir votre avis au sujet de ce commentaire que j’ai releve sur un site patriote (Fdesouche), son auteur d’appelle « Isolde »:
« Depuis le concile Vatican II « l’Eglise est tombée du ciel et s’écrase sur la terre ».
En effet, la nouvelle religion est caractérisée par une remise en question de tout: -Divinité du Christ -Perte de la croyance en la Vie éternelle.
-Religions mises en égalité -Dialogue avec les incroyants et notamment avec l’islam. -Culte de l’homme et ralliement à la doctrine des droits de l’homme -Liberté religieuse -Haine de la tradition d’hier -Esprit de sacrifice inexistant
A quoi se résume donc le message de ce nouveau christianisme successeur dégénéré de cette religion du Dieu crucifié!!!! tout simplement à une mélasse humanitaire qui n’attire plus grand monde. -«
cette Isolde s’exprime à la manière des Lefebvristes, dénigrement systématique des recadrages de Vatican II, confusion sur le fond et la forme, nostalgie d’un passé idéalisé, etc…Ce qu’elle appelle nouveau christianisme existe peut-être chez certains individus égarés, mais ce n’est pas le phénomène officiel qu’elle décrit. Et puis, en quoi y a-t-il un problème à ce que l’Eglise dialogue avec des religions ou des courants qui font partie de la société. L’Eglise a remplacé le prosélytisme par le témoignage, la prétention à la dominance sociale par la présence et le service. Les arguments développés expriment la même pathologie que l’islam qui ne supporte pas l’altérité et le vivre ensemble.
Monsieur l’Abbé, c’est toujours un élargissement de la conscience de vous lire. Vous n’êtes pas un représentant de l’église avec des connaissances religieuses, vous êtes une personne avant tout spirituelle, présentant une compréhension énergétique dans la vérité de son environnement, c’est rare. Merci de partager, ceci avec nous. Vous dites « Des spécialistes du 1er siècle estiment que pour les premiers membres du mouvement de Jésus, le rabbi charismatique représentait une « Torah vivante », une incarnation particulièrement parlante de l’alliance dans les situations quotidiennes et face à l’avenir ». Ceci parle du rapport au temps, de la faculté de se concentrer dans le présent, d’avoir nettoyé les douleurs du passé, pour créer dans l’instant « maintenant et ici », énergie de joie et d’amour, le futur des jours. J’ai rencontré cette qualité chez beaucoup de Juifs, elle est très présente en Israël. Passablement de Chrétiens, particulièrement en Suisse, possédaient également cette faculté. Si la religion catholique se réinvente dans cette possibilité, alors elle pourra à nouveau abreuver les brebis occidentales et affronter avec victoire l’hydre qui se rapproche : vous le faites déjà, espérons que vous êtes un des leaders incarnant un mouvement à venir.
Bonjour,
Merci pour votre reponse Monsieur l’Abbe.