Publié par Abbé Alain René Arbez le 28 mars 2015

lavement-des-pieds

Evangile de Jean 13.1

L’évangile de Jean est plein de paradoxes : c’est l’évangile qui a le plus médité sur le mystère du salut, sur le rôle de Jésus comme expression sur terre de l’amour divin…Mais le récit qui nous parle le plus d’amour est aussi celui qui nous parle de commandements, ce n’est donc pas un amour abstrait dont il est question, mais un comportement aimant jusque dans les détails de la vie quotidienne.

Nous en avons un magnifique exemple le jeudi saint, avec l’évangile du lavement des pieds comme illustration de l’eucharistie.

Il n’y a pas de récit de l’institution eucharistique (la todah) dans le 4ème évangile, mais il y a la mise en valeur de ce geste surprenant que Jésus a tenu à associer au rituel de la Pâque et au mémorial du don de sa vie pour nous.

Jésus enseigne à ses disciples le service fraternel comme prolongement de la prière d’action de grâces à Dieu ! Jésus ne crée pas une nouvelle religion avec ses rites et son domaine sacral. Il donne sa dimension à la tradition biblique qui est la sienne en soulignant l’importance du geste bienveillant envers les autres…

Il a réuni ses disciples pour la commémoration de la Pâque juive, c’est le mémorial pascal. Il va y inscrire son eucharistie, en montrant tablier en mains qu’elle n’est pas que prière à Dieu, mais aussi service des frères… Donc, parce qu’elle est agenouillement devant la grandeur de Dieu qui nous aime, elle est aussi agenouillement devant la dignité de la personne humaine.

Habituellement, des domestiques avaient pour tâche de laver les pieds des convives pour les purifier et les rafraîchir. Lorsque Jésus prend lui-même ce rôle de serviteur et qu’il s’arrête devant Simon Pierre, celui réagit spontanément par un refus. Jésus le remet aussitôt face au sens profond de l’événement qui est en train de se réaliser. Si je ne te lave pas les pieds, tu ne pourras pas prendre part à ce que je suis en train d’accomplir…La libre plongée dans la mort que Jésus va vivre par amour pour une humanité en perte de repères sera comme un baptême purificateur, un éveil des esprits qui ouvrira des chemins d’humanité.

Aussitôt Pierre s’exclame : alors, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête…

Cette phrase n’est pas anodine, car elle joue sur plusieurs registres. Dans la littérature biblique, les pieds, les mains, la tête représente plus que les parties organiques du corps humain. Par exemple, le psaume dit : « Qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui apportent une bonne nouvelle ! » En effet, l’hébreu, à la différence du grec, ne connaît pas l’abstraction, il est concret, incarné, mais en même temps il dit beaucoup plus. Quelqu’un qui veut saluer le bon sens de Jésus en pensant : « ta mère a de la chance d’avoir un fils comme toi » lui dit : « heureuses les mamelles qui t’ont allaité ! »

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De même, lorsque Jésus est agacé de parler sans être compris, s’exclame : « que celui qui a des oreilles entende ! »

Le rédacteur de l’évangile de Jean est un méditatif, et tandis qu’il raconte le lavement des pieds de Pierre par Jésus (ne l’oublions pas, Pierre est la figure emblématique de l’équipe apostolique), il parle d’abord de la purification par le baptême.

Les pieds dans le registre biblique représentent en fait toutes les démarches que nous pouvons faire : aller à la rencontre des autres, visiter quelqu’un, donner une orientation à notre vie, se prendre en charge, etc, etc. Accepter de Jésus que les pieds soient lavés, c’est demander que nos démarches de toutes sortes, les plus ordinaires comme les plus décisives, soient purifiées de tout ce qui nous éloigne du bien ou qui nous conduit vers des voies sans issues.

Idem  pour les mains, (yad) qui représentent l’activité humaine : ce que nous réalisons par le travail, la créativité, ce que nous construisons pour édifier, les mains que nous tendons en direction des autres, qui expriment la tendresse, les mains que nous élevons vers le ciel dans la prière…toutes ces attitudes ont besoin encore d’être purifiées de toute souillure idolâtrique, de tout dévoiement païen, de toute violence, de tout gaspillage.

Quant à la tête, c’est le siège de la pensée, de la réflexion et des décisions. Laver la tête, c’est la purifier des pensées malsaines, à courte vue, égocentriques, c’est la libérer des étourdissements artificiels, des idées creuses, l’assainir afin qu’elle guide les mains, les pieds, tout cela n’étant possible évidemment qu’avec un cœur vivant (selon Ezekiel, un cœur de chair et non pas endurci) relié à la Parole de Dieu pour assurer l’harmonie de l’ensemble de nos fonctions vitales et spirituelles…

Les évangiles synoptiques annoncent déjà cette méditation johannique de la purification baptismale. Quand Jésus secoue ses disciples en les incitant à faire des choix cohérents avec son enseignement, il leur dit :

« si ta main t’entraîne au péché, coupe-là…» C’est-à-dire : si ton activité, ta manière d’agir est néfaste et t’empêche de te réaliser pleinement selon la loi de Dieu, prends une décision radicale, change de comportement !

« Si ton pied t’entraîne au mal, coupe-le ! » encore une parole de Jésus qui n’est pas un prédicateur à l’eau de rose. Si tes démarches te conduisent à ta perte, change vite d’orientation et de façon de vivre pendant qu’il est encore temps ! Paroles de sagesse conscientes du temps qui passe et des étapes à ne pas manquer.

« Si ton oeil t’entraine au péché, arrache-le ! » L’œil, c’est la vision du monde, le regard sur les autres, la perspective que l’on se donne pour sa propre  vie. Là aussi, il y a urgence d’être au clair, dit Jésus.

Si les chrétiens ayant été imprégnés par les eaux purificatrices du baptême reprenaient conscience de leur appartenance afin qu’elle ne reste pas formelle, nous pouvons imaginer combien le lien que fait St Jean entre eucharistie et service des autres retrouverait un impact extraordinaire dans le concret du quotidien!

Cette semaine sainte prépare à accueillir la lumière de Pâques, elle exprime aussi l’attente d’être purifiés, comme l’a demandé au Christ Simon Pierre : les pieds, mais aussi les mains et la tête !

En laissant cet évangile insuffler du neuf dans notre existence, nous pouvons mieux vivre le double commandement eucharistique de l’amour de Dieu et du service des autres.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez pour Dreuz.info.

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