Madeleine de Jessey s’interroge sur la pertinence des nouveaux programmes d’histoire et craint que ces derniers n’enferment les élèves dans une logique de repentance.
Madeleine Bazin de Jessey est agrégée de Lettres classiques. Porte-parole de Sens Commun, elle est secrétaire nationale en charge des programmes de formation à l’UMP.
Après avoir unanimement indigné les professeurs de Langues anciennes et irrité les tenants de l’amitié franco-allemande, la réforme du collège risque à nouveau de faire parler d’elle, sur le front de l’histoire cette fois. Tant qu’à faire, autant énerver tout le monde, égalité oblige.
L’Education nationale a en effet mis au point de nouveaux programmes d’histoire pour le collège. On saluera le souci de ne pas faire «disparaître de cet enseignement le cadre national ni la perspective chronologique propre à l’histoire». Alors que la France se divise en communautés disparates sans parvenir à forger une destinée et une fierté communes, on approuvera aussi la visée poursuivie par ces nouveaux programmes: «Dans un ordre chronologique, le programme permet de mieux lire et comprendre le monde d’aujourd’hui en insistant sur des moments forts, des traits marquants des sociétés du passé et des problématiques indispensables à la formation du citoyen.»
C’est en parcourant ensuite la liste des sujets abordés que l’inquiétude surgit: le Conseil supérieur des programmes (CSP) distingue les sujets «obligatoirement étudiés» des sujets «traités au choix de l’enseignant». Ainsi, l’étude de l’Islam sera obligatoire, mais celle du christianisme médiéval facultative – ceux qui choisiront de l’enseigner devront le faire uniquement sous l’angle de l’ «emprise de l’Eglise sur les mentalités rurales». Dans une société en mal d’intégration et de cohésion nationale, on ne manquera pas de s’étonner d’une curiosité si grande pour les religions venues d’ailleurs, et d’une révulsion si manifeste pour nos racines judéo-chrétiennes. N’est-ce pas pourtant en redonnant à l’élève ces racines que nous le rendrons d’autant plus ouvert à l’altérité? Par ailleurs, où est-il passé, ce «cadre national» que le CSP évoquait précédemment?
Nos repères communs seront donc extraits des cultures venues d’ailleurs et des tragédies de notre histoire. Plutôt que d’amener l’élève à puiser à la source du christianisme, de l’humanisme et des Lumières, le CSP préfère écouler ses stocks de repentance amère et éculée.
Il apparaît ensuite, nous objectera-t-on. C’est vrai, le cadre national est abordé à travers l’étude obligatoire des heures sombres ou controversées du passé (esclavage, colonisation, génocides, déportation…). En revanche, l’enseignement de l’humanisme et des Lumières, problématiques qu’on croirait pourtant «indispensables à la formation du citoyen», n’est que facultatif. Nos repères communs seront donc extraits des cultures venues d’ailleurs et des tragédies de notre histoire. Plutôt que d’amener l’élève à puiser à la source du christianisme, de l’humanisme et des Lumières, le CSP préfère écouler ses stocks de repentance amère et éculée.
Il ne s’agit pas ici de mettre en cause l’importance du «devoir de mémoire» ; nous affirmons seulement que la mémoire ne formera le citoyen qu’à condition de l’inspirer et de le libérer, en lui proposant le terreau vivant d’une action positive et généreuse. Plutôt que de séquestrer l’élève dans l’obscurité des fautes et des blessures passées, que ne lui propose-t-on des épopées nationales, des modèles, des figures de courage, d’unité et de résistance, dans lesquels il pourra puiser des valeurs incarnées? Les jeunes générations ont droit, aujourd’hui, à se fondre dans une histoire de France qu’ils pourront enfin connaître et admirer.
Or, loin d’évoquer les plus belles pages de notre histoire, le CSP entend une nouvelle fois enfermer l’élève dans le culte de la culpabilité et de la haine de soi. Le fait n’est pas nouveau: il y a bien longtemps que l’enseignement de l’histoire se fourvoie chez nous dans un travail de sape et d’auto-flagellation prodigieusement masochiste. Avec la réforme du collège, un nouveau cap est franchi. Ne cherchez plus la crise de la France: elle est là, dans ce retournement de soi contre soi.
http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2015/04/22/31001-20150422ARTFIG00378-nouveaux-programmes-d-histoire-l-islam-sera-obligatoire-les-lumieres-facultatives.php
© Gaïa pour www.Dreuz.info
A part Mme Rama Yade, je n’ai pas entendu un ténor de la droite s’élever contre cette réforme ; je pousse le raisonnement : à quand l’obligation de l’apprentissage de l’arabe, et le reste en option ???
Ci-dessous sa réaction dans un article destiné aux abonnés :
La réforme du collège est-elle « criminelle » ?
Le Point – Publié le 24/04/2015 à 13:19 – Modifié le 25/04/2015 à 10:56
C’est l’accusation que lance Rama Yade pour qui les socialistes préfèrent « Djamel Debbouze au latin ». Une accusation très exagérée. Analyse.
Rama Yade est plus sévère dans sa critique de la réforme du collège que l’ancien ministre UMP Luc Chatel.
Par Marie-Sandrine Sgherri (avec AFP)
Contre Najat Vallaud-Belkacem, l’ex-ministre Rama Yade (UDI) n’y va pas avec le dos de la cuillère : elle voit dans la réforme du collège portée par la ministre « ce qu’il y a de pire en matière éducative », et estime que Najat Vallaud-Belkacem est « sans doute l’une [des ministres, NDLR] dont les actes auront les conséquences les plus préjudiciables pour notre système éducatif et donc pour notre pays ».
Selon Rama Yade, « il faut un ministère de l’Instruction publique, ou de la Rééducation nationale si vous préférez. On est arrivé à un moment où l’école, vecteur principal en France de l’ascenseur social, ne fonctionne pas. Et Najat Vallaud-Belkacem fait tout ce qu’il faut faire pour empirer la situation. Alors qu’on attend depuis tellement longtemps une réforme du collège, je trouve que sa réforme, inspirée des expériences pédagogiques les plus hasardeuses, est ce qu’il y a de pire en matière éducative. C’est vraiment terrible », a-t-elle insisté.
Plus sévère que… Luc Chatel !
Un jugement sévère, plus sévère que celui de Luc Chatel, dernier ministre de l’Éducation nationale de Nicolas Sarkozy. Lui a estimé que les deux grandes orientations de la réforme – l’accompagnement personnalisé et le travail interdisciplinaire – allaient « dans le bon sens », à condition qu’elles ne s’accomplissent pas « au détriment des fondamentaux ». C’est en effet le grand défi de la scolarité obligatoire, qui, par définition, s’adresse à tous les élèves : s’assurer que les connaissances et compétences de base soient acquises par tous, et varier les méthodes pédagogiques pour que chacun s’implique. C’est d’ailleurs Xavier Darcos et Luc Chatel (ministres UMP) qui ont promu le droit à l’expérimentation à l’école, encourageant les enseignants à varier leur mode d’enseignement. Ils ont aussi tous deux tenté de donner davantage d’autonomie aux établissements, pour qu’ils s’adaptent aux élèves qu’ils accueillent, préoccupation majeure de la réforme et objet principal de la colère des syndicats.
Mais Rama Yade ne rentre pas dans ce niveau de considération. Pour elle, le problème, c’est le latin ! L’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy y voit un « moyen d’aller aux sources de la langue, d’une civilisation, d’une culture » pour « former un esprit sur le plan intellectuel et citoyen ». « Que les socialistes n’aient pas compris, cela ne m’étonne pas, puisqu’ils préfèrent Jamel Debbouze », a-t-elle lancé en référence à la suggestion de Manuel Valls d’introduire des cours d’improvisation théâtrale à l’école. « On préfère Jamel Debbouze comme on a préféré le rap, les cultures de la rue qu’on a promues comme étant les lieux du savoir. C’est sidérant », a-t-elle fustigé. « Penser que ces nouveaux publics de l’école, les jeunes défavorisés, ne sont pas capables de comprendre Racine ou Molière, c’est un crime. Et que cela vienne de socialistes qui se disent républicains, c’est encore pire. »
Approximations
En ce qui concerne le latin, le discours de Rama Yade simplifie quelque peu les faits. Le latin et le grec ne disparaissent pas des grilles horaires du collège. Il redevient même obligatoire sous la forme d’un enseignement interdisciplinaire (EPI) « langues et culture de l’antiquité ». Mais les enseignants crient au tour de passe-passe : la langue elle-même, disent-ils, ne sera plus enseignée. Faux, réplique le ministère, qui explique que les élèves qui le souhaitent pourront avoir de (vrais) cours de latin sous forme d’option. À condition toutefois que cette option soit proposée par leur établissement. Ils sont de moins en moins nombreux à le faire, notamment dans les zones en difficulté.
« Deuxième crime » de Najat Vallaud-Belkacem pour Rama Yade : l’enseignement du fait religieux à l’école : « Elle fait tout à l’envers. Que le Premier ministre se joigne à cela, c’est quelque chose d’encore plus grave », a accusé Rama Yade, selon qui « l’école publique laïque n’a pas à enseigner les religions », car « l’éducation des religions, ce sont les familles ». Une affirmation plutôt hasardeuse ! En 2002, après les attentats du 11 Septembre, c’est Luc Ferry, ministre de Jacques Chirac, qui demande à Régis Debray un rapport sur la nécessité d’introduire l’enseignement laïc du fait religieux à l’école. Des programmes s’ébauchent et il est pris en charge par les professeurs d’histoire. Lesquels, depuis des lustres, traitent des religions dans le cadre des programmes d’histoire. Laisser l’éducation religieuse aux familles ? En ces temps de radicalisation, est-ce bien raisonnable, madame Yade ?
Je suis d’accord avec l’ancienne ministre, l’éducation religieuse doit relever de la responsabilité des familles, charge à elles de choisir les établissements scolaires qui vont bien