Le 14 avril 2015, MEMRI organisait au Capitole, à Washington, en collaboration avec la Fondation Lantos pour les Droits de l’Homme et la Justice, son colloque annuel sur l’antisémitisme et le négationnisme, en présence d’éminentes personnalités de la classe politique, toutes tendances confondues.
Cette année, ce sont deux personnalités françaises engagées dans le combat contre l’intégrisme et pour les valeurs universelles des droits de l’Homme qui ont été mises à l’honneur : L’imam de Drancy Hassen Chalghoumi et l’ancienne collaboratrice de Charlie Hebdo, écrivain et réalisatrice Caroline Fourest. Ci-dessous l’intervention de Caroline Fourest, traduite de l’anglais.
« Je vous remercie pour cette occasion qui m’est donnée de vous parler de cet important défi, dont vous venez de voir quelques extraits.
J’appartiens à une génération qui a grandi avec cette question, concernant la période du nazisme, à savoir : comment un continent comme l’Europe a-t-il pu laisser une telle chose se produire ? C’était la question, pendant toute la période de mon adolescence : comment avons-nous pu laisser cela se produire ? A cette époque, j’étais absolument certaine que je ne trouverais jamais la réponse, que ce serait la question d’une vie.
« si un journal comme Charlie Hebdo ne pouvait pas rire des terribles menaces dirigées contre nous tous, alors que nous restait-il à faire ? »
C’est avec une certaine tristesse que j’admets, quelques années plus tard, que je crois avoir la réponse. Elle ne me vient pas de mon éducation, car je n’appartiens pas à une famille juive. Je suis tout simplement obsédée par la recherche de ces réponses. Et cela fait maintenant 15 ans que je travaille sur l’extrémisme, sous toutes ses formes : la droite religieuse en Amérique, le Front national en France, et le mouvement des Frères musulmans sur lequel je travaille depuis 10 ans.
J’ai collaboré pendant six ans à Charlie Hebdo, ce journal satirique étonnant, vraiment étonnant, dans lequel on peut trouver les caricatures les plus drôles et les plus géniales sur la religion, toutes les religions, et dans le même temps des articles très sérieux qui s’efforcent de dénoncer l’antisémitisme et le fanatisme [qui] se développent en Europe. J’y ai perdu certains de mes amis chers.
Nous savions, dès 2005, que nous étions en danger. Nous savions qu’il était dangereux de rire des fanatiques, mais nous nous disions que si un journal comme Charlie Hebdo ne pouvait pas rire des terribles menaces dirigées contre nous tous, alors que nous restait-il à faire ? La guerre uniquement ? Si nous ne pouvons pas rire, la seule option qui reste est de faire la guerre. Je pense que c’est véritablement une guerre que l’on peut gagner, pas seulement par les armes mais par les dessins et les mots.
C’est pourquoi il est très important d’employer les mots exacts. Notamment après ce qui s’est passé avec les attentats contre Charlie Hebdo, contre l’hypercasher et avant cela, il y a eu l’assassinat des enfants juifs par Mohammed Merah [à Toulouse]. Et encore avant, nous avons eu Mehdi Nemmouche en Belgique. Ainsi, cela fait plusieurs années qu’il est devenu dangereux d’être juif en Europe, comme il est dangereux d’être journaliste, ou d’être caricaturiste. [Le prix à payer est trop élevé] pour le 21e siècle – véritablement – pour cette fantastique région démocratique du monde [l’Europe].
« Obama n’a pas trouvé le temps de venir [en France] après les attentats, mais il a trouvé le temps de dire que les musulmans de France avaient apparemment du mal à s’identifier au modèle français »
Pourquoi est-il devenu si dangereux d’être journaliste, ou juif, ou d’être un militaire d’origine musulmane, ou une policière arabe, comme ceux qui ont également été tués lors de l’attentat du sept janvier ? La réponse simpliste consiste à dire qu’il y a des gens tellement opprimés en Europe, tellement pauvres et désespérés, qu’ils n’ont pas d’autre choix que de tuer des juifs, des caricaturistes et des journalistes. Je regrette de dire que c’est ce que j’ai entendu, lorsque j’ai rencontré certains journalistes d’Amérique et d’Angleterre, après l’attentat contre l’hypercasher et contre Charlie Hebdo, et la première chose qu’ils m’ont expliquée était que cela s’était passé parce que la France était islamophobe. C’est aussi l’impression douloureuse que nous avons eue, lorsque Barack Obama n’a pas trouvé le temps de venir [en France] après les attentats, mais qu’il a trouvé le temps de dire que les musulmans de France avaient apparemment un problème d’identification au modèle français, et que cela pouvait expliquer ce qui était arrivé.
Je ne sais pas comment les gens auraient réagi si quelqu’un, au lendemain du 11 septembre, s’était rendu en Amérique – ou ailleurs – et avait déclaré : ‘Je peux comprendre pourquoi les musulmans vous détestent’. Je pense que cette approche est toujours erronée. Vraiment, cette approche est entièrement fausse. D’abord, si nous devons parler d’islamophobie, nous devons être capables de parler de l’islamophobie. Rebiya Kadeer se trouve dans cette salle.
Je suis choquée de voir que les gens ignorent tout simplement l’oppression véritable dont souffrent les musulmans sous le régime chinois – pays où certains subissent une véritable discrimination et sont vraiment humiliés en raison de leur religion. Comparez cela à la situation d’un pays laïque et démocratique comme la France, où vous êtes entièrement libre de pratiquer votre religion, et où vous ne subissez aucune discrimination en raison de votre religion. Que se passe-t-il aujourd’hui ?
Lorsque vous avez des extrémistes qui prétendent agir au nom d’une religion et qui tuent des gens au nom de cette religion, alors vous savez quoi ? les gens commencent à avoir peur de cette religion.
Et c’est de cela que nous parlons. Et quand nous sommes de gauche, comme à Charlie Hebdo, que nous sommes à la fois antiracistes et laïques, nous sommes pris au piège entre ces deux approches horribles.
Nous essayons de combattre le racisme qui s’attaque aux musulmans et aux Arabes en France. Et je dois dire qu’avant le 11 septembre, ce racisme était vraiment en régression en France et en Europe, parce que ma génération est une génération antiraciste. Nous n’avons rien à voir avec l’ancien passé colonial. En fait, nous sommes les enfants de ceux qui ont combattu le colonialisme. Ainsi, cette sorte de racisme était réellement en régression, lorsque les prêcheurs de haine [ont commencé à s’exprimer]. Vous avez vu certains d’entre eux, mais il y en a beaucoup d’autres. Ils exploitent la crise d’identité de la troisième génération d’immigrés, une génération qui n’a pas été opprimée comme leurs parents l’ont été. Ils exploitent cette crise d’identité [que nous traversons] pour les endoctriner.
Mais nous ne parlons pas uniquement des enfants d’immigrés. Il faut être clair sur ce point. Ceux qui se rendent en Syrie aujourd’hui, après quelques jours de propagande via Internet – ceux qui ont subi un lavage de cerveau au point de se rendre en Syrie – sont parfois des jeunes aux cheveux blonds et aux yeux bleus sans aucune origine musulmane. Soudain leur vient l’envie d’une expérience très forte, et ils décident de combattre pour une cause « humanitaire » en Syrie.
Il fallait autrefois un mois environ pour radicaliser quelqu’un. Aujourd’hui, nous le savons – et les spécialistes le savent – il ne faut que quelques jours pour laver totalement le cerveau de quelqu’un et l’envoyer en Syrie. Et parfois, [la victime] n’est autre qu’une jeune fille qui croit qu’elle va aider des personnes en souffrance en Syrie, alors qu’elle va y devenir une esclave sexuelle. Bien entendu, ce n’est pas le paradis qu’ils vont trouver. Et très rapidement, au bout de quelques semaines, ils voudront revenir en France.
« Chaque fois que nous aidons un mouvement de ce genre [comme les Frères musulmans], nous trahissons les musulmans laïques »
Mais outre ces extrémistes, qui se rendent en Syrie et reviennent [chez eux] pour tuer, parce qu’ils ont entendu dire que les fuifs étaient le problème, il y a un mouvement, un mouvement populaire, un mouvement très intelligent – l’organisation totalitaire la plus intelligente que j’ai étudiée.
Parfois, la première étape consiste à endoctriner des personnes de très bon niveau : pas des pauvres, pas des paumés, pas ceux qui pourraient facilement prendre le départ pour la Syrie – mais des étudiants et des avocats. Des Européens très intelligents peuvent aussi être victimes d’endoctrinement. [Ceux qui leur lavent le cerveau] font partie des Frères musulmans. Ils peuvent aussi vous sourire. Ils peuvent être très professionnels. Ils peuvent convaincre des gouvernements, ici et en Europe, qu’ils sont le bon partenaire. Mais sur le terrain, en Europe, ils font beaucoup de dégâts. Car ils sont en train d’endoctriner toute une génération d’Européens musulmans brillants et intelligents.
Ils le font avec l’aide du Conseil Européen de la Fatwa. C’est le Conseil qui donne des directives religieuses aux musulmans en Europe. Et nous savons qu’à la tête de ce Conseil Européen de la Fatwa se trouve [le cheikh] Yousouf Al-Qaradawi, qui a dit un jour, à Londres : ‘Le seul dialogue avec les juifs est celui de l’épée, pour les tuer’. Il n’a même pas parlé des sionistes. Il a dit ‘les juifs’. Il a dit cela à Londres ! Et il a été reçu par les politiciens et par le maire de Londres, à cette époque, de manière très amicale. Chaque fois que nous aidons un mouvement de ce genre, nous trahissons les musulmans laïques, comme mon ami Hassan Chalghoumi, qui se trouve parmi nous – ces [musulmans laïques] qui combattent l’antisémitisme, qui combattent ces fanatiques, qui combattent la radicalisation, et qui ont été accusés de trahir l’islam.
Telle est la situation qui prévaut aujourd’hui en France : lorsque vous dénoncez l’antisémitisme, le racisme de ces fanatiques, vous êtes qualifiés d’islamophobes. Vous êtes qualifiés de racistes.
Uniquement parce que vous être contre le racisme. Et c’est ainsi que certains, fatigués de ce petit jeu, se mettent à voter pour le Front national, qui est un mouvement vraiment raciste, vraiment xénophobe. [En vérité], le père, Jean-Marie Le Pen, qui est déjà âgé, sera un peu plus dans l’ombre parce qu’il dit trop clairement ce qu’il pense des juifs, du maréchal Pétain et de la collaboration – et Marine Le Pen ne veut pas de ce discours à la tête du parti, parce qu’il est mal vu en France. Hormis ces franges radicales, nous voulons tous combattre l’antisémitisme en France. Même le Front national ne peut pas se revendiquer antisémite. Il perdrait les voix sur lesquelles il peut compter. Aussi tente-t-il de dissimuler cet aspect [l’antisémitisme] de son parti.
Mais l’autre camp, celui qui combat le radicalisme au nom de l’islam, est très populaire ; il est vraiment, vraiment populaire. Il existe une seule manière de combattre ce [radicalisme au nom de l’islam]. Et ce n’est pas en qualifiant les laïques français d’islamophobes. Ce n’est pas en expliquant que le modèle français est responsable des attentats terroristes qui se sont produits à Londres, ou dans des pays arabes et dans des pays musulmans depuis des décennies.
« Si nous voulons faire régresser l’islamophobie, nous devons combattre le terrorisme, et l’islamophobie sera enrayée. Nous voulons combattre l’antisémitisme ? Il faut aussi combattre le fanatisme et le terrorisme »
Jihad John a grandi en Angleterre, dans un quartier aisé. Le modèle anglais est très différent du modèle français. Pourquoi certains ont-ils accusé le modèle français d’être responsable des attentats terroristes, alors que dans d’autre cas, comme [celui de Jihad John, aucun modèle] n’a été tenu responsable des attentats ? Cela n’a aucun sens [de faire porter la responsabilité] des attentats terroristes au modèle laïque français.
Si nous voulons faire régresser l’islamophobie, nous devons combattre le terrorisme, et l’islamophobie sera enrayée. Nous voulons combattre l’antisémitisme ? Il faut aussi combattre le fanatisme et le terrorisme. C’est aussi simple que cela. Nous devons combattre les discours d’incitation à la haine et cesser de confondre [les discours de haine] et la liberté d’expression. De la même manière, nous devons cesser de confondre liberté d’expression – qui inclut le droit au blasphème – et racisme. [Le blasphème] est la méthode la plus joyeuse de résister au fanatisme.
Parce que c’est une guerre que nous ne pouvons gagner qu’en ayant l’esprit clair, et avec des mots clairs… C’est une guerre qu’il faut mener avec les armes de l’esprit, en étant intelligents. Lorsque nous commençons à confondre blasphème et racisme et à tolérer l’incitation à la haine – comme l’antisémitisme – au nom de la liberté d’expression, nous devenons faibles, nous nous transformons en cibles et nous devenons stupides, et nous devenons les alliés du terrorisme par lâcheté. »
http://www.memri.fr/2015/06/10/intervention-de-caroline-fourest-au-capitole-les-freres-musulmans-sont-un-danger-pour-leurope-en-les-aidant-nous-trahissons-les-musulmans-laiques/
© Gaïa pour www.Dreuz.info
Demander a Chalgoumi de parler de lutte contre l’antisemitisme c’est comme demander a Juppe de parler d’honnete. Et demander a Fourest de parler de lutte contre l’antisemitisme c’est comme demander a l’autrichien moustachu de parler de paix.
Moui, pas sûr que Fourest soit la personne à mettre en avant, d’autres sont au moins aussi qualifiés qu’elle pour parler d’antisémitisme, et surtout moins marqués à l’extrême-gauche laïcarde, blasphémophile et pro-mariage homo.