Couillard et la question identitaire
Les indépendantistes ont perdu beaucoup de terrain depuis 1995 mais il se pourrait bien que malgré lui, le premier ministre actuel du Québec, le très fédéraliste Philippe Couillard, soit en train d’orchestrer la résurgence de l’indépendantisme au Québec.
[quote]Sur le papier, l’ouverture du Québec à tout vent, c’est bien joli, c’est généreux et humaniste, mais …[/quote]
Je l’ai souvent souligné dans les pages de Dreuz (voir mes articles du 15 février ou du 8 mars 2015), Philippe Couillard et ses Libéraux s’affichent volontiers comme des «multiculturalistes» prônant l’ouverture du Québec à tout vent, l’inclusivité ainsi que la tolérance des cultures et des religions diverses des nouveaux arrivants.
Sur le papier c’est bien joli, c’est généreux et humaniste en diable, mais en réalité cela empêche les Libéraux de défendre énergiquement la laïcité et l’idée que ce sont les immigrants qui doivent s’adapter au Québec et non pas l’inverse. Or la question de la laïcité fait consensus au Québec.
Nonobstant les défaites référendaires et électorales du PQ, la question identitaire, portée par les indépendantistes, a toujours été au coeur du nationalisme québécois.
Le fait français et l’identité culturelle sont des vaches sacrées auxquelles on ne touche qu’à ses risques et périls.
Or, fort de sa majorité à l’Assemblée nationale, le premier ministre Couillard a annoncé récemment plusieurs projets de loi :
[unordered_list style= »tick »]
- un projet de loi sur le respect de la neutralité religieuse de l’État (qui , Ô surprise, autorise le tchador) ;
- un autre qui entend lutter contre la radicalisation en interdisant les discours haineux ou les incitations à la violence;
- et un autre pour hausser le seuil de l’immigration au Québec.
[/unordered_list]
Le projet de loi sur l’immigration sera présenté l’automne prochain et visera à augmenter le seuil de l’immigration au Québec, ce qui serait, d’après M. Couillard, nécessaire à cause du vieillissement de la population québécoise et son faible taux de natalité.
Manque de pot, cet argument ne tient pas la route.
Il n’est pas vrai que le Québec a besoin de plus d’immigrants
Comme le souligne Régys Caron dans Le Journal de Montréal du 18 juin citant une étude des chercheurs universitaires Brahim Boudarbat et Gilles Grenier intitulée : L’impact de l’immigration sur la dynamique économique du Québec, il n’est pas vrai que le Québec ait besoin de plus d’immigrants.
Selon cette étude, des 50 000 immigrants qui entrent au Québec chaque année :
[unordered_list style= »green-dot »]
- 86 % s’établissent dans la région de Montréal ;
- Leur taux de chômage oscille entre 18 % et 22 % comparativement à un taux de chômage global de 7,5 % ;
- 42 % des nouvelles demandes à l’aide sociale proviennent d’eux ;
- Ils comptent pour 24,7 % des prestataires de l’aide sociale ;
- L’Afrique du Nord et le Moyen-Orient sont leurs principaux pays d’origine ;
- Les qualités recherchées chez eux comme la maîtrise du français – sont surtout présentes chez ceux qui ont tendance à rester au chômage.
[/unordered_list]
Dans leur livre paru en 2011 et intitulé Le Remède Imaginaire*, le politologue Benoît Dubreuil et le démographe Guillaume Marois démontaient le mythe selon lequel l’immigration serait un outil efficace pour mitiger les effets négatifs du vieillissement de la population.
Selon eux: «les études des démographes au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans d’autres pays européens montrent sans l’ombre d’un doute que l’immigration n’a qu’un impact marginal sur la structure par âge de la population de la société d’accueil. En outre, on a depuis longtemps constaté que les difficultés d’intégration économique des immigrants compromettent sérieusement la possibilité que l’immigration ait une incidence favorable sur les finances publiques.»
Autrement dit, le Québec n’a aucunement besoin d’une immigration massive ni du point de vue démographique, ni du point de vue économique.
Comme Philippe Couillard prétend néanmoins qu’elle est nécessaire et souhaite inciter les nouveaux arrivants à s’installer en région, il n’en faut pas plus pour que certains tels que le chroniqueur du Journal de Montréal, Mathieu Bock Côté, y voient une tentative du gouvernement Couillard de chercher à augmenter le vote libéral en région.
En effet, il est clair que dans toutes les circonscriptions montréalaises où les immigrants sont nombreux, le vote se porte majoritairement vers les Libéraux. L’impression que le premier ministre veut étendre cette situation au reste de la province n’est donc pas nécessairement une vue de l’esprit.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’idée d’augmenter l’immigration de francophones originaires du Maghreb et du Moyen Orient tout en conservant une vision multiculturelle, inclusive et «tolérante» ne va pas sourire aux Québécois qui lassés des vélléités référendaires des séparatistes du Parti québécois (PQ) ont appuyé majoritairement le Parti libéral du Québec (PLQ ) lors des élections provinciales de 2014.
Cette majorité pourrait bien fondre comme neige au soleil si Philippe Couillard s’obstine à ignorer l’importance et la persistence du sentiment nationaliste et de la question identitaire au Québec.
En dépit des faibles appuis à l’indépendance enregistrée dans les sondages les plus récents, le premier ministre Couillard s’apprête à faciliter le travail du nouveau chef du PQ, Pierre-Karl Péladeau, qui va avoir beaucoup moins de mal à convaincre les Québécois que la protection de leur identité nationale passe par l’indépendance du Québec.
Ce sera un effet pervers de l’angélisme multiculturaliste et inclusif du gouvernement Couillard: la réanimation de la tentation indépendantiste.
Le décès de Jacques Parizeau est arrivé à temps pour rappeler aux Québécois qu’ils ont voté dans le passé pour des leaders visionnaires qui souhaitaient rendre le Québec indépendant du Canada anglais pour protéger leur langue et leur culture.
Reste à savoir si les Québécois ont changé au point d’accepter un suicide identitaire.
Le «suicide français» deviendra t-il un suicide québécois?
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Magali Marc pour Dreuz.info.
* En achetant le livre avec ce lien, vous soutenez Dreuz qui reçoit une commission de 5%. Cette information est fournie suivant la recommandation 16 CFR § 255.5 de la Federal Trade Commission.
Le jour ou les Québécois comprenderont q’un référendum n’est pas un vote, mais la confirmation d’une indépendance largement partagée par un peuple qui le démontrera en sortant dans les rues des villes et villages pour signer un registre pré électorale. Alors ce référendum ne sera que la signature de cette longue marche vers cette indépendance dans l’inter dépendance canadienne car celui-ci n’aura pas disparu…