[dropcap]G[/dropcap]uy Millière – Ce qui se dessine en Grèce est un glissement tragique qui ressemble à ce qui a pu se passer dans d’autres pays du monde, l’Argentine, par exemple, mais n’est jamais survenu en Europe.
Le glissement tragique a, en réalité, commencé il y a plusieurs années. Il concerne la Grèce elle-même. Il concerne aussi la zone euro et, au delà, le système financier planétaire., voire davantage.
L’économie grecque n’a jamais été une économie très productive. Elle repose très largement sur le tourisme, produit peu de biens manufacturés : les services représentent les trois quarts du produit intérieur brut. Ces chiffres incluent, outre le tourisme, une fonction publique depuis longtemps pléthoriques. Les armateurs et le clergé ne paient pas d’impôts, mas ce n’est pas nouveau. Les activités réalisées « au noir » représentent, selon les estimations les plus fiables, un quart des activités. La Grèce a survécu dans ces conditions pendant des décennies.
Quand la situation se détériorait, la monnaie était dévaluée.
L’entrée de la Grèce dans l’Europe de Bruxelles, puis dans la zone euro a changé une variable d’ajustement cruciale : la Grèce n’a plus pu dévaluer sa monnaie.
Ce qui posait problème d’emblée (la Grèce est entrée dans l’Europe de Bruxelles, puis dans la zone euro avec des chiffres maquillés cachant la réalité) n’a cessé ensuite de s’aggraver : faute de pouvoir dévaluer, la Grèce s’est endettée pour combler des déficits croissants. Cette aggravation s’est faite avec la complicité du reste de l’Europe, qui a tout fait pour que la Grèce reste dans la zone euro, et qui ne voulait pas qu’un pays quitte l’euro : le reste de l’Europe a même prêté davantage à la Grèce aux fins que la population se dise que l’Europe lui permettait une hausse de niveau de vie, sans gains de productivité.
Quand la Grèce s’est trouvée dans une situation proche de la banqueroute (ce qui était fatal), le reste de l’Europe a voulu, dans la panique, que la Grèce s’adapte, à marche forcée, ce qui, faute de dévaluation de la monnaie et faute de gains de productivité, passait par la baisse des salaires et des pensions, des coupes dans la fonction publique et dans les dépenses de l’Etat.
Le résultat a été qu’après une hausse de niveau de vie artificielle, la Grèce a plongé vers une baisse drastique de niveau de vie, vers un chômage très élevé, une multiplication des pauvres.
Le désespoir résultant a fait monter en puissance des partis extrêmes : l’un d’eux est au pouvoir, puisque Tsipras incarne des idées qui sont proches de celles d’un Mélenchon en France.
• Tsipras a dépensé de l’argent qu’il n’avait pas et a accru l’endettement du pays.
• Il a réembauché des fonctionnaires.
• Il a mené le pays vers un défaut de paiement qui devrait conduire le pays vers une sortie de la zone euro.
• Il a pensé que le reste de l’Europe ferait tout pour que cette sortie ne se produise pas, verserait des milliards d’euros à cette fin, renoncerait à l’adaptation à marche forcée plutôt que voir la proximité de la banqueroute se transformer en banqueroute effective : il s’est trompé.
Sauf revirement de dernière minute, la banqueroute effective sera là mardi.
[quote style= »boxed » float= »left »]La population grecque, qui ne comprend pas, pour sa grande majorité, ce que je viens d’expliquer (ce qui explique qu’elle ait voté Tsipras), réagira d’une manière que nul ne peut prévoir[/quote]
Ce qui va suivre va être vraisemblablement une chute supplémentaire et forte du niveau de vie en Grèce, une explosion du chômage et de la pauvreté. La Grèce devra (sauf revirement de dernière minute) se doter d’une monnaie autre que l’euro, et ce sera une monnaie très dévaluée. La population grecque, qui ne comprend pas, pour sa grande majorité, ce que je viens d’expliquer (ce qui explique qu’elle ait voté Tsipras), réagira d’une manière que nul ne peut prévoir.
La zone euro sera touchée : de fait, la Grèce ne remboursera pas ses dettes, et les autres pays de la zone euro devront se confronter aux pertes financières impliquées. L’euro pourrait être affaibli. D’autres pays ne seront pas tentés de suivre le contre exemple grec : même si certains d’entre eux souffrent de ne pouvoir dévaluer alors que leurs gains de productivité sont plus faibles que ceux de l’Europe du Nord, aucun d’eux ne semble tenté par la banqueroute effective.
Le FMI est touché aussi : le FMI, qui intervient en général pour redresser les comptes des pays au bord de la banqueroute, a lui-même prêté beaucoup à la Grèce, parce que ses dirigeants eux-mêmes voulaient que la Grèce reste dans la zone euro, et va se trouver confronté à des pertes immenses. La tradition non écrite, qui veut qu’un Européen soit à la tête du FMI, pourrait se trouver contestée. Ce sera la perte financière la plus importante de l’histoire du FMI depuis sa création.
D’autres conséquences pourraient suivre : Tsipras s’est beaucoup rapproché de la Russie et de la Chine, qui est désormais propriétaire du port du Pirée, et aurait les moyens de racheter le pays entier s’il était à vendre.
La Grèce (sauf revirement de dernière minute) va sauter dans l’inconnu.
Les gens du reste de l’Europe qui voudraient passer l’été en Grèce ont intérêt à se munir d’argent liquide, à se mettre au troc, et à avoir un goût immodéré pour les turbulences.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour Dreuz.info.
« Tsipras s’est beaucoup rapproché de la Russie et de la Chine, qui est désormais propriétaire du port du Pirée, et aurait les moyens de racheter le pays entier s’il était à vendre. » Mais pourquoi la Chine a-t-elle investi dans le port du Pirée ? Parce que c’était la porte d’entrée de leurs produits en Europe. La Grèce hors de l’euro aurait nettement moins d’intérêt et hors de l’UE, plus aucun. Ceci dit, il faut aller en Grèce. A moins que vous ne préfériez la Tunisie ou le Maroc (les islamistes ne devraient pas tarder à y faire parler d’eux)
Que les Grecs, qui ont porté au pouvoir des démagogues irresponsables, aillent dans le gouffre, à la limite c’est leur affaire.
Mais que nous Français, Européens en général, payions pour eux depuis des années et des années, par la faute de dirigeants français et européens idéalistes, naïfs et/ou corrompus, voilà ce qui est inacceptable.
Cette Europe est une énorme arnaque, et ce qui était censé conduire le continent à la paix risque fort de le conduire à nouveau à la guerre : guerres civiles, guerres interreligieuses, interethniques… sans compter bien sûr l’effondrement économique qui va avec. On en voit déjà les prémices dans notre pays.
Jacques,
En meme temps (allez, je me fais l’avocat du diable), toute la classe politique est corrompue en Grece. Les grecs n’avait pas vraiment le choix… C’est une societe differente, dans laquelle ele travail au noir et le travail « pour soi » sont tres repandus. Ceux qui sont responsables sont:
– Ceux qui les ont fait entrer dans l’UE
– Ceux qui y ont trouve du profit (financier ou autre)
Bonjour,
Plusieurs elements complementaires:
1) La Grece a utilise les services de Goldman Sachs non seulement pour maquiller ses comptes avant son entree dans l’UE (ce qui fait que cette banque est complice), mais aussi afin de gerer sa dette, ces dernieres annees. Il serait interessant de pousser l’analyse de et d’etudier l’action de Goldman Sachs dans toute cette histoire.
2) Tsipras a fait pire: il a regularise tous les clandestins et a ouvert grand les portes de la Grece a l’immigration. Des vagues de clandestins se sont deversees dans les Balkans, et la Hongrie est obligee de prendre des mesures concretes pour luter contre ces nouveaux flux.
3) De toute maniere, credit ou pas, restructuration ou pas, Tsipras ou pas, la Grece n’aurait JAMAIS rembourse ses dettes. Il est donc bien qu’on laisse tomber. Plus 1 euro pour la Grece!
4) Le signal envoye au reste de l’Europe est fort. J’ecoutais recemment a la radio polonaise un « expert » expliquer que si la Pologne avait integre la zone euro, comme le gouvernement liberal l’avait souhaite sans reussir a le faire (encore heureux), elle aurait ete une seconde Grece aujourd’hui. Les pays de l’UE qui n’ont pas encore l’euro ne sont donc pas tentes de l’avoir maintenant. Et parmi ceux qui l’ont, combien voudront en sortir (Italie, Portugal, Espagne…) ?
5) Si la Grece sort, il faudra attentivement observer les resultats electoraux en Europe du sud. Notamment en Espagne avec le parti d’extreme gauche Podemos. S’il accede au pouvoir et applique la meme politique que Tsipras, l’Espagne sera envahie a nouveau par les musulmans, comme au VIIIeme siecle.
6) Bref, la Grece n’aurait jamais du entrer dans l’UE. Que cela serve de lecon a ceux qui voudrait etandre l’Union aux pays des Balkans et a l’Ukraine.
Merci pour cet article Monsieur MILLIERE que je trouve très clair et direct, donc sans ambiguïté.
Par contre je ne suis pas d’accord lorsque vous dites :…….. » • Il a pensé que le reste de l’Europe ferait tout pour que cette sortie ne se produise pas, verserait des milliards d’euros à cette fin, renoncerait à l’adaptation à marche forcée plutôt que voir la proximité de la banqueroute se transformer en banqueroute effective : il s’est trompé. »
Car je pense que c’est l’Europe qui finira par fléchir face à Tsipras, même si Angela MERKEL est le dernier des remparts contre la décadence.
Votre article a été repris sur le site BusinessBourse.com
http://www.businessbourse.com/2015/07/01/la-grece-glissement-tragique/