Publié par Guy Millière le 29 juin 2015

unnamed

[dropcap]G[/dropcap]uy Millière – Ce qui se dessine en Grèce est un glissement tragique qui ressemble à ce qui a pu se passer dans d’autres pays du monde, l’Argentine, par exemple, mais n’est jamais survenu en Europe.

Le glissement tragique a, en réalité, commencé il y a plusieurs années. Il concerne la Grèce elle-même. Il concerne aussi la zone euro et, au delà, le système financier planétaire., voire davantage.

L’économie grecque n’a jamais été une économie très productive. Elle repose très largement sur le tourisme, produit peu de biens manufacturés : les services représentent les trois quarts du produit intérieur brut. Ces chiffres incluent, outre le tourisme, une fonction publique depuis longtemps pléthoriques. Les armateurs et le clergé ne paient pas d’impôts, mas ce n’est pas nouveau. Les activités réalisées « au noir » représentent, selon les estimations les plus fiables, un quart des activités. La Grèce a survécu dans ces conditions pendant des décennies.

Quand la situation se détériorait, la monnaie était dévaluée.

L’entrée de la Grèce dans l’Europe de Bruxelles, puis dans la zone euro a changé une variable d’ajustement cruciale : la Grèce n’a plus pu dévaluer sa monnaie.

Ce qui posait problème d’emblée (la Grèce est entrée dans l’Europe de Bruxelles, puis dans la zone euro avec des chiffres maquillés cachant la réalité) n’a cessé ensuite de s’aggraver : faute de pouvoir dévaluer, la Grèce s’est endettée pour combler des déficits croissants. Cette aggravation s’est faite avec la complicité du reste de l’Europe, qui a tout fait pour que la Grèce reste dans la zone euro, et qui ne voulait pas qu’un pays quitte l’euro : le reste de l’Europe a même prêté davantage à la Grèce aux fins que la population se dise que l’Europe lui permettait une hausse de niveau de vie, sans gains de productivité.

Quand la Grèce s’est trouvée dans une situation proche de la banqueroute (ce qui était fatal), le reste de l’Europe a voulu, dans la panique, que la Grèce s’adapte, à marche forcée, ce qui, faute de dévaluation de la monnaie et faute de gains de productivité, passait par la baisse des salaires et des pensions, des coupes dans la fonction publique et dans les dépenses de l’Etat.

Le résultat a été qu’après une hausse de niveau de vie artificielle, la Grèce a plongé vers une baisse drastique de niveau de vie, vers un chômage très élevé, une multiplication des pauvres.

Cet article vous a intéressé ? Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir les nouveaux articles de Dreuz, une fois par jour en fin d’après-midi.

Le désespoir résultant a fait monter en puissance des partis extrêmes : l’un d’eux est au pouvoir, puisque Tsipras incarne des idées qui sont proches de celles d’un Mélenchon en France.

• Tsipras a dépensé de l’argent qu’il n’avait pas et a accru l’endettement du pays.

• Il a réembauché des fonctionnaires.

• Il a mené le pays vers un défaut de paiement qui devrait conduire le pays vers une sortie de la zone euro.

• Il a pensé que le reste de l’Europe ferait tout pour que cette sortie ne se produise pas, verserait des milliards d’euros à cette fin, renoncerait à l’adaptation à marche forcée plutôt que voir la proximité de la banqueroute se transformer en banqueroute effective : il s’est trompé.

Sauf revirement de dernière minute, la banqueroute effective sera là mardi.

[quote style= »boxed » float= »left »]La population grecque, qui ne comprend pas, pour sa grande majorité, ce que je viens d’expliquer (ce qui explique qu’elle ait voté Tsipras), réagira d’une manière que nul ne peut prévoir[/quote]

Ce qui va suivre va être vraisemblablement une chute supplémentaire et forte du niveau de vie en Grèce, une explosion du chômage et de la pauvreté. La Grèce devra (sauf revirement de dernière minute) se doter d’une monnaie autre que l’euro, et ce sera une monnaie très dévaluée. La population grecque, qui ne comprend pas, pour sa grande majorité, ce que je viens d’expliquer (ce qui explique qu’elle ait voté Tsipras), réagira d’une manière que nul ne peut prévoir.

La zone euro sera touchée : de fait, la Grèce ne remboursera pas ses dettes, et les autres pays de la zone euro devront se confronter aux pertes financières impliquées. L’euro pourrait être affaibli. D’autres pays ne seront pas tentés de suivre le contre exemple grec : même si certains d’entre eux souffrent de ne pouvoir dévaluer alors que leurs gains de productivité sont plus faibles que ceux de l’Europe du Nord, aucun d’eux ne semble tenté par la banqueroute effective.

Le FMI est touché aussi : le FMI, qui intervient en général pour redresser les comptes des pays au bord de la banqueroute, a lui-même prêté beaucoup à la Grèce, parce que ses dirigeants eux-mêmes voulaient que la Grèce reste dans la zone euro, et va se trouver confronté à des pertes immenses. La tradition non écrite, qui veut qu’un Européen soit à la tête du FMI, pourrait se trouver contestée. Ce sera la perte financière la plus importante de l’histoire du FMI depuis sa création.

D’autres conséquences pourraient suivre : Tsipras s’est beaucoup rapproché de la Russie et de la Chine, qui est désormais propriétaire du port du Pirée, et aurait les moyens de racheter le pays entier s’il était à vendre.

La Grèce (sauf revirement de dernière minute) va sauter dans l’inconnu.

Les gens du reste de l’Europe qui voudraient passer l’été en Grèce ont intérêt à se munir d’argent liquide, à se mettre au troc, et à avoir un goût immodéré pour les turbulences.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour Dreuz.info.

Inscrivez-vous gratuitement pour recevoir chaque jour notre newsletter dans votre boîte de réception

Si vous êtes chez Orange, Wanadoo, Free etc, ils bloquent notre newsletter. Prenez un compte chez Protonmail, qui protège votre anonymat

Dreuz ne spam pas ! Votre adresse email n'est ni vendue, louée ou confiée à quiconque. L'inscription est gratuite et ouverte à tous