Depuis des années, Sammy Ghozlan, ancien commissaire de police, s’est donné pour mission de protéger la population juive de France. Mais confronté aux émeutes de l’été dernier (croix gammées au centre de Paris, slogans du type « Hitler avait raison » et attaques contre des synagogues), puis aux massacres dans les bureaux de Charlie Hebdo et dans un supermarché casher, Ghozlan a rejoint les milliers de juifs français en partance pour Israël. Marie Brenner (traduit de l’anglais par Emmanuelle Beaulieu).
« Comment peut-on laisser quelqu’un peindre une croix gammée sur la statue de Marianne, déesse de la liberté française, au centre même de la place de la République ? »
Voici la réflexion que se faisait le PDG d’une des marques de luxe les plus célèbres en juillet dernier, alors qu’un homme de grande taille, en chemise noire et keffieh, se hissa sur le piédestal de la statue de Marianne et y inscrivit une croix gammée au marqueur. Tout autour de lui, des milliers de manifestants en colère affluaient sur la place, munis de roquettes factices, brandissant des drapeaux palestiniens ou du Hamas, voire la bannière noire et blanche de Daesh. Ici, à deux kilomètres à peine des Galeries Lafayette, le cœur du Paris bourgeois, les slogans : « MORT AUX JUIFS ! MORT AUX JUIFS ! » C’était le samedi 26 juillet 2014, et une manifestation pro-palestinienne virait en journée de terreur dans l’un des quartiers les plus à la mode de la ville.
« Faites quelque chose ! Vous ne voyez pas ce qui se passe? » s’exclama le PDG à l’attention de policiers en faction sous les yeux desquels la manifestation tournait à la frénésie. « Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse ? » répliqua l’un des policiers, puis détourna la tête. Depuis des années, le PDG, militant anti-raciste de longue date, se rend aux rassemblements de ce type pour voir quelles personnalités politiques et groupes d’extrémistes sont présents. (Pour des raisons de sécurité personnelle, le PDG en question a demandé à ne pas être identifié dans cet article). En France, les manifestations constantes forment l’un des piliers de la République, un droit sacré lié au legs de Voltaire. Mais les discours haineux constituent un délit – on peut exprimer son opinion, sauf si celle-ci constitue une injure à raison de la race, de la religion ou du sexe. La manifestation – contre la politique d’Israël à Gaza – avait été interdite par le gouvernement qui craignait l’explosion de violences, suite à plusieurs embrasements au fil des semaines précédentes. Mais si la police intervenait trop rapidement, les émeutes risquaient de se poursuivre tout l’été – banlieues en flammes, foules déchainées au cœur de Paris.
Des photographies et des vidéos de la croix gammée et de son auteur, des protestataires entonnant « Mort aux juifs » et des drapeaux palestiniens, du Hamas ou de Daesh furent rapidement envoyées à plusieurs groupes de la communauté juive chargés d’évaluer les menaces. En début d’après-midi, certaines de ces images avaient été transmises à Sammy Ghozlan, ancien commissaire de police âgé de 72 ans qui a passé sa carrière à travailler dans les quartiers populaires et multiculturels autour de Paris.
Ghozlan est un héros mythique des banlieues, affublé d’un surnom inoubliable : le « poulet » casher. […]
Depuis quinze ans, il supervise le Bureau National de Vigilance Contre l’Antisémitisme – connu sous son acronyme, B.N.V.C.A. –, un forum destiné à la communauté juive dont il est le fondateur et qu’il finance à l’aide de sa retraite de policier et de quelques donations. Son objectif est, ni plus ni moins, la protection des juifs de France.
L’année passée, les fréquents communiqués de Ghozlan – décrivant des attaques dans des parcs ou des écoles, des synagogues incendiées, des agressions dans le métro – ont saturé les boîtes de réception de journalistes du Monde, du Figaro et du Parisien, ainsi que de milliers de juifs de banlieue. Parfois au rythme de deux par jour, les bulletins d’information de Ghozlan paraissent confirmés par des chiffres solides : selon un groupe de vigilance, le Service de Protection de la Communauté Juive, ou S.P.C.J., qui publie des statistiques établies par le Ministère de l’intérieur français, 851 incidents antisémites ont été enregistrés en France en 2014, plus du double par rapport à l’année précédente. Ghozlan et ses 19 bénévoles sont sur la ligne de front dans les quartiers les plus sensibles, travaillant à rassembler des documents, à chercher des confirmations, à mobiliser la presse, la police ou la justice pour qu’elles agissent. L’augmentation et le flot d’alertes lancé par Ghozlan ont été tels au cours de l’année dernière que ses efforts courent continuellement le risque d’être considérés comme une nuisance supplémentaire.
Tout juste deux semaines avant la manifestation du 26 juillet, les textes et messages de Ghozlan se firent incessants. À la veille du 14 juillet, le dimanche 13, il pista les centaines de protestataires qui déferlèrent dans le Marais, le quartier juif historique de Paris. Après un bref arrêt dans une synagogue vide de la rue des Tournelles, près de la Place des Vosges, ils se précipitèrent, munis apparemment de barres de fer, de haches et de drapeaux, en direction de la rue de la Roquette, une rue bordée de cafés et de boutiques située à quelques pâtés de maison de l’appartement du Premier ministre, Manuel Valls. Leur objectif était la synagogue Don Isaac Abravanel. A l’intérieur, les 200 fidèles – dont le Grand Rabbin de Paris – entendirent les hurlements de la foule, estimée à 300 personnes : « Hitler avait raison ! » « Juifs, hors de France ! » Audrey Zenouda, une policière qui se trouvait être à l’intérieur de la synagogue, appela son père, officier de police à la retraite qui travaille avec Ghozlan au B.N.V.C.A. « Fais quelque chose. Nous sommes terrorisés. »
« Je savais que si quelqu’un pouvait obtenir l’intervention des forces de l’ordre, ce serait Sammy et le B.N.V.C.A. », me dit Zenouda plus tard. Seuls six officiers de police étaient de service pour maintenir l’ordre ce jour-là. « On attend l’arrivée des C.R.S. », indiqua-t-on à une journaliste sur place. Au bout d’une heure, une brigade de l’anti-terrorisme délivra le Grand Rabbin, mais les autres fidèles restèrent enfermés derrière les portes de la synagogue, barricadées de l’intérieur à l’aide de chaises et de tables. A l’extérieur, des membres du service de sécurité et une dizaine de membres auto-formés appartenant à la Ligue de Défense Juive commencèrent à pourchasser les manifestants à l’aide de tables et de chaises prises aux terrasses des cafés alentour, une petite unité des forces de l’ordre leur prêtant main forte.
Ensemble, il leur fallut trois heures pour disperser les protestataires et évacuer les fidèles sains et saufs de la synagogue.
Presque aussitôt, les comptes-rendus de la manifestation du 13 juillet allaient faire l’objet de contestations et de débats. Les chiffres furent analysés avec scepticisme (étaient-ils vraiment aussi nombreux ?) et des interrogations furent soulevées sur les actes qui auraient pu provoquer une telle violence – comme si circuler dans le centre de Paris munis de barres de fer et de haches avait quoi que ce fût de normal. Dans certains milieux, on accusa même les juifs « de l’avoir cherché », comme d’habitude.
Dans le rassemblement – et les nombreux autres qui allaient suivre et transformer l’été 2014 en un été de haine à Paris – se trouvaient des représentants des partis politiques français, de gauche comme de droite. On estime la population musulmane de France aux environs de 5 millions, une force électorale non négligeable dans un pays de 66 millions d’habitants. (Le nombre de juifs français tourne autour de 500 000). Directeur des relations internationales du centre Simon Wiesenthal à Paris, Shimon Samuels (qui combat l’antisémitisme, le négationnisme et l’extrémisme et qui, à travers une fondation, aide à financer le forum de Ghozlan) assista à certains des événements du 13 juillet. Parmi les manifestants, il reconnut dans la foule un concierge du quartier, un employé de banque, ainsi que des membres du gouvernement socialiste actuel.
En visionnant les images après les faits, Ghozlan fut écœuré de reconnaître le visage de plusieurs alliés politiques avec lesquels il avait collaboré pendant des décennies, essentiellement dans le Neuf Trois, la banlieue nord de Paris sur laquelle il régnait autrefois en tant que commissaire de police. Le Neuf Trois est le nom hip-hop du département, qui a l’honneur de figurer, d’après sa réputation en tout cas, parmi les quartiers les plus violents de France. (Le nom vient des codes postaux de cette zone, qui commencent tous par « 93 »). C’est également le département où Ghozlan a habité pendant 30 ans, dans une grande maison entourée de haies sur l’avenue Henri Barbusse, dans la commune relativement paisible du Blanc-Mesnil.
Pour Ghozlan, juillet 2014 constitua le point critique, après des années d’intensification des violences antisémites : « Il n’y a pas eu de débat dans notre famille. Nous en avions tous conscience – il était temps de partir. Partir vaut mieux que s’enfuir », me dit Ghozlan. Il finirait par considérer les émeutes de l’été comme les événements précurseurs des catastrophes qui allaient se dérouler six mois après avec les attentats terroristes dans les bureaux de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, à 800 mètres de la Place de la République, le 7 janvier 2015, puis, deux jours plus tard, à l’Hyper Cacher, une épicerie juive près de la Porte de Vincennes, dans l’est parisien.
À ce moment-là, la petite annonce de Ghozlan – une petite annonce que tous ceux qui le connaissent n’auraient jamais pensé possible – avait déjà été publiée : « Loue une maison, 4 chambres, 2 salles de bain, une terrasse, un jardin de 50m2 ». Deux jours avant l’attentat contre Charlie Hebdo, Sammy annonça ce qui, pour nombre de personnes, dont moi, était impensable : Sammy Ghozlan, un homme fier d’être français et le doyen des combattants contre les crimes antisémites à Paris, avait rejoint les milliers de juifs français en partance pour Israël.
LE COLUMBO SÉPHARADE
Il y a plus de dix ans, je passai des semaines avec Ghozlan, à l’apogée de la deuxième Intifada, le soulèvement palestinien contre l’occupation israélienne qui avait débuté en septembre 2000 et dura plus de quatre années. Ghozlan avait récemment lancé le forum du B.N.V.C.A. et travaillait à partir d’une pièce encombrée au fond d’une synagogue du Pré-Saint-Gervais. Quand je le rencontrai pour la première fois, à l’automne 2002, Ghozlan portait un grand classeur en plastique blanc débordant de comptes-rendus d’une page rédigés sur la base de coups de téléphone qu’il avait reçus d’informateurs.
Ce classeur contenait plus de 300 comptes-rendus : cocktails Molotov lancés sur des écoles juives, élèves traités de « sale juif », incendies, profanations, une femme juive battue dans un taxi. Les agressions contre les juifs de France n’avaient pas encore attiré l’attention de la presse internationale, et presque personne ne prenait Ghozlan au sérieux.
Aujourd’hui, 12 ans plus tard, le classeur de Ghozlan est l’un des 50 qui remplissent les étagères de son bureau dans le centre de Paris. Je l’ai revu au printemps dernier, quand il était de retour en ville, après une opération d’un des tendons de la jambe. Le B.N.V.C.A. continuait de fonctionner, avec Ghozlan aux manettes depuis Netanya, une ville balnéaire non loin de Tel-Aviv, où près de 2 000 juifs français ont immigré en 2014, et où Ghozlan a emménagé en décembre dernier, revenant à Paris toutes les six semaines environ.
Ghozlan ressemble à une version décatie d’Yves Montand, et la décennie qui s’était écoulée depuis notre dernière rencontre n’avait fait qu’accroître cette impression. Pour le reste, pas grand-chose n’avait changé. Il porte toujours son élégant veston et une chemise ouverte suggestive de son Afrique du nord natale. (Il est originaire d’Algérie.) Pendu en permanence au téléphone, comme avant, il donne des directives pour mener l’enquête sur des allégations d’antisémitisme, envoie des avocats bénévoles devant les tribunaux pour essayer d’empêcher des protestataires anti-israéliens de dévaliser les produits casher et israéliens des rayons dans les supermarchés. Il est également engagé dans une bataille juridique de longue date contre le comédien antisémite et négationniste Dieudonné M’bala M’bala, récemment condamné par le Tribunal correctionnel de Paris pour apologie d’actes de terrorisme. « Cette affaire m’obsède », me dit Ghozlan. « Je le poursuis depuis 10 ans ». Sur son iPhone, il me montre des dizaines de photos des fans de Dieudonné devant le magasin Hyper Cacher, après la sanglante prise d’otages du 9 janvier, faisant le signe de la « quenelle », un geste semble-t-il dérivé du salut Nazi, inventé et popularisé par Dieudonné.
Deux mois s’étaient écoulés depuis l’attaque, et Ghozlan voulait absolument essayer de comprendre ce qui s’était passé à l’intérieur de l’Hyper Casher, où un terroriste de 32 ans, du nom d’Amedy Coulibaly, qui avait grandi avec ses parents maliens dans une banlieue de Paris, avait abattu quatre personnes dans un quartier tranquille et bourgeois près de la Porte de Vincennes. Il avait attaché une caméra vidéo GoPro sur son torse pour filmer le massacre. Il aurait déclaré à ses otages : « Je m’appelle Amedy Coulibaly, je suis malien et musulman. J’appartiens à l’Etat islamique ». Une fois l’assaut terminé, quatre juifs français étaient morts, dont un jeune homme qui avait empoigné une arme que Coulibaly avait posée sur un comptoir parce qu’elle s’était enrayée. La veille, Coulibaly avait tué une policière en train d’établir un constat sur un accident de la circulation à Montrouge.
Quand les médias annoncèrent la fusillade de Montrouge, Ghozlan suivait la situation de Netanya. Il eut un instinct et contacta un ami proche d’une autre organisation juive qui habitait à proximité. « Cette attaque ce matin à Montrouge, lui écrivit-il, est-ce que tu peux vérifier si c’était près de l’école [juive] » ? La réponse arriva : « Tu as raison. L’école n’est pas loin. Des rumeurs circulent, mais tu te trompes. Nous y sommes, et l’école n’est pas visée. » Des comptes-rendus indiquèrent plus tard qu’une école juive à Montrouge aurait pu être en réalité la cible originelle de Coulibaly. A Netanya, Ghozlan n’avait toujours pas déballé ses meubles qu’il s’organisait déjà pour retourner à Paris.
Lire la suite ici : http://www.vanityfair.com/news/2015/07/paris-en-flammes
© Gaïa pour www.Dreuz.info
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Il faut arréter l’antisémitisme par tous les moyens
Un scalpe de plus !
http://theinglouriousbasterds.com/la-brigade-juive-et-les-basterds-vous-presentent-samy-ghernouti-membre-du-bds-antisemite/
entendu sur bfmtv, le lendemain (le 21/07/14) dans la bouche du trotskyste christophe bourseiller (de son vrai nom ginzburger):
« il faut dissoudre la ldj, vous vous rendez compte, c’est une ligue d’auto-défense »
la journaliste qui lui tenait le crachoir a simplement eu un sourire entendu
Sammy Ghozlan, respect et admiration à cet homme et à son combat. Le gouvernement francaoui devrait en faire un conseiller et virer les Boubakeur et autres propagateurs de la haine ismaèléfique.
Les fronçais, du moins ceux qu’il reste, devraient prendre exemple sur la LDJ et se préparer à ce qui les attend.
Les Juifs n’ont pas besoin des politiciens pour comprendre la situation de danger qui s’accentue (entre autre grâce (à cause) de l’extraordinaire apport mahométan) en France.
Perso il m’arrive souvent de penser que la racine du mal se cache dans l’égoïsme des nantis gaucho-bobo-bonobos, adepte du pouvoir qui cultivent leur misère mentale en s’encanaillant a
Sammy Ghozlan, respect et admiration à cet homme et à son combat. Le gouvernement francaoui devrait en faire un conseiller et virer les Boubakeur et autres propagateurs de la haine ismaèléfique.
Les fronçais, du moins ceux qu’il reste, devraient prendre exemple sur la LDJ et se préparer à ce qui les attend.
Les Juifs n’ont pas besoin des politiciens pour comprendre la situation de danger qui s’accentue (entre autre grâce (à cause) de l’extraordinaire apport mahométan) en France.
Perso il m’arrive souvent de penser que la racine du mal se cache dans l’absence d’autorité, le laisser aller, laisser faire des égoïstes, adeptes du pouvoir absolu.