Publié par Sidney Touati le 30 juillet 2023

Initialement publié le 15 décembre 2015 @ 15:03

Chaque fois que la France a été la cible d’attaques terroristes perpétrées par des musulmans, Monsieur Dalil Boubakeur, en qualité de représentant de l’Islam de France, nos gouvernants et grands médias, tiennent un discours dont le stéréotype se réduit à la phrase suivante : ces gens-là –les terroristes islamistes- n’ont rien à voir avec l’Islam.

L’Islam est, nous répète-t-on en boucle, une religion d’amour, de paix et de tolérance. Elle ne saurait prôner de tels crimes.

Avec ces jugements, monsieur le Recteur de la mosquée de Paris affirme de manière péremptoire être l’unique détenteur de la vérité de l’Islam.

A l’écouter, ceux qui ont une autre conception de l’Islam, ceux qui par exemple prônent le djihad et les actions violentes, (ils sont légion) ne seraient pas des musulmans.

Que disent les musulmans extrémistes, ostracisés par Monsieur Boubakeur ? Exactement la même chose à savoir, les musulmans modérés sont des traitres et des apostats ; ils ne sont pas des musulmans.

Deux attitudes intolérantes

Nous avons ici deux attitudes symétriquement opposées, mais au fond identiques en ce qu’elles délégitiment la parole de l’autre et aboutissent in fine, à la négation de l’identité de l’autre. On n’examine pas sérieusement les arguments de l’autre. On les délégitime.

Tout se passe comme si, extrémistes et modérés, ne prenaient en compte qu’une parcelle de l’Islam qu’ils érigent en vérité absolue. S’étant auto-proclamés détenteurs de la vérité, ils jettent l’anathème sur tous ceux qui ne pensent pas comme eux.

Pour les terroristes musulmans, l’Islam vrai est l’islam de guerre. Pour les musulmans dits “modérés”, l’Islam authentique est l’islam d’amour et de paix.

Cette attitude de rejet et de fermeture, d’appropriation totalisante, n’est pas limitée à cet exemple. L’Islam, divisé en une multitude de courants, (on en compte douze principaux) ne possède aucune pratique du dialogue susceptible de permettre à cette diversité de communiquer et d’échanger.

Cette diversité qui devrait être richesse, se mue – en raison de cette intolérance – en source de discorde, voire de guerre fratricide. Le problème est sans solution, dès lors qu’il n’existe dans l’Islam aucune structure permettant à ces différents courants d’échanger, de communiquer, comme c’est le cas au sein de la chrétienneté avec l’institution du « laïcat ».

Dans le meilleur des cas, chacun des adeptes de l’un de ces douze courants ignore les autres. Dans le pire, une guerre fratricide s’instaure dont la plus connue est celle qui oppose chiites et sunnites.

Un Etat qui ne respecte pas la neutralité

Appartient-il au pouvoir des pays démocratiques qui comptent d’importantes minorités de musulmans, de prendre position pour l’un ou l’autre de ces courants et sous-courants… ?

La loi de 1905 portant séparation des Eglises et de l’Etat recommande une stricte neutralité. L’Etat et ses représentants n’ont pas à s’immiscer dans les affaires religieuses, encore moins à arbitrer des conflits théologiques.

Dans la réalité, il en est tout autrement. Les dirigeants politiques français ont très nettement pris position en faveur d’un courant particulier de l’Islam qu’ils ont baptisé « Islam de France ».

On a mis le label « France » sur l’Islam, comme si « France » et « Islam » étaient d’une part une marque, de l’autre un produit. Avec l’estampille « NF », l’Islam deviendrait ipso facto politiquement compatible avec nos valeurs.

Aucun autre pays démocratique n’a osé afficher une telle prétention. Ni les américains, ni les anglais, ni les suédois…n’ont « nationalisé » l’Islam !

De plus, enfermer l’Islam dans la France, c’est commettre une sorte de sacrilège : l’Islam est par définition une religion qui a vocation à l’universel. La réduire à un pays, lui donner une nationalité, c’est la dénaturer. Existe-t-il un catholicisme de France ? Un Judaïsme de France ? Un protestantisme de France ?

A l’heure où la France n’a plus de frontières, abandonne son identité, renonce à ses traditions, ses dirigeants enferment l’Islam dans l’Hexagone.

Ce terme « Islam de France » se retourne contre ses promoteurs en ce qu’il est vécu par les musulmans orthodoxes comme une véritable provocation ; qu’il est l’expression d’une profonde ignorance de cette religion et du message qu’elle véhicule.

Une croyance magique en la toute-puissance du verbe

Cette attitude dictée dans l’urgence par des considérations d’opportunités pratiques, et sans doute également par le legs d’une culture néocoloniale, renvoie plus à une croyance magique en la toute-puissance du verbe, qu’à une pensée rationnelle.

Elle est en réalité l’expression d’un profond malaise par rapport à cette religion dont manifestement nos élus et responsables ne connaissent rigoureusement rien.

la France s’est de fait placée au cœur d’une guerre de religion séculaire dont elle ne maîtrise aucun des paramètres

Jamais hommes politiques n’ont à ce point pris leurs désirs pour des réalités. Cette méconnaissance est lourde de conséquences, comme les derniers drames, ceux de janvier et ceux du 13 novembre 2015 nous le montrent. Car en « nationalisant » l’Islam, en privilégiant l’un de ses courants, la France s’est de fait placée au cœur d’une guerre de religion séculaire dont elle ne maîtrise aucun des paramètres.

Une perpétuelle fuite en avant

Nos dirigeants ont cru bon de considérer dans un premier temps que la source de cette guerre était le conflit du Moyen-Orient, opposant Israël aux Palestiniens. On fait du palestinien (y compris lorsqu’il se livrait – et continue de se livrer – à des actes terroristes contre les civils) une victime. On a fait du terroriste palestinien un « modèle »…on l’a appelé “combattant”, “résistant”, “activiste”…

Cette thèse ayant fait long feu, on évoque maintenant Daesh, l’Etat Islamique, la Syrie, L’Irak, le Yemen…

Sans négliger l’impact de ces conflits externes, il est clair que ces derniers trouvent une résonnance interne immédiate du fait de l’implication directe de l’Etat Français dans les conflits religieux internes à l’Islam.

De l’anathème à l’exclusion

Le rejet de l’autre pratiqué par la plupart des grands courants de l’Islam a pour effet immédiat de rendre impossible une authentique réflexion sur les causes du terrorisme islamique et à contrario, sur la légitimité de l’islamisme dit “modéré”.

“pas de débat sur la responsabilité de l’Islam dans le terrorisme qui s’en réclame”

Le fameux “ils ne sont pas des vrais musulmans”, signifie “pas de débat sur la responsabilité de l’Islam dans le terrorisme qui s’en réclame”. Donc, pas de réforme, l’Islam étant toujours – déjà, une religion d’amour et de paix. Pour que triomphe l’islam dit “modéré”, il faut procéder à l’élimination violente des autres courants ; il faut la guerre. D’où l’interventionnisme français.

Musulmans extrémistes et modérés sont dans une même logique d’affrontement, tous deux combattent la libre critique

Conséquences : extrémistes et modérés sont sur la même longueur d’ondes. Tous deux sont dans une logique d’affrontement, logique de guerre, dès lors que tous deux combattent la libre critique, le libre examen rationnel des causes. Tous deux pratiquent l’anathème, la censure et l’exclusion de l’autre. Tous les deux font de l’Islam un absolu dont ils sont les seuls détenteurs légitimes.

Comme nous l’avons montré, l’Islam “modéré” est en soi liberticide et potentiellement violent. En outre, l’Islam de France est au mieux un non-sens, au pire une provocation, une contradiction dans les termes. (nul ne parle d’Islam de Suède, d’Islam d’Amérique ou d’Islam d’Israël !).

Enfin, contrairement à ce que laissent entendre les représentants officiels de « l’Islam de France », le terrorisme musulman n’est pas une création récente. Le terrorisme a toujours été l’arme « classique » des djihadistes. Ainsi, le terrorisme actuel n’est pas une création ex-nihilo de notre temps. Il s’inscrit dans une longue tradition qui remonte à la création même de l’Islam.

Boubakeur rejette les dizaines de millions de musulmans qui ne pensent pas comme lui et tout un pan de l’histoire de la conquête musulmane

En considérant que les terroristes islamistes ne sont pas des musulmans, Monsieur Boubakeur rejette dans les limbes non seulement les dizaines de millions de musulmans qui ne pensent pas comme lui, mais également tout un pan de l’histoire de la conquête musulmane.

A ma connaissance, peu de pays ont été séduits par l’Islam avec des couronnes de fleurs et des discours d’amour ! « Peace and love » n’est pas le slogan de cette religion conquérante et impérieuse.

Faut-il rappeler que le sabre a souvent pour ne pas dire toujours fonctionné avec le Croissant ?

Angélisme islamiste et islamisme radical

Nous avons noté que les deux s’excluent mutuellement prétendant être les dépositaires exclusifs du vrai Islam sans que cela ne pose problème, ni aux uns, ni aux autres.

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S’il n’y a pas de place pour le doute et le questionnement, c’est parce qu’extrémistes et modérés considèrent l’Islam comme un invariant structurel, comme un absolu, par définition a-historique, donc non réformable.

C’est sur cette absolutisation de l’Islam qu’est fondée l’approche intégriste. Intègre signifiant « pur », sans mélange.

Ainsi, lorsque Monsieur Boubakeur dit que l’Islam n’a rien à voir avec les terroristes islamistes, il n’accepte pas l’idée de « mélanges ». Il croit en un Islam « pur » et sans tache.

Nous commençons à comprendre pourquoi la majorité des terroristes islamistes sont issus de milieux musulmans modérés, basculant brutalement d’un univers à l’autre ; d’une pureté l’autre ; d’un déni l’autre.

Il y a une sorte de fanatisme passif chez les musulmans “modérés”

L’absence totale de débat, d’espaces critiques, fait que les « jeunes » sont livrés sans défense aux thèses islamistes. Ils n’ont aucune arme à opposer à la lecture guerrière du Coran. Il y a ainsi une sorte de fanatisme passif chez les musulmans “modérés” qui fait le lit, qui alimente en permanence l’Islamisme.
On comprend pourquoi les musulmans “modérés” sont dans l’incapacité de s’opposer aux islamistes radicaux et pourquoi la notion d’Islam modéré est, in fine, un non-sens.

Les modérés pratiquent l’anathème et l’exclusion comme les extrémistes. Le refus de la libre critique dans un camp comme dans l’autre, ouvre la porte au langage des armes.

C’est la raison pour laquelle, les pays musulmans qui ont combattu les extrémistes (par exemple Nasser contre les Frères Musulmans) non avec des arguments mais exclusivement par la répression, par la prison et les exécutions, ne sont jamais parvenus à éradiquer le terrorisme, mais n’ont obtenu qu’une trêve passagère.

L’Islam doit prendre le risque de la critique.

A défaut, l’islam sera toujours en conflit, plus ou moins violent, avec l’autre en général, avec la modernité en particulier.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Sidney Touati pour Dreuz.info.

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