Publié par Ftouh Souhail le 24 décembre 2015

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L’art des renseignements est l’un des domaines où les Israéliens sont excellents.

L’élimination de Samir Al Quntar, haut cadre de l’organisation terroriste chiite libanaise, est probablement l’une des opérations qui nous rappelle les plus beaux succès des renseignements israéliens.

Le cadre du Hezbollah est assassiné le dimanche 20 décembre 2015, en Syrie. Il aurait été tué dans un raid aérien ciblé mené dans la nuit contre un quartier de la capitale syrienne, Damas.

Le quartier de Djaramana, situé à une dizaine de kilomètres au sud-est du centre de Damas, est un bastion pro-gouvernemental qui abrite les alliés du régime syrien et des volontaires iraniens. Il abrite aussi de nombreux Druzes, une minorité religieuse à laquelle appartenait Kuntar, ainsi que des ‘’Forces de défense nationale’’, une sorte de milice pro-gouvernementale paramilitaire.

Des médias arabes révèlent que les radars syriens ont repéré les appareils de Tsahal mais que ces derniers n’ont même pas eu besoin de franchir la frontière israélo-syrienne : les deux F-15 qui avaient décollé de la base aérienne de Hatzerim dans le sud du pays, une fois arrivés au-dessus du lac de Tibériade, ont tiré quatre missiles de type Spice-2000 pesant chacun une tonne, à 90 km de l’objectif ! Les quatre têtes des missiles ont été retrouvées dans les ruines de l’immeuble touché.

Samir Kuntar, né en 1962, avait été libéré en 2008 lors de l’échange des corps d’Eldad Regev et d’Ehud Goldwasser avec le mouvement chiite terroriste libanais Hezbollah.

Une réussite des renseignements israéliens

Israël renouait ainsi avec une tactique qui a marqué sa lutte contre le terrorisme depuis plusieurs décennies. Il s’agit d’un traitement légitime de la gestion de la menace terroriste que constitue le Hezbollah.

Benjamin Netanyahu avait affirmé le premier décembre 2015 qu’Israël « menait des opérations » en Syrie, reconnaissant clairement que son pays intervenait chez son voisin déchiré depuis quatre ans et demi par une guerre civile meurtrière.

« Nous menons de temps en temps des opérations en Syrie afin d’éviter que ce pays ne se transforme en front contre nous », a-t-il déclaré lors d’une conférence dans le nord du pays. « Nous faisons également tout ce qu’il faut pour éviter des livraisons d’armes particulièrement meurtrières de Syrie vers le Liban et le Hezbollah » a-t-il ajouté.

Le chef terroriste libanais avait échappé dans le passé à trois autres opérations ciblées.

  • Le 29 juillet 2011 une explosion avait secoué le quartier de Roueiss à Beyrouth, bastion du Hezbollah. Une bonbonne de gaz avait sauté dans un appartement situé au dixième étage d’un building du sud de la capitale, où le Hezbollah a installé ses quartiers-généraux. Le quotidien koweitien Al-Jarida citant des “sources fiables”, avait alors rapporté qu’Israël aurait obtenu des informations selon lesquelles l’assassin Samir Kuntar était dans le bâtiment visé par l’explosion. Parallèlement, le journal rapportait que le Hezbollah avait procédé à une série d’arrestations dans ses rangs.
  • Le 9 juillet 2013, la télévision du Hezbollah, al-Manar, avait montré un énorme incendie suite à une explosion à la voiture piégée qui avait eu lieu aussi dans la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah chiite. L’explosion s’était produite dans une zone commerciale, dans le secteur de Bir el-Abed, un quartier contrôlé par le Hezbollah
  • Le 29 juillet 2015, le site internet israélien NRG rapportait qu’un véhicule transportant deux agents du Hezbollah et trois loyalistes au président syrien Bachar al-Assad avaient été tués dans les frappes, mais JSSNews annonçait qu’il ne s’agissait pas de Kuntar. Plus tôt dans la journée, les médias syriens avaient rapporté que des avions de combat israéliens avaient effectué un raid aérien sur la ville d’Al Khader, située dans la province d’Alep.

Contrairement à ces trois opérations, l’attaque du 20 décembre 2015 menée contre un bâtiment du quartier de la capitale syrienne et visant Samir Kuntar constitue une réussite pour les renseignements israéliens.

Ce qui est frappant ici, c’est la précision tant des renseignements israéliens que des tirs : Samir Kuntar était arrivé de Beyrouth à Damas à peine douze heures auparavant, et il se trouvait dans un appartement où il n’avait séjourné que durant quelques heures ces deux derniers mois. L’élimination du ce chef terroriste est un chef d’œuvre dont seul les services israéliens sont capables, tant sur le plan technologique que du renseignement.

Généralement, ce genre d’opération sensible requiert des sources fiables sur le terrain et des unités spécialisées pour recueillir l’information. Ils sont d’une importance capitale dans le soutien opérationnel de l’armée israélienne dans les pays ennemis.

C’est d’ailleurs ici le domaine d’action du Mossad qui recouvre le renseignement, les opérations spéciales et la lutte anti-terroriste à l’extérieur d’Israël et des territoires palestiniens (1).

Des informateurs non-juifs (mabuahs) sont établis en dehors d’Israël, prêts à aider les agents du Mossad en leur fournissant les renseignements nécessaires pour exécuter un ordre de mission (pakam). Ces informateurs sont supervisés par des officiers du renseignement israélien et sont choisis pour leurs capacités et aptitudes particulières (capacités d’analyse et linguistique en particulier). Ils reçoivent une formation formelle dans ces disciplines ainsi que dans les communications.

Ces informateurs sont aussi épaulés par des agents passifs (sayan) qui, dans l’entourage de Samir Kuntar par exemple, sont parfois bien placés au sein du Hezbollah et qui sont activés selon les besoins.

 D’autres succès israéliens dans les éliminations ciblées de leaders terroristes

  • En janvier 2015, une frappe israélienne en Syrie avait tué six membres du Hezbollah, dont un chef militaire et le fils du chef militaire Imad Moughniyah, dans la région de Kouneitra, près du plateau du Golan juif. Parmi les victimes il y avait aussi un général iranien, Mohammed Ali Allahdadi.
  • En Novembre 2012 un drone israélien frappait un véhicule dans lequel se trouvait Ahmad El Ja’Abari, le commandant de l’aile militaire du Hamas, les brigades Izz El Din El Qassam. Le chef de la branche armée du Hamas était personnellement impliqué dans l’enlèvement et la séquestration du soldat franco-israélien Gilad Shalit. C’est lui qui avait remis personnellement le soldat israélien aux médiateurs égyptiens le 18 octobre 2011.
  • Le 19 janvier 2010 celui qui était chargé de l’approvisionnement en armes du mouvement radical islamiste palestinien du Hamas, Mahmoud al-Mabhouh, était liquidé à Dubaï. Ce dernier s’était surtout fait connaître pour avoir orchestré l’enlèvement et l’assassinat de deux soldats israéliens en 1989.
  • Le 12 février 2008, Imad Mougniyah, théoricien de l’attentat à la voiture piégée et de la prise d’otages, est tué lors de l’explosion d’une bombe posée dans sa voiture —une Mitsubishi Pajero— à Damas en Syrie. Il était recherché par le Mossad, la CIA et Interpol à la demande de l’Argentine à la suite de sa participation à l’attentat de 1994 contre l’Association mutuelle israélite argentine. Il était aussi le chef de l’Organisation du Djihad islamique, responsable d’un grand nombre d’attentats et d’enlèvements dans les années 1980, notamment l’attentat contre l’ambassade des États-Unis à Beyrouth en avril 1983.
  • Le 22 mars 2004, le chef terroriste du Hamas, Cheikh Ahmed Yassine, avait été tué par des tirs de missiles israéliens. Un hélicoptère avait tiré trois missiles dans sa direction et celle de ses deux gardes du corps, les tuant sur le coup. Cheikh Yassine est de loin la plus importante figure du terrorisme palestinien tué par Israël depuis le début de la deuxième Intifada. Le Hezbollah dispose d’ailleurs d’une “Brigade du martyr cheikh Ahmad Yassine.”

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Tétraplégique, Cheikh Yassine avait fondé le Hamas en 1987. Il avait été détenu dans les prisons israéliennes pendant plusieurs années avant d’être libéré en 1994. Bien que limité dans ses mouvements en raison de son handicap, il était accusé par Israël d’influencer les bombes humaines palestiniennes. Il incarnait la radicalité du combat contre Israël.

Nul n’est à l’abri des frappes préventives israéliennes

C’est le message que ne cesse d’envoyer Israël à ses ennemis à la frontière nord à lumière du rôle croissant de l’Iran dans le conflit en Syrie. Jérusalem observe les tentatives iraniennes d’ouvrir un autre front contre lui sur le plateau du Golan, en plus du front au sud Liban. Qassem Soleimani, le chef obscur de la Force Qods du Corps des Gardiens de la révolution iranien, a visité à plusieurs reprises le plateau du Golan.

Ces éliminations préventives israéliennes suscitent des craintes du Mouvement fondamentaliste chiite qui est actif en Syrie et au sud Liban. Les opérations dites chirurgicales contre des personnalités terroristes ont l’avantage d’exercer une fonction dissuasive, surtout si les personnes visées sont difficilement remplaçables.

Par exemple, l’élimination d’Imad Mughniyeh en février 2008 avait laissé un vide après la disparition de celui qui dirigeait la branche internationale du Hezbollah en particulier des liaisons avec la Syrie et l’Iran. Sa mission avait alors été remplie par une structure de commandement pasdaran, depuis l’Ambassade d’Iran à Beyrouth.

La menace d’une élimination ciblée (avant qu’elle soit exécutée) contraint les chefs visés de l’organisation terroriste à vivre cachés, à se déplacer constamment, à garder leur localisation secrète et à faire profil bas. Tout cela a un impact sur leur accès à l’information : les communications internes sont problématiques et dangereuses.

En exemple, le Cheikh Nasrallah, le leader du Hezbollah, est obligé depuis 2006 de vivre dans la clandestinité entre la banlieue sud de Beyrouth et un bunker du Hermel, une région au nord du Liban, frontalière de la Syrie. Les apparitions publiques du numéro 1 du parti chiite libanais sont très rares. Il est toujours contraint de prononcer ses discours en différé, et ils sont retransmis par vidéo-conférence. Les derniers en date, sont à l’occasion de « La Journée mondiale d’Al-Quds », le 10 juillet 2015 et après l’élimination du Kuntar.

Yossi Cohen, le nouveau patron du Mossad nommé il y’a quelques jours, sera confronté à la plupart des menaces et des dangers que son prédécesseur Tamir Pardo, qui va quitter son poste en janvier 2016 a affronté. Cohen profitera de son expérience personnelle (2) et d’un climat mondial plus compréhensif aux éliminations préventives israéliennes, surtout que, dans le monde, chaque pays cherche à éviter des attaques terroristes. Le Mossad sous Cohen devrait donc renforcer la communauté du renseignement israélien et élargir le théâtre des opérations.

D’ailleurs les USA ont intensifié cette pratique du “targeted killings” (éliminations ciblées) depuis quelques semaines, avec la CIA et son puissant centre antiterroristes (CTC) qui se sont vu attribuer un rôle étendu dans l’identification et la localisation des chefs de l’État islamique en Syrie et en Irak. Les frappes seront menées exclusivement sous l’autorité du (JSOC), une branche très discrète du commandement américain des forces spéciales. Le centre antiterroriste de la CIA (CTC) et le JSOC sont deux des outils de l’administration américaine contre les groupes extrémistes sunnites.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Souhail Ftouh pour Dreuz.info.

(1) Le Mossad a trois missions principales : la collecte d’informations dans des pays étrangers, les missions sous couverture pour contrecarrer et empêcher des attaques contre Israël depuis l’étranger, et la protection des Juifs dans le monde entier.

(2) Le parcours de Yossi Cohen dans l’organisation s’est principalement déroulé dans le renseignement humain, ayant dirigé le département Tzomet, qui s’occupe des officiers du Mossad. Cohen a déclaré aux journalistes qu’il compte mener de « bonnes missions » et de rassembler des « informations de qualité » en tant que chef de l’agence.

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