C’est dans un haut lieu touristique d’Istanbul, en plein centre ville, dans le quartier Taksim sur l’avenue Istikhal, une rue piétonne  bordée de cafés, d’hôtels de tourisme et de consulats étrangers, que le terrorisme a frappé samedi dernier.

Il est un peu plus de 11 h du matin, la rue est calme, personne aux terrasses, quelques rares passants, à part un groupe d’israéliens qui entame sa journée touristique. Le kamikaze avance d’un pas décidé, fait un dernier signe – peut-être à un complice ? – , traverse la rue piétonne en direction des quelques passants et se fait exploser. Il n’y a vraiment pas foule: vise-t-il les israéliens ou animé par une quelconque crainte préfère-t-il se faire exploser plus tôt que prévu ?

Trois israéliens sont tués et 11 autres blessés. Un citoyen iranien est également tué ainsi que le terroriste.

Selon le ministre turc de la santé, il y a en tout 39 blessés de 14 nationalités étrangères et 1 enfant. Les secours arrivent rapidement. Les blessés sont conduits vers des hôpitaux d’Istanbul. Parmi eux, on déplore sept blessés graves. Le ministre turc de la santé Mehmet Müezzinoglu, précisera plus tard que parmi les personnes hospitalisées figurent 6 israéliens, 1 allemand, 1 islandais, 1 iranien, 2 irlandais et 1 citoyen de Dubaï.

Le choc est énorme. La Turquie fait face depuis quelques mois à une vague d’attentats.

“Notre nation est confrontée malheureusement à une situation d’actes inhumains sans commune mesure qui défient et trahissent les valeurs humaines,” déclare Mehmet Müezzinoglu.

La Turquie vit en tension permanente depuis neuf mois, après six attaques terroristes qui ont fait plus de 200 victimes, au point que mercredi dernier, par mesure de sécurité,  l’Allemagne ferme son consulat et une école à Istanbul.

“C’est une attaque suicide, c’est une attaque suicide,” répète le Gouverneur d’Istanbul Vasip Sahin devant les reporters accourus sur les lieux du drame.

Tout le monde au gouvernement ne manifeste pas autant de compassion que le ministre de la santé :
Peu après l’attentat, une responsable du parti AKP d’Erdogan, Irem Aktas publie sur son compte Twitter : «Je souhaite que les touristes israéliens blessés soient morts». Irem Aktas est membre du conseil d’administration de la branche féminine du parti AKP dans le quartier d’Eyup à Istanbul. Son compte Twitter  est immédiatement fermé, elle est renvoyée illico de son poste et exclue du parti.

A ce moment là, l’enquête n’est pas encore commencée et on ne sait pas qui exactement est derrière l’attentat mais les autorités turques toujours promptes à blâmer le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), pointent en direction du groupe de résistance qui venait d’endosser la responsabilité de l’attaque meurtrière du début de la semaine à Ankara. Pour l’heure, aucune organisation n’a encore revendiqué la responsabilité de cette dernière attaque.

Cependant, des sources diplomatiques occidentales rapportent au site turc Hürriyet qu’il est possible que le terroriste ait délibérément ciblé les touristes israéliens.

Deux avions ambulances Magen David Adom quittent Israël dans l’après-midi pour Istanbul, afin de récupérer les blessés et les ramener au pays pour être traités. Le directeur des affaires étrangères Dore Gold est prévu à Istanbul dimanche en coordination avec les autorités turques. On reste toujours sans nouvelles de dix autres israéliens

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Qui sont les victimes ?

Un iranien, Ali Reza Razmhah, est tué lors de l’attentat.

Les trois autres victimes sont des israéliens qui participaient au sein d’un groupe de 14 personnes à un circuit touristique culinaire.

Simcha Demri, 60 ans, de Dimona, était en compagnie de son mari  Avi : elle est mortellement atteinte. Avi Demri est blessé aux jambes et aux poumons. Enseignante à la retraite, Simcha était très connue pour son dévouement et ses actions philanthropiques dans sa commune de Dimona. Le couple  a trois fils, une fille et de nombreux  petits-enfants.   Deux de leurs fils, empruntant l’avion-ambulance du Magen David Adom accourent au chevet de leur père, hospitalisé. Ce dernier précise que le terroriste a actionné sa bombe à quatre mètres du groupe.

Les séquences publiées en ligne par l’agence privée Dogan montrent le moment précis de l’explosion, avec une boule de feu jaillissant près d’un groupe de passants tandis que ceux qui le peuvent courent se mettre à l’abri.

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Les deux autres victimes Yonathan Shor, 40 ans et Avraham Goldman ont la double nationalité israélienne – américaine.

Yonatan Shor résident de Tel-Aviv a grandi au Kibbutz Kvutzat Shiller et était venu à Istanbul pour célébrer son anniversaire avec sa femme Inbal.   Il avait servi comme police des frontières dans Tsahal et après un diplôme en droit s’était lancé dans une carrière High-tech. Sa femme en réchappe avec quelques blessures. Le couple a deux enfants.

Avraham Goldman, 69, était marié, père de trois enfants et grand-père de huit petits-enfants. Il vivait à Herzliya. D’après un ami de la famille, Goldman, qui était devenu guide touristique, avait emmené sa femme en Turquie pour fêter aussi son anniversaire. “Quand il a parlé de ce voyage, nous avons évoqué les questions de sécurité. C’était quelqu’un de très responsable et il n’y avait pas eu d’alerte sur ce voyage. D’un autre côté, quand on connaît Israël, on sait que le danger apparaît toujours plus grand quand on est à l’extérieur que ce qu’il est en réalité sur place. Il n’a pas annulé son voyage. Dommage”.

Les corps ont été rapatriés dimanche

Le Premier Ministre Benjamin Netanyahu a dit aux media, “On nous informe que cette attaque pourrait être perpétrée par un membre d’ISIS. C’est une information préliminaire. Dans des cas semblables, nous coopérons avec les services de renseignements d’autres pays”

L’enquête : Les autorités turques arrêtent samedi soir les parents d’Ozturk

Rapidement l’enquête progresse. L’attaque de samedi comme trois autres attaques terroristes précédentes est  imputée à des agents d’ISIS.

L’ADN du terroriste trouvé sur les lieux de l’attaque confirme ensuite l’identité de l’attaquant. Dans un premier temps les médias parlent de Savaz Yildiz, 33 ans, de la ville turque d’Adana, déjà connu des autorités turques. Puis, sans doute fruit d’une confusion, le nom de Savaz Yildiz fait place à   celui de  Mehmet Ozturk, un ressortissant turc natif de la ville méridionale de Gaziantep, à seulement 95 kilomètres de la ville syrienne d’Alep.

L’agence de presse turque Doğan rapporte que des échantillons de sang d’un homme, qui réside à Adana, ont été envoyés à Istanbul pour des tests ADN afin de vérifier si le corps retrouvé sur les lieux de l’attaque est bien celui de son fils, Mehmet Ozturk, âgé de 24 ans, recherché pour d’autres attentats terroristes perpétrés l’an dernier en Turquie. D’après la police, il aurait fui vers la Syrie, puis serait revenu en Turquie.

Le ministre de l’intérieur Efkan Ala dit dans une conférence de presse que les analyses ADN effectuées sur la dépouille de Mehmet Ozturk indiquent qu’il a des liens avec ISIS, mais s’il n’a jamais été recherché par la police nationale c’est parce qu’il n’avait pas de passé criminel. Une manière pour le gouvernement d’échapper à l’accusation d’incompétence à la suite des six derniers attentats sanglants.

Selon les rapports turcs, le terroriste était impliqué l’an dernier, dans des attaques à Mersin et Adana, dans le sud de la Turquie, dans lesquelles trois personnes avaient été blessées. Mehmet Ozturk s’était aussitôt enfui en Syrie ainsi que quatre autres terroristes d’ISIS qui avaient planifié des attentats suicides en Turquie.

Mais la famille de Mehmet Öztürk avait déposé une requête auprès de la police pour disparition.

Les forces de sécurité turques détiennent actuellement 5 suspects en relation avec l’attaque de samedi dont le père et le frère de Mehmet Öztürk.

Emotion internationale

La Maison Blanche condamne aussitôt en termes très fermes l’attaque qui a coûté la vie à deux citoyens israélo-américains.

“Les Etats-Unis condamnent sans restriction l’attaque d’aujourd’hui à Istanbul. Dans cette attaque haineuse deux citoyens américains ont perdu la vie” déplore Ned Price le porte-parole de la Sécurité Nationale.

“Nos pensées et nos prières s’adressent aux familles touchées par la perte d’êtres chers et nous souhaitons une rapide convalescence aux personnes blessées.” Ajoute-t-il

 Le Département d’Etat américain déclare à son tour : “Nous resterons en contact étroit avec les autorités turques pendant l’enquête. Les Etats-Unis sont solidaires de leur allié turc au sein de l’OTAN dans le combat mené contre la menace commune du terrorisme. Cette violente attaque est la dernière d’une série d’actes meurtriers indéfendables qui ont touché des gens innocents dans toute la Turquie – des citoyens turcs et des touristes internationaux.  Ces actes de terrorisme ne servent qu’à renforcer notre détermination à soutenir tous ceux qui dans la région travaillent pour la paix et la réconciliation”.

Le secrétaire Général de l’Otan Jens Stoltenberg condamne l’attaque dans une déclaration écrite, dans laquelle il dénonce le terrorisme pour lequel il ne peut y avoir de justification.  “Les alliés de l’OTAN font bloc avec la Turquie, et affirment leur détermination à combattre le terrorisme.”

Et Jean-Marc Ayrault condamne également l’attaque en termes assez vagues et détachés : “Je condamne fortement cet acte méprisable et lâche qui a causé la mort de plusieurs personnes” ajoutant que Paris est solidaire de la Turquie. Aucun mot de sympathie pour les victimes israéliennes ni pour le gouvernement israélien.

L’attaquant suicide d’Istanbul suspecté d’avoir suivi les israéliens depuis leur hôtel

Au début, on suppose que l’attaque de Mehmet Ozturk contre un groupe israélien est purement fortuite.
Mais un rapport de T24news vient semer le doute :  le terroriste d’ISIS aurait suivi les touristes israéliens depuis leur hôtel proche de la place Taksim  jusqu’au restaurant de l’avenue Istikhal où ils ont pris leur petit déjeuner ce samedi matin.  Il aurait ensuite attendu devant l’établissement  avant de déclencher sa ceinture d’explosifs. Ozturk aurait dormi non loin de l’hôtel des israéliens, la nuit précédente et reçu l’assistance d’une personne non identifiée selon, le média turc d’opposition, Cum.huriyet.

Au début les enquêteurs arguent que ce rapport contredit les précédents et n’est pas vérifiable.

Lors d’une conférence de presse samedi, Netanyahu dit même qu’Israël  “essaye d’avoir des informations pour savoir si les israéliens étaient spécifiquement visés,” mais que les estimations penchent pour une présence fortuite des israéliens au moment de l’attaque.

“Rien ne prouve que les israéliens étaient visés” dit-il aux reporters.

Pourtant d’autres éléments viennent jouer en faveur de la thèse d’un parfait ciblage des touristes israéliens : les caméras de surveillance prouvent que le terroriste – qui était sans doute en compagnie d’au moins trois autres terroristes  – a suivi les touristes israéliens depuis le moment où ils ont quitté leur hôtel Besiktas jusqu’à leur arrivée dans la rue Istiklal.

Les terroristes se sont faits discrets le long de l’artère le temps que les israéliens prennent leur petit-déjeuner dans le restaurant. Dès qu’ils  sont sortis du restaurant pour reprendre leur visite, – les caméras de sécurité l’attestent – Memeth Ozturk s’est approché d’eux et a déclenché sa ceinture.

La police turque est à la recherche de trois suspects, dont les photos ont été publiées dans la presse : Haci Ali Dumaz, Savas Yildiz and Yunus Durmaz suspectés d’appartenir à Daesch et de préparer des attaques sanglantes dans des endroits très fréquentés en Turquie.
Savas Yildiz était au départ suspecté d’être le kamikaze de la rue Istikhal.

Un autre débat surgit : Pourquoi Daesch et pas le Hezbollah ? ou certains éléments  du gouvernement turc ?

Le Hezbollah a déjà attaqué des touristes en vacances à l’étranger (explosion d’un bus en Bulgarie). Le Hezbollah a une haine viscérale et un contentieux contre Israël. Il est peut-être très commode d’accuser l’Etat islamique, mais le Hezbollah pourrait très bien avoir quelques agents en Turquie pour faire ce travail.

Une autre supposition : Certains turcs aussi gardent du ressentiment à l’égard d’Israël pour le Mavi Marmara…Il se pourrait que ce soit des agents opérationnels turcs travaillant pour le compte du gouvernement  turc, des palestiniens, du Hamas.

 

Mise en garde contre les voyages en Turquie

L’explosion suicide d’Istanbul contre un groupe de touristes israéliens a suivi de six jours l’attentat qui a fait 35 morts lors d’une attaque suicide à la voiture piégée revendiquée par les rebelles kurdes dans une artère centrale de la capitale Ankara.

Le service israélien du contre-terrorisme a élevé le niveau d’alerte concernant la Turquie, soulignant que ce pays est considéré comme peu sûr pour les citoyens israéliens. Pourtant les agences de voyage ont des demandes de plus en plus nombreuses pour cette destination et ne voient aucun ralentissement d’activités.

Le Premier Ministre Benjamin Netanyahu a souligné qu’Israël est en première ligne face au terrorisme et à la tête de la guerre contre le terrorisme ajoutant que ceux qui ne condamnent pas les attaques terroristes, les soutiennent. A propos de l’attentat de samedi, il réaffirme que rien ne justifie le terrorisme.

Vers une normalisation des relations entre Jérusalem et Ankara ?

Les efforts diplomatiques pour réconcilier Israël et la Turquie se poursuivent.

Le premier ministre Ahmet Davutoglu a envoyé une lettre de condoléances au premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

“L’attaque d’Istanbul prouve une fois de plus que la communauté internationale doit travailler unie pour  lutter contre les organisations terroristes,” écrit Davutoglu. “J’adresse mes  condoléances aux israéliens qui ont perdu des membres de leurs familles et je souhaite une rapide convalescence aux blessés israéliens.”

Mehmet Simsek, le vice premier ministre a adressé un message similaire.

Netanyahu ajoute qu’il a demandé aux autorités turques d’autoriser Israël à accroître sa présence dans le pays.

La rapide dénonciation du message venimeux d’Irem Aktas et sa mise à l’écart est suivie d’une déclaration de Hatic Yucel responsable de l’AKP, disant que ce qu’elle a dit  “ne reflète pas l’opinion de l’AKP.”

Le fait qu’Irem Aktases ait été immédiatement condamnée pour ses propos haineux est un bon signal.

Les efforts de réconciliation  se poursuivent dit le premier ministre israélien, un dialogue existe entre Jérusalem et Ankara. “Nous travaillons en direction d’une normalisation” dit Netanyahu. “Nous avons subi quelques retards  dans ce processus, non pas faute d’efforts mais à cause de questions fondamentales” qui doivent encore être réglées.

La coordination entre les autorités israéliennes et turques à la suite de l’attaque d’Istanbul a été excellente selon les personnes sur place.

“Le ministre de la santé, le bureau du 1er ministre, les hôpitaux  – même les services funéraires ont été extraordinaires,” a dit la diplomate Shira Ben Tzion, chargée du Consulat d’Israël à Istanbul au moment de l’attaque. “Nous sommes habitués à subir des propos hostiles dans les rues,” a-t-elle dit aux journalistes “mais dans le cas présent, à peine avions nous dit que nous étions du Consulat israélien, qu’ils sont venus nous embrasser spontanément et nous traiter avec gentillesse.”

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