Publié par Nancy Verdier le 1 avril 2016

Avertissement : certaines informations sont difficiles à rapporter le 1er avril, évidemment. Sachez donc que Dreuz ne fait pas de poisson d’Avril, et continue, ce jour-là, à vous informer honnêtement des faits que les journalistes cachent ou déguisent.

Non seulement Salah Abdeslam aurait pu être arrêté en décembre 2015 au lieu du 18 mars 2016, mais une fois arrêté, si la police belge l’avait interrogé de manière moins politiquement correcte, elle aurait pu déjouer les attaques terroristes meurtrières du 22 mars.

Les ratées de l’enquête européenne

L’homme le plus recherché d’Europe a bénéficié de la bourde énorme (ou de la complicité) d’un policier belge.

Les ratées sur les enquêtes des tueries du 13 novembre 2015 ont été largement évoquées et commentées par les médias et experts : outre les allers et venues de Salah Abdeslam à travers l’Europe, avant et après cette date fatidique, et le nombre de fois où il a traversé l’Espace Schengen, seul ou accompagné, sans être inquiété, l’homme le plus recherché d’Europe a bénéficié de la bourde énorme (ou de la complicité) d’un policier belge.

Dreuz avait indiqué qu’un policier du commissariat de Malines (Belgique) détenait l’adresse de la cachette de Salah Abdeslam, la marque de sa voiture, depuis… décembre.

Metronews explique également qu’un policier a eu connaissance d’ «un document qui fait état de la radicalisation d’un individu, Abid Aberkan, au 79 rue des quatre-vents, là même où Salah Abdeslam est arrêté, le vendredi 18 mars 2016. Ce rapport évoque également une Citroën grise, répertoriée dans l’enquête sur les attentats de Paris, ainsi que les liens entre Abid Aberkan et les frères Abdeslam.»

Mais un policier belge, considérant cette information… peu fiable (sic), l’a retenue au lieu de la transmettre aux services antiterroristes. Une erreur lourde de conséquences : ces éléments auraient pu permettre son arrestation dès le mois de décembre 2015. Or Salah Abdeslam n’est arrêté par la police belge que le 18 mars 2016, 4 jours avant les tueries de Bruxelles.

En Europe, les terroristes sont traités comme des criminels de droit commun

Mais il y a pire.

Une fois Salah Abdeslam capturé, les enquêteurs belges chargés des interrogatoires font preuve d’une coupable incompétence :

Depuis des années, Bruxelles est l’épicentre de toute l’indignation européenne contre les méthodes interrogatoires des terroristes par la CIA.

Mais après les attentats de la semaine dernière, c’est Bruxelles et l’UE qui se retrouvent dans le collimateur : il semble bien que le carnage soit le résultat direct du refus de l’Europe d’accepter que les terroristes soient traités autrement que des criminels de droit commun.

Après la capture de Salah Abdeslam, alors qu’il est considéré comme le chef logisticien d’une cellule terroriste de l’Etat islamique, les autorités belges lui appliquent scrupuleusement les procédures judiciaires en vigueur pour les criminels de droit commun. Elles mettent Abdeslam dans le système de la justice pénale belge, lui fournissent un avocat et l’informent qu’il a le droit de garder le silence.

Quatre jours plus tard, la cellule terroriste perpètre des attentats à Bruxelles qui font 35 morts – dont au moins quatre Américains – et des centaines de blessés.

Si la police belge avait interrogé Salah Abdeslam de manière moins sommaire, moins politiquement correcte, elle aurait pu déjouer les attentats terroristes meurtriers du 22 mars.

Marc A. Thiessen, ancien rédacteur en chef des discours du président George W. Bush, et chroniqueur en politique étrangère au Washington Post, a passé au crible tous les manquements, les incohérences et les incongruités – pour ne pas dire plus – des autorités belges lors des interrogatoires de Salah Abdeslam après le 18 mars.

Etonnamment, les fonctionnaires de police ne questionnent absolument pas Abdeslam au cours des premières 24 heures de sa garde à vue.

“Il semblait très fatigué et il avait été opéré la veille”

Il passe la nuit de vendredi à samedi à l’hôpital pour se remettre d’une blessure à la jambe occasionnée lors de sa capture. Quand il est finalement renvoyé devant la police le samedi, il est interrogé par les autorités pendant . . . deux heures, pas plus – et puis plus rien jusqu’aux attaques terroristes du 22 mars.

Pourquoi ? “Il semblait très fatigué et il avait été opéré la veille,” a dit un haut fonctionnaire de la sécurité belge à Politico.

Il semblait fatigué ? C’était précisément le moment de l’interroger. Pour la CIA, la privation de sommeil est l’un des plus efficaces outils d’interrogatoire. Mais pour les Belges, l’épuisement d’un terroriste est une raison suffisante pour arrêter l’interrogatoire, au lieu de l’intensifier.

Mais il y a pire encore :

Au cours de ces deux heures d’interrogatoire, rapporte le Post,“les enquêteurs ne l’interrogent pas sur ce qu’il sait des complots futurs.”

Sérieusement on ose à peine croire pareille incurie !

Abdeslam était le chef logistique d’une cellule terroriste basée à Bruxelles, il était responsable des deux attentats de Paris. Sa cellule était toujours active. Et on ne lui pose aucune question sur les complots ourdis par tous ses contacts belges et autres ?

Selon le New York Times, “Il avait la haute main sur tous les contacts, c’est lui qui louait les voitures, trouvait les appartements, passait récupérer les gens pour les déposer ensuite.”

Les fonctionnaires auraient pu chercher à identifier les autres membres de sa cellule ; les planques sûres utilisées par lui-même et ses comparses ; chercher à savoir comment ils communiquaient, déplaçaient de l’argent, décidaient des itinéraires de voyage ; et – le plus important – les cibles qu’ils avaient choisies.

Mais les enquêteurs ne prennent pas la peine de lui poser de questions sur ses projets d’attaques futures.

Au lieu de cela, rapporte le Post, ils se «concentrent uniquement sur les attentats de Paris. Puis aucune autre discussion n’a lieu jusqu’aux attaques de mardi»

On croit rêver. Non. Cauchemarder, tout simplement.

Les enquêteurs avaient trouvé des détonateurs et des armes inutilisées dans une planque avec ses empreintes digitales. Leur est-il simplement venu à l’esprit de lui demander ce qu’il avait l’intention d’en faire ? Apparemment, non.

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L’interrogatoire d’Abdeslam est l’illustration parfaite des lacunes de l’application rigoureuse de la loi pénale aux interrogatoires de terroristes

Lacune est un euphémisme. C’est un désastre.

Les autorités judiciaires ne sont pas pressées d’extraire les réponses du détenu, parce qu’elles interrogent le terroriste sur les attaques du 13 novembre, bien après que les faits se soient produits. Leur but est d’extraire une confession afin d’obtenir une condamnation. Dans de telles circonstances, la patience est une vertu.

Mais lors d’un interrogatoire reposant sur le renseignement, la patience est mortelle. Les interrogateurs doivent tenter d’obtenir au plus vite des informations du terroriste, avant qu’une nouvelle attaque se produise. Dans de telles circonstances, il faut faire évoluer rapidement le terroriste d’un état de défiance à un état de coopération. Et dans ce cas là, tout se joue de vitesse.

Mais la honteuse incompétence des services belges ne s’arrête pas là

Non seulement les fonctionnaires ne questionnent pas Abdeslam sur les attaques futures, mais ils aggravent cette erreur en organisant des conférences de presse dans lesquelles ils fanfaronnent sur son arrestation et se vantent de la manière dont il coopère. Erreur fatale.

Les fonctionnaires belges n’auraient jamais dû publiquement reconnaître la capture d’Abdeslam.

En général, lorsque des terroristes apprennent que l’un des leurs est interrogé, ils se mettent rapidement à purger les comptes email, à clôturer les lignes téléphoniques, dispersent leurs agents et ferment tous les accès à d’autres pistes vitales de renseignement.

Mais si la capture d’un terroriste est gardée secrète, les pistes de renseignement peuvent rester au chaud pendant un certain temps – permettant aux fonctionnaires de les exploiter tout en continuant à extraire l’information du détenu.

Dans le cas d’Abdeslam, dès que les membres de la cellule ont appris son arrestation, ils se sont vraisemblablement mis à accélérer leurs plans d’attaque.

Il se pourrait même que Salah Abdeslam se soit servi des médias pour envoyer un signal à ses complices afin qu’ils déclenchent les attentats de Bruxelles.

Le site d’informations Buzzfeed rapporte la déclaration d’un policier :

« Il parlait ouvertement aux enquêteurs d’un attentat prévu lundi prochain (le lundi de Pâques) », déclare une source policière qui ajoute : ‘Nous pensons à présent que la déclaration selon laquelle il coopérait avec la police était un avertissement pour le reste de la cellule terroriste afin qu’ils avancent la date de l’opération’. »

Cette affaire démontre la nécessité d’une certaine forme de détention secrète et une approche axée sur le renseignement pour interroger les terroristes de gros calibre une fois capturés.

Cela ne signifie pas, comme Donald Trump l’a suggéré, qu’Abdeslam aurait du subir l’épreuve de la piscine et «beaucoup plus». Selon l’expérience de la CIA, les deux tiers des détenus coopèrent sans aucune technique d’interrogatoires forcés. Juste le fait de se retrouver confiné en détention secrète – sans la moindre idée du lieu où ils se trouvent et en dehors de toute présence d’avocat – suffit à les faire parler.

Reste qu’il est tout simplement inconcevable qu’Abdeslam ait été autorisé à protéger l’identité et les plans des membres de sa cellule concernant les attaques de Bruxelles.

“C’est juste le début de votre cauchemar”

Il est temps que les autorités européennes s’éveillent à de nouvelles approches.

L’Etat Islamique vient de publier une vidéo le week-end dernier montrant deux terroristes apparemment belges, combattant en Irak, en train de célébrer les attaques de Bruxelles. L’un d’eux regarde la caméra et déclare : “C’est juste le début de votre cauchemar.”

Si l’on continue à traiter les terroristes comme des criminels de droit commun, ce cauchemar deviendra bientôt réalité.

Dans une dizaine de jours, le français Salah Abdeslam sera aux mains de la justice française. Ce transfert ne dédouanera en rien la police belge qui a fait la démonstration de son incapacité à enquêter et interroger efficacement un terroriste de premier plan.

Et pendant ce temps, les proches des victimes de Zaventem, de Maelbeek, du Bataclan et des Terrasses se recueillent toujours et pleurent :

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Nancy Verdier pour Dreuz.info.

Image à la Une : Fleurs et bougies dimanche sur la Place de la Bourse en hommage aux victimes des attaques de Bruxelles. (Sylvain Lefevre/Getty Images)

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