Publié par Jean-Patrick Grumberg le 15 avril 2016
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Jan Böhmermann

Le président Erdogan a exigé du gouvernement allemand qu’il poursuive pénalement un humoriste qui s’est moqué de lui. Le gouvernement allemand vient de céder.

Jusqu’où ira la soumission à l’intolérant islam ?

La diffusion sur la chaîne de la télévision nationale ZDF lors de l’émission « Extra 3 » d’un poème satirique visant le président turc est devenue une affaire d’État.

Il y a quelques jours, Jan Böhmermann, dans une chanson parodique, dénonçait les atteintes aux droits de l’homme imposée par la Turquie contre les journalistes, les femmes, les Kurdes.

Ankara avait vu tout rouge, mais dans un premier temps, Berlin n’avait pas bougé, défendant la liberté de la presse.

Quelques jours plus tard, l’humoriste récidivait avec un poème où Erdoğan est traité de pervers, de pouilleux, de pédophile et de zoophile.

Le 13 avril, le gouvernement turc formalisait une plainte auprès du ministère des Affaires étrangères allemand, et réclamait des poursuites pénales contre Böhmermann.

Merkel prenait la défense du dictateur turc et critiquait le poème, le qualifiant de « délibérément insultant ».

Une infraction passible de 3 ans de prison

Insulter le représentant d’un État étranger constitue, en Allemagne, un délit passible de trois ans de prison, selon le paragraphe 103 du Code pénal, qui protège l’honneur des chefs d’États étrangers.

Pour être actionné, la loi allemande stipule que :

  1. l’État concerné doit réclamer la poursuite pénale des insultes, ce que la Turquie a fait.
  2. Le gouvernement allemand doit autoriser que la justice entame la procédure, ce qu’elle vient de faire.

La chancelière allemande a tranché. L’Allemagne a accepté de poursuivre l’humoriste.

Selon le quotidien Nordwest Zeitung, si on en est arrivé là, c’est parce que Angela Merkel s’est soumise au diktat d’un dictateur musulman. « Elle n’aurait jamais dû appeler le Premier ministre turc pour reconnaître que ce poème était délibérément insultant » rapporte le quotidien allemand.

Le paragraphe du code pénal doit être appliqué, même si, politique dictatoriale oblige, Erdoğan mérite d’être injurié.

Der Standard a fait remarquer, cependant, que l’introduction du poème est passée inaperçu : Böhmermann ne visait pas Erdoğan mais à montrer les limites de la liberté d’expression en Allemagne.

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Il voulait démontrer les vraies limites entre satire et diffamation. Il vient certainement de le faire, à ses dépens.

« ce qui vient maintenant, a déclaré Böhmermann en introduction, on n’a pas le droit de le faire. Diffusé en public, c’est interdit en Allemagne ».

Se sachant poursuivi en justice, il s’est félicité d’avoir démontré où sont les limites pour la satire.

Handelsblatt le prend au mot, et dit à l’humoriste qu’il doit assumer ses responsabilités :

« Jan Böhmermann n’a pas dévoilé un scandale, il a créé de toutes pièces une agitation artificielle en usant de provocation ciblée », estime le quotidien qui ajoute : « pour les fans de Böhmermann, les ennemis sont une fois de plus le gouvernement allemand, ce grand benêt, le système pourri, mais aussi la télévision publique qui a stupidement retiré de sa médiathèque l’émission controversée. Et le seul gagnant de l’histoire, c’est Böhmermann, lui qui ironise sur tout avec sa méta-critique ».

Ce n’est pas, en revanche, l’avis de son confrère BERLINER ZEITUNG, pour qui l’affaire Böhmermann doit être regardée de l’angle suivant : sa critique injurieuse était un pari, une façon de voir si les médias, les tribunaux et les élus se comporteraient comme il l’escomptait. Or s’il devait gagner ce pari, conclue le journal, alors nous aurions tous perdu.

Quelle que soit la façon de regarder les choses, ZDF a supprimé le poème contre Erdogan, les rédactions françaises peuvent se regarder dans la glace, elles ne l’aurait pas diffusé.

Ma conclusion :

Si j’aime tant la liberté d’expression, c’est parce que la limiter est un formidable outil de répression entre les mains du pouvoir, pas un outil de promotion des Droits fondamentaux. Suivez mon regard.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

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