Publié par Magali Marc le 8 mai 2016

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Ces jours-ci, nous nous inquiétons à juste titre pour les Chrétiens d’Orient qui sont persécutés, chassés, massacrés et dont les églises sont brûlées en Irak et en Syrie mais aussi en Égypte et au Liban, sans parler de ceux qui vivent en Judée/Samarie sous la coupe de l’Autorité Palestinienne.

Les médias de masse en parlent peu et on a l’impression que personne ne leur porte secours.

En examinant les interviews et les interventions récentes de certains Patriarches des églises d’Orient, on se rend compte que ces derniers souhaitent surtout que les Chrétiens d’Orient restent là où ils sont.

Les actions et les paroles récentes du Pape François revenant de Lesbos ont été une désagréable surprise, pour dire le moins. Car enfin, non seulement le Saint-Père ramenait trois couples de réfugiés musulmans mais en outre il en rajoutait sur l’apport bénéfique des hordes de réfugiés mahométans en Europe !

J’ai réagi (voir mon article sur Dreuz du 20 avril dernier) en prenant la défense du Souverain Pontife, estimant qu’il faisait la leçon aux pays à majorités musulmanes qui ne font pas grand chose pour aider leurs coreligionnaires.

Depuis, celui-ci en a remis dans l’exhortation à accueillir les réfugiés musulmans en Europe alors qu’ils arrivent en masse et que lui n’en a ramené que 12 dont les papiers étaient en règle et qui ne franchiront pas les murs du Vatican comme l’a fort bien souligné Rosaly (7 mai 2016).

De là à penser que le Pape François préconise la soumission à l’Islam, il n’y a qu’un pas que certains ont vite franchi.

On n’a pas manqué d’adresser à François le reproche de ne pas suffisamment s’occuper des Chrétiens d’Orient qui ont davantage besoin de sa sollicitude !

Pourquoi les patriarches maronites, coptes ou melkites chargés de veiller sur leurs ouailles respectives, ne sont jamais interpellés ?

Mais pourquoi le Saint-Père serait-il responsable de la pénible situation des Chrétiens d’Orient qui, à part une infime minorité de Catholiques, ne reconnaissent pas son autorité ?

Pourquoi les patriarches maronites, coptes ou melkites qui eux sont chargés de veiller sur leurs ouailles respectives, ne sont jamais interpellés ?

J’ai trouvé des interventions récentes de certains patriarches ainsi que des textes d’Hélios d’Alexandrie ou du Père Arbez et je me suis rendu compte que j’étais passée à côté d’une dimension inquiétante de la problématique des Chrétiens d’Orient : la plupart des patriarches ont réagi aux persécutions de leurs commettants en les enjoignant de ne pas partir et de souffrir pour témoigner du Christ devant leurs persécuteurs.

  • Le patriarche de l’Église catholique chaldéenne d’Iran, qui vit en Irak, Louis Raphaël Ier Sako, écrivait aux aux fidèles de l’Église catholique chaldéenne d’Iran, le 29 mai 2015 :
    « Vous êtes Iraniens et non descendants d’une communauté étrangère …» Puis il soulignait « la paix et la stabilité » dont jouissent les chrétiens iraniens « dans (leur) pays bien-aimé », ainsi que le « dialogue positif avec le gouvernement et les autorités religieuses en Iran» et invitait les Chrétiens iraniens « à rester proches de (leur) pays », précisant que l’Iran était habité par des Chrétiens « bien avant l’arrivée de l’islam ».
  • Le 30 mars dernier, on pouvait lire dans le Figaro l’appel du Patriarche Grégoire III, le chef de l’Eglise orientale des grecs melkites qui demandait aux pays occidentaux d’aider les Chrétiens à rester en Syrie.
    « Nous appelons toutes les victimes (NDLR: des rebelles), qu’elles soient civiles ou militaires, des martyrs … À cause de cette guerre, où ont surgi Daech et les takfiris (NDLR: ceux qui prônent un islam sectaire), beaucoup de gens ont quitté le pays. Beaucoup de ceux qui sont partis étaient des terroristes. Ils veulent détruire, non seulement la Syrie, mais aussi l’Europe … Notre plus gros problème, c’est l’émigration. Cinquante docteurs sont partis rien que dans notre communauté. Nous devons aider les gens à rester, à ne pas partir …»

 

J’invite ceux que ces interventions surprennent à relire ce qu’écrivait Hélios d’Alexandrie pour le site Poste de Veille en juin 2013 :

« Les minorités chrétiennes n’osent dénoncer clairement leurs persécuteurs, les évêques catholiques d’Égypte, de Palestine, de Syrie, d’Irak et du Liban ont unanimement désigné l’État d’Israël comme responsable des maux qui affligent les communautés chrétiennes orientales. C’était il y a deux ans dans une conférence convoquée par le Pape Benoit XVI au Vatican. Un seul prélat a eu le cran de dénoncer le vrai responsable : l’islam. Peut-on parler dans ce cas d’un syndrome de Stockholm à l’échelle de toute une région?…»

«… Contrairement aux juifs, les chrétiens du Moyen-Orient ont préféré miser sur le loyalisme, qui dans leur cas a pris trois formes : loyalisme politique aux États arabes et aux régimes qui les gouvernent, loyalisme politico-culturel à l’arabité et à l’arabisme, loyalisme religieux lequel consacre la domination des musulmans et la sujétion des chrétiens. En retour de ces témoignages de loyauté, les chrétiens s’attendaient à être reconnus et acceptés à défaut d’être considérés comme égaux aux musulmans. C’était pour eux acheter trop cher la paix, tellement cher qu’il leur est difficile à présent d’admettre avoir fait un marché de dupe. En terre d’islam un non-musulman ne peut au mieux qu’être toléré et cette tolérance n’est jamais un droit.»

L’Abbé Arbez, quant à lui, écrivait sur Dreuz en 2014 à propos du Patriarche maronite :

«J’étais à Jérusalem en l’an 2000 … Invité, en tant que prêtre genevois de passage à Jérusalem, par le Patriarche Sabbah à sa table au Patriarcat Latin, …. Au cours du repas, le Patriarche d’alors, d’origine jordanienne, me dit, … : ‘Vous savez, nous Arabes Palestiniens, sommes les descendants des Apôtres de Jésus !’

Instinctivement, je lui répondis :

« Monseigneur, je ne vous comprends pas bien. Les Apôtres de Jésus étaient comme lui des hommes du pays, de la Judée, pays des Juifs, ou de la Galilée. Le premier message apostolique s’est nourri de la tradition d’Israël dont il se voulait la continuité. Les Arabes, quant à eux, sont venus d’Arabie, au moment de l’islamisation de la région par l’épée, mais surtout pour la plupart, au début du 20ème siècle, lorsque les Juifs, enfin de retour sur leur terre ancestrale, ont remis en valeur l’économie locale. Je ne saisis pas bien le sens historique de votre propos… »

Le Patriarche reprit : ‘Mais vous pouvez lire dans Les Actes des Apôtres que lors de la Pentecôte, parmi les peuples présents à Jérusalem, il y avait des Arabes’.

Monseigneur, lui dis-je, les Arabes présents à Jérusalem, comme les Mèdes ou les Perses dont il est question, sont tout simplement des Juifs venant de ces pays mentionnés et qui sont là comme chaque année aux grandes fêtes de pèlerinage comme la Pâque juive ou comme Shavouot …

Mais son secrétaire, après le repas, me fit la réflexion suivante, d’un air réprobateur : ‘Contrairement à ce que vous semblez penser, vous devez savoir qu’Israël n’est qu’une parenthèse de l’histoire ! Israël croit qu’avec la force il gagnera sur les Palestiniens. Mais vous verrez, dans quelques semaines, des événements vous démontreront le contraire’.

Cet aspect de la pensée négationniste (ou néga-sioniste) du Patriarche (et de nombreux dignitaires arabes chrétiens) apparaît clairement dans son ouvrage publié quelque temps après, (« Paix sur Jérusalem ») un manifeste élaborant une théologie palestiniste de remplacement en parfaite contradiction avec la pensée de Vatican II mais surtout avec l’action providentielle des trois décennies de pontificat de Jean Paul II au service du rapprochement judéo-chrétien. …»

Et l’Abbé Arbez de conclure :

« … Si l’Eglise ne réagit pas avec intelligence et promptitude, c’est l’histoire qui sera juge de cette pensée néo-marcionite encore si virulente parmi les chrétientés du Proche-Orient et hélas de plus en plus infiltrée dans les mentalités occidentales, puisque encouragée par un antisémitisme musulman complaisamment relayé par les médias.»

À propos des Coptes, Hélios d’Alexandrie écrivait en janvier 2008 :

« De la même façon que … certains coptes ont été plus indépendantistes et anti-anglais que les Égyptiens musulmans, certains chrétiens d’Orient tel Michel Aflaq, père spirituel du mouvement Baath, se sont montrés plus arabes que leurs compatriotes musulmans et ont fait la promotion du nationalisme panarabe.

Le dénominateur commun de tout ce beau monde était la volonté de mettre l’appartenance nationale au-dessus de l’appartenance ethnique ou religieuse, une façon comme une autre de surmonter le statut de minoritaire et accéder à l’égalité. Pour Edward Saïd, il s’agissait de faire la preuve de sa contribution à anéantir les colonisateurs occidentaux, plus particulièrement les «colonisateurs culturels» incarnés par les orientalistes, afin d’accéder, en tant que minoritaire chrétien, à la reconnaissance des musulmans et au statut d’égal que son origine religieuse lui interdisait.»

Conclusion

Qui se souvient des interventions du Pape François en 2014 et 2015 ?

  • En novembre 2014, lors de son voyage en Turquie, François a souligné la nécessité d’une véritable liberté religieuse. Il a demandé que le fondamentalisme (sous-entendu musulman) soit rejeté.
  • le 6 décembre 2014, il déclarait :
    « Les chrétiens sont en train d’être chassés du Moyen-orient, dans la souffrance ..C’est surtout par la faute d’un groupe extrémiste et fondamentaliste que ces communautés, spécialement les chrétiens et les Yézidis, mais d’autres également, sont parties, et que toutes sont victimes de violences inhumaines à cause de leur identité ethnique et religieuse … Il semble que ces gens ne veuillent pas que nous soyons chrétiens.»
  • En avril 2015, il a clairement évoqué, pour la première fois, le génocide arménien déclenchant la colère de la Turquie. Le mot “génocide” au sujet des Arméniens est en effet tabou en Turquie. Jean Paul II l’avait écrit, mais le Pape François l’a prononcé depuis la basilique Saint-Pierre.

Les Patriarches, par contre, en ont remis dans le lèche-babouches.

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  • Le 25 janvier dernier, le Patriarche Grégoire III, déclarait :
    « Nous, les chrétiens arabes, défendons toujours l’Islam et nos frères musulmans – personne ne défend l’islam comme les chrétiens arabes.»

Il disait cela malgré le fait que ses «frères musulmans» aient saisi l’Eglise grecque melkite catholique de Notre-Dame de l’Annonciation, et aient enlevé tous les icônes et les croix et toute trace de christianisme pour en faire leur quartier général.

  • le 19 février 2016, Le clergé catholique d’Israël mené par le Patriarche latin Fouad Twal a accusé Israël d’être responsable du cycle de violence palestinienne! « La politique israélienne crée le désespoir et la frustration, amenant les Palestiniens à des actes de terrorisme!».

L’Assemblée ordinaire du Clergé représentant les archevêques et les prêtres d’Israël, de l’Autorité Palestinienne, de Jordanie et de Chypre se sont réunis pour faire parvenir leurs positions à travers la Commission pour la Justice et la Paix. Dans leur déclaration, ils ont décrit la situation des Palestiniens comme « inhumaine » et ont affirmé que « les colonies, le siège de Gaza, le siège du reste de la Palestine, les checkpoints militaires et le comportement arbitraire des soldats humiliaient les Palestiniens et avaient engendré 5 mois de terreur.»

  • Le 30 mars 2016, on pouvait lire dans le Figaro l’appel du Pape François lancé à «tous les dirigeants musulmans du monde, politiques, religieux, universitaires» à «se prononcer clairement contre la violence des djihadistes ».
    Sans prétention aucune à faire de l’humour noir, des dignitaires musulmans ont exhorté les Chrétiens du Moyen-Orient à ne pas fuir la région malgré les persécutions des groupes djihadistes.

Qu’est-il arrivé au Pape François entre son quasi-appel à la guerre sainte en août 2014 alors qu’il demandait une intervention militaire pour stopper l’État Islamique et son voyage à Lesbos en avril 2016?

Le saint-Père s’est-il fait «recadrer» par les Patriarches du Moyen Orient soucieux de sauver leurs boutiques et de conserver une clientèle qui a tendance à prendre la poudre d’escampette plutôt que de se laisser martyriser et cela au risque de tomber dans les bras de la concurrence romaine ?
J’ai l’impression que pour les Patriarches, le martyre des Chrétiens d’Orient est une bénédiction et l’Occident où ils veulent se réfugier, le lieu de tous les dangers.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Magali Marc (@magalimarc15) pour Dreuz.info.

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