Publié par Magali Marc le 7 novembre 2023

Initialement publié le 6 septembre 2016 @ 10:21

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Le complexe de culpabilité de l’Occident, c’est avant tout celui des gauchistes qui, passant de l’anticolonialisme au tiers-mondisme, puis à l’anti-racisme, se sont portés à la défense des «damnés de la terre», ceux envers lesquels l’Occident devait expier ses crimes colonialistes.

Les derniers «damnés» en liste que les gauchistes défendent bec et ongle sont les Arabes falestiniens, victimes de la «colonisation» israélienne.

On comprend mieux pourquoi les gauchistes comme Noam Chomsky ou Jean Ziegler se sont évertués à prendre la défense du Tiers-Monde contre l’Occident si on lit Le Sanglot de l’Homme blanc* (1983), de Pascal Bruckner.

Bruckner décrypte comment pour l’intelligentsia de gauche, depuis la deuxième guerre mondiale, la naissance du Tiers-Monde comme force politique a engendré le militantisme expiatoire.

Le capitalisme comme péché originel

Rosa Luxembourg, en 1905, ne se gênait pas pour affirmer que les socialistes modernes étaient plus fidèles aux préceptes originels du christianisme que le clergé.

Puisque les socialistes se battaient pour un ordre social d’égalité, de liberté et de fraternité, les prêtres devraient accueillir favorablement leur mouvement, s’ils voulaient honnêtement appliquer dans la vie de l’humanité le précepte chrétien « Aime ton prochain comme toi-même ».

Selon elle, les premiers Apôtres du christianisme étaient des communistes passionnés et les Pères et premiers Docteurs de l’Eglise dénonçaient l’injustice sociale. (Rosa Luxembourg d’après Michael Löwy (Article paru dans la revue Contretemps, n° 12, février 2005).

Ainsi, Bruckner cite Georges Montaron, éditorialiste de Témoignage chrétien, qui prétendait en 1969 que Jésus-Christ était un réfugié palestinien !

On voit d’où est venue l’idée de Mahmoud Abbas de s’approprier le Christ chaque fois que nous fêtons la nativité.

Tous les conflits qui ne correspondaient pas au schéma culpabilisant de la gauche anti-impérialiste – les deux guerres du Cachemire, le conflit indo-pakistanais, l’affrontement de l’Érythrée contre l’Éthiopie ou le génocide du Biafra – furent relégués aux «basses fosses du silence» nous dit Bruckner.

Seuls les conflits permettant d’exprimer la détestation de l’Amérique ou de leurs alliés Anglo-saxons trouvaient grâce à leurs yeux.

La guerre du Vietnam, la Révolution culturelle en Chine, l’embargo contre Cuba, la chute d’Allende, la guerre des Malouines, les Sandinistes au Nicaragua se prêtaient à l’application de la grille marxiste et à la glorification des héros du Tiers-Monde – Mao et ses gardes rouges, Fidel Castro, Che Guevara, véritable figure christique des gauchistes occidentaux, Yasser Arafat – et bénéficiaient d’une couverture médiatique complaisante.

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L’Apologie de la violence

Face à la Révolution culturelle en Chine. «le dédain des faits» inhérent à l’enthousiasme des gauchistes, a fait en sorte qu’ils ont gobé avec délectation les mensonges de la propagande maoïste.

En ce qui a trait à la Révolution iranienne, les gauchistes y ont vu une révolte non seulement contre l’impérialisme ou le capital, mais aussi contre l’Occident dans son acception culturelle globale.

Ils célébrèrent le raz de marée qui balaierait les bastides gangrenées du Nord.

En revanche, le conflit israélo-arabe combinait de façon inédite la problématique Nord-Sud.

« La haine de l’Occident passe par la haine des Juifs », écrit Bruckner et plus on se déplace vers la gauche dans l’éventail politique – en France comme en Allemagne – plus les critiques à l’égard d’Israël se font virulentes.

C’est que la gauche a transféré contre l’État hébreu son anti-occidentalisme de principe.

Et les sympathies se sont portées vers les islamistes.

Selon Bruckner, l’Ayatollah Khomeini, un vieillard qui avançait mains nues contre un monarque corrompu et la plus puissante armée de l’Asie centrale, représentait la victoire du bien contre le mal, la transfusion du spirituel dans le politique.

Le renversement du shah était imputable à un retour du sacré.

Bruckner cite Jean Baudrillard :

«Que ce soit au prix du fanatisme religieux, du terrorisme moral ou d’une barbarie moyenâgeuse, tant pis ou tant mieux, c’est sans importance; il est vrai que seule la virulence rituelle, pas du tout archaïque, la violence actuelle d’une religion, d’une tribalité qui refuse les modèles de la libre société occidentale pouvait lancer un défi réel à cet ordre mondial |…|» (Le Monde, 13 février 1980)

En Iran, Dieu avait pris parti contre l’Amérique et avait chargé Khomeyni de le faire savoir.

Faisant sans vergogne l’apologie de la violence, les gauchistes refusaient de prendre en compte les tortures, les massacres perpétrés au nom d’Allah le miséricordieux et les chroniqueurs dans les médias minimisaient ou disculpaient l’élimination des minorités nationales ou religieuses.

Les gauchistes applaudissaient le fanatisme et le chauvinisme des mollahs, rappelle Bruckner.

Rappelons pour mémoire que Khomeyni a créé le corps des Gardiens de la Révolution (les Pasdarans) qui ont utilisé des milliers de jeunes inexpérimentés lors de la guerre contre l’Irak.

Au cours de l’été 1988, la République Islamique d’Iran organisait l’exécution de quelque 30 000 prisonniers politiques, pour la plupart membres de l’Organisation des moudjahiddines du peuple iranien.

Khomeyni était donc très loin de l’image de « Saint Homme », que lui avait attribuée un peu trop vite le gauchiste président Carter. Il n’était pas non plus le « Gandhi iranien » dont parlait le journal Le Monde et il utilisait les méthodes oppressives qui avaient été dénoncées sous la dictature du shah.

Le 27 septembre 2001, L’Express publiait un article d’Alain Louyot qui mentionnait que :

« …Au total, plus de 100 000 enfants iraniens de moins de 16 ans ont été jetés dans la fournaise de la guerre Iran-Irak dans les années 80. La plupart de ces petits martyrs endoctrinés étaient certes issus de familles parmi les plus pauvres (mostazafin) de la société iranienne et l’on avait promis à leurs parents une substantielle rente si leur enfant tombait au champ d’honneur. Mais, lorsque Ali et ses camarades franchirent, en criant «Allah o akbar!» (Dieu est le plus grand), le rempart de sacs de sable qui les séparait de l’au-delà, ces considérations matérielles ne pesaient pas bien lourd à côté de l’ordre de mission sacrée donné en février 1984 par l’hodjatoleslam Hachemi Rafsandjani, président du Parlement de Téhéran: «Tous les Iraniens de 12 à 72 ans doivent être volontaires pour la guerre sainte! »

C’est à cela que les gauchistes avaient applaudi.

Plus tard, lors du soi-disant «Printemps arabe», les mêmes erreurs de perception de la réalité sur le terrain ont été commises par les médias avec le même résultat: les islamistes ont pris le pouvoir et tenté d’imposer la loi islamique avec plus ou moins de succès en Tunisie, en Libye et sans succès en Égypte.

En Syrie, on est encore enfoncé dans une guerre civile où une chatte ne reconnaîtrait pas ses petits.

L’anti-racisme

Les gauchistes parlent des musulmans et agissent envers eux comme s’ils avaient affaire à des demeurés

Les gauchistes font mine de défendre ceux qui parmi les Arabos-musulmans se livrent à des actes de vandalisme ou rejoignent l’ÉI, mais en vérité les méprisent bien plus que leurs arguments anti-racistes ne pourraient le faire croire.

Selon les gauchistes, les Arabos-musulmans ne sont pas assez intelligents pour comprendre tout seuls pourquoi leur intégration dans l’Occident judéo-chrétien pose problème. Il faut tout leur mâcher, leur faire comprendre qu’ils ont des droits et qu’ils sont victimes du racisme, de l’exclusion, de l’islamophobie.

Les gauchistes parlent des musulmans et agissent envers eux comme s’ils avaient affaire à des demeurés, incapables de se responsabiliser et de se prendre en mains.

D’aucuns accusent les identitaires et les nationalistes de se croire moralement supérieurs.

Mais quand on relit des auteurs gauchistes tel Jean Ziegler, on voit bien que ce sont les gauchistes qui donnent des leçons de morale.

Même si on peut démontrer que les Arabos-musulmans se sont livrés à des guerres de conquêtes, à des pillages et en sont venus à dominer le Moyen Orient avant les guerres de conquête des Ottomans, les gauchistes continuent de les considérer comme des attardés irresponsables, exploités ou laissés pour compte par les capitalistes occidentaux.

Pour mieux les défendre et les justifier, la gauche a inventé la cause anti-raciste.

Mais Jean François Revel ne s’y est pas trompé.

Alain Laurent dans un article paru dans la revue de l’ALEPS de juillet 2007 sous le titre: « (Re)lire Jean-François Revel », écrivait :

«Jean-François Revel a repéré le véritable et idéologiquement tyrannique héritier du socialo-communisme dans l’«anti-racisme», transformé en machine à stigmatiser et ostraciser ceux qui n’acceptent pas de céder au diktat d’un multiculturalisme fourrier de l’islamisation des sociétés ouvertes. Il s’en avise très tôt, dès le printemps 1992: « On se demande souvent quelle idéologie va remplacer le socialisme. Mais elle est déjà là sous nos yeux : c’est l’anti-racisme. Entendons-nous bien: l’antiracisme dont je parle n’a pas pour but réel de servir de lutte contre le racisme, pas plus que le socialisme n’avait pour but réel de lutter contre la pauvreté et l’inégalité. Comme toutes les idéologies, celle de l’anti-racisme se propose non de servir ceux qu’elle prétend délivrer, mais d’asservir ceux qu’elle vise à enrôler (…)»

Revel n’était pas plus tendre avec l’islam, autre tabou qui tétanise les esprits faibles et engendre des cohortes d’idiots utiles de l’anti-racisme.

On lui doit une lumineuse définition de la vraie laïcité:

« Si la laïcité entretient un lien intime avec la démocratie, c’est que celle-ci respecte la liberté de tous les cultes et refuse l’intrusion de l’un ou l’autre de ces cultes dans la sphère publique, laquelle doit rester neutre » – (avis à la sainte alliance Vatican-La Mecque !).

Selon Revel, « l’islam, depuis ses origines, se définit et se vit comme indissociable du pouvoir et de l’organisation de la société tout entière. Il ne tolère pas la séparation du civil et du religieux sur laquelle reposent les États modernes » (Le Point, 24 avril 1897).

Lors d’un entretien avec le Figarovox le 22 juillet dernier, Laurent Bouvet 1 expliquait les rouages de l’islamo-gauchisme:

«Toute une partie de la gauche, politique, associative, syndicale, intellectuelle…, orpheline du grand récit socialiste et communiste, va trouver dans ce combat pour ces nouveaux damnés de la terre sa raison d’être …

Pour toute une partie de la gauche, chez les intellectuels notamment, tout ceci est devenu une doxa.

Tout questionnement, toute remise en question, toute critique étant instantanément considérée à la fois comme une mécompréhension tragique de la société, de l’Histoire et des véritables enjeux contemporains, comme une atteinte insupportable au Bien, à la seule et unique morale, et comme le signe d’une attitude profondément réactionnaire, raciste, «islamophobe», etc.

C’est pour cette raison me semble-t-il que l’on retrouve aujourd’hui dans le débat intellectuel et plus largement public, une violence que l’on avait oubliée depuis l’époque de la Guerre froide.

Tout désaccord, toute nuance, tout questionnement est immédiatement disqualifié. »

Conclusion

La “tolérance musulmane” est à sens unique. Elle est celle que les musulmans exigent pour eux seuls et qu’ils ne déploient jamais envers les autres

Pour Revel, tant l’idée d’un « islam tolérant » que celle de « musulmans modérés » paraissaient relever de l’imposture:

« J’ai lu dans ma vie maints textes de plusieurs musulmans ou spécialistes occidentaux du Coran selon lesquels l’islam serait une religion par essence des plus tolérantes. Mais il doit s’agir d’une essence bien cachée, bien secrète, car j’en ai rarement vu la moindre manifestation dans la pratique » écrivait-il dans Le Regain démocratique* (1992, p. 363) ;

Il persiste et signe dix ans plus tard dans L’Obsession anti-américaine*:

« La “tolérance musulmane” est à sens unique. Elle est celle que les musulmans exigent pour eux seuls et qu’ils ne déploient jamais envers les autres (p. 125). »

Quant aux fameux « musulmans modérés » tellement majoritaires dont parlent toujours les dévots du politiquement correct -ce qui englobe en ce domaine pratiquement tout le monde, y compris, hélas, beaucoup de libéraux- Revel avait beau désespérément tendre l’oreille et écarquiller les yeux, il n’en entendait ni ne voyait guère : « On souhaiterait parfois que cette majorité supposée (modérée) se prononce de façon plus ouverte, se manifeste de façon plus massive contre l’intolérance des extrémistes. Son silence est accablant » (Le Point, 2 mars 1996).

Il en remet une louche dans L’Obsession en 2002 :

« La notion que « l’immense majorité » des musulmans fixés en Europe serait modérée se révèle n’être qu’un rêve, ce qui fut mis spectaculairement en lumière durant les deux mois qui suivirent les attentats contre les États-Unis » (p. 128).

Et encore l’ami Jean-François n’a-t-il pu commenter l’affligeante réaction de ces mêmes prétendus « modérés » lors de l’affaire des « caricatures de Mahomet » ou celle de Robert Redeker.

C’est à cette mascarade que les gauchistes, autant Angela Merkel que le Pape François et les autres, ne veulent pas renoncer, quitte à continuer de stigmatiser Israël et à faire semblant de promouvoir un accord de paix ou une «solution à deux États» à laquelle plus personne ne croit.

Dans sa conclusion, Bruckner rappelle que l’État d’Israël « sert à la fois de modèle et de repoussoir pour une Europe gagnée depuis trop longtemps à l’incertitude et à la mollesse. Ces «Cosaques parlant hébreu» (le mot est de Begin à propos de Sharon) dépourvus de toute mauvaise conscience et qui ravivent le mythe du fondateur et du soldat, nous rappellent(…) qu’une société n’est forte qu’à ses débuts, lorsqu’elle a la volonté de se battre et de s’imposer.»

« Qu’on l’approuve ou non, on ne peut pas ne pas reconnaître en Israël un passé proche et une invitation toujours vivace à la résistance.»

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Magali Marc (@magalimarc15) pour Dreuz.info.

1Laurent Bouvet est professeur de Science politique à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Il a publié L’insécurité culturelle* chez Fayard en 2015.

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