Publié par Pierre Lurçat le 7 octobre 2016

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Dans le concert international de louanges et de superlatifs qui ont entouré le président Shimon Pérès, décédé la semaine dernière, on retiendra surtout celui de “dernier des pères fondateurs d’Israël” et de “bâtisseur du complexe militaro-industriel israélien”, ou de manière plus explicite encore, “père de l’arme nucléaire israélienne”. A présent que Pérès a été conduit à sa dernière demeure, l’obligation de faire l’éloge du défunt fait place à une autre obligation, beaucoup plus lourde de conséquences : celle d’évaluer avec lucidité ses réalisations politiques et de porter un jugement dénué de complaisance sur celui qui fut un acteur incontournable de la politique israélienne depuis soixante ans.

La réalité est évidemment moins rose que le portrait dressé par les commentateurs de tous bords. Pérès, comme Ariel Sharon avant lui et sans doute plus encore, avait en effet le double visage d’un Janus de la vie politique israélienne : Dr Jekyll et Mr Hyde, ou pour dire les choses autrement, celui d’un bulldozer capable de construire comme de détruire. Mais dans le cas de Pérès, ses capacités destructrices ont été employées sur une période bien plus longue et avec des conséquences bien plus graves encore que dans le cas du héros de la guerre de Kippour.

Comme l’écrivait Caroline Glick en 2014 [1], à l’occasion de la fin du mandat présidentiel de Shimon Pérès, “sa popularité parmi les jet-setters ne s’est jamais traduite en soutien international à l’Etat d’Israël… Pis encore : la popularité internationale de Pérès a toujours grandi en proportion inverse à celle d’Israël. Plus il a ajouté de stars d’Hollywood à sa collection, plus l’isolement international d’Israël s’est aggravé. Cela est logique. Car depuis que Pérès est devenu l’architecte du soi-disant ‘processus de paix’ avec l’OLP en 1993, le monde extérieur a pris l’habitude de l’embrasser pour mieux dissimuler son hostilité à Israël”.

Mais il ne s’agit pas simplement du capital sympathie et du statut international d’Israël parmi les nations : ce qui est en jeu avec l’action politique et diplomatique de Shimon Pérès depuis Oslo, n’est ni plus ni moins que la survie d’Israël face à ses ennemis.

Caroline Glick poursuit : “L’héritage le plus important de Pérès est l’arsenal nucléaire qu’il laisse… Non, pas celui supposé d’Israël, dont même les critiques de Pérès lui attribuent la paternité. L’héritage de Pérès sera l’arsenal nucléaire iranien”.

En effet, comme le rapporte Glick – dont les propos ont reçu la semaine dernière une confirmation indubitable de la bouche du président Pérès lui-même – c’est Shimon Pérès qui est le principal responsable de l’avortement du projet israélien d’attaque des installations nucléaires iraniennes.

Pendant des années, de nombreux Israéliens et partisans d’Israël aux Etats-Unis, dans les Etats arabes sunnites du Golfe et même en France se sont creusés la tête pour comprendre pourquoi Israël n’avait pas encore frappé les installations nucléaires iraniennes. Nous venons de recevoir la réponse.

L’enquête de la police israélienne sur la conduite illégale de l’ancien chef d’état-major Gabi Ashkénazi a révélé la source de la paralysie israélienne. En effet, le triumvirat des chefs de la sécurité israélienne entre 2008 et 2011 –  Ashkénazi, le chef du Mossad Meir Dagan et le directeur du Shin Beth [services de sécurité intérieure] Avi Dichter – se sont concertés, sous la direction apparente de Pérès, pour contrecarrer les plans du Premier ministre de l’époque Benjamin Nétanyahou et du ministre de la Défense Ehoud Barak.

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Selon une information publiée dans Haaretz mercredi, entre 2008 et 2011, les quatre hommes ont ébruité des plans et des discussions concernant des attaques éventuelles israéliennes contre l’Iran dans les médias, afin d’empêcher qu’elles ne soient mises en application. Ces quatre hommes [Pérès, Ashkenazi, Dagan et Dichter] étaient opposés à une frappe israélienne contre les installations nucléaires iraniennes et ont rejeté avec force toute opération israélienne non coordonnée avec les Etats-Unis”.

L’explication donnée par Caroline Glick – une des observatrices les plus lucides de la scène politique israélienne depuis deux décennies – en 2014 vient de recevoir la confirmation, à titre posthume, du principal intéressé, Shimon Pérès en personne. Dans une interview donnée au Jerusalem Post le 24 août 2014, qui a été tenue secrète jusqu’à ce jour, Pérès a affirmé que la plus grande “réussite” de sa présidence avait été d’empêcher Nétanyahou d’attaquer l’Iran. L’échange a été rapporté par Steve Linde la semaine dernière [2]:

“Pérès : j’ai empêché Nétanyahou d’attaquer l’Iran.

Steve Linde : Pouvez-vous m’en dire plus?

Pérès : Je ne veux pas entrer dans les détails, mais je peux vous dire qu’il était déjà prêt à lancer une attaque et que je l’ai arrêté…

Linde : Pouvons-nous le publier?

Pérès : Lorsque je serai mort”.

Le testament de Pérès est donc à présent connu du public. L’Iran pourra disposer de la bombe atomique, notamment grâce à son intervention pour contrecarrer une attaque israélienne.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Pierre Lurçat pour Dreuz.info.

* Avocat et écrivain, vient de publier « La trahison des clercs d’Israël » chez La Maison d’Edition lamaisondedition.com

[1] carolineglick.com

[2] www.jpost.com

 

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