«Le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement est d’ordinaire celui où il commence à se réformer.» Alexis de Tocqueville
Le deuxième tour de l’élection primaire organisée par les républicains a opposé deux projets qui défendent le même modèle de société qui est celui de l’État providence : l’un par Alain Juppé le défendant mordicus et l’autre de François Fillon entendant le réformer profondément. C’est le deuxième camp qui l’a emporté avec une marge considérable puisque deux électeurs sur trois l’ont soutenu. C’est un changement considérable de l’état d’esprit du corps électoral français.
Celui qui avait été surnommé «mister nobody» par des journalistes condescendants a su capter les espoirs des électeurs de droite qui ne voulaient pas du match Juppé & Sarkozy que leur avaient vendu ces mêmes journalistes. L’ancien Président de la République avait un énorme handicap à surmonter avec l’inventaire qui n’a jamais été dressé après sa défaite de 2012. «Pourquoi ferait-il demain ce qu’il n’a pas fait lorsqu’il était président ?» Les électeurs l’ont écarté au premier tour, car ils ne lui font plus confiance. Le deuxième enseignement de ce premier tour est l’écrasement des petits candidats à cause du vote utile. Jean-Frédéric Poisson a été la révélation avec sa vision conservatrice assumée voulant mettre à bas l’héritage progressiste de mai 1968. Mais les électeurs tentés par ce vote de conviction ont préféré jouer la carte Fillon pour empêcher le match Juppé & Sarkozy.
De part et d’autre de l’Atlantique, les peuples se réveillent et n’entendent plus suivre les élites
La percée considérable de Fillon alors qu’il végétait en quatrième position est à rapprocher de la vague de Donald Trump en Amérique le 8 novembre. Lui aussi était donné perdant par les sondages. 322 d’entre eux donnaient Hillary Clinton vainqueur.
De part et d’autre de l’Atlantique, les peuples se réveillent et n’entendent plus suivre les élites qui prônent l’abolition des frontières au profit d’un grand marché unifié où les migrants illégaux et les minorités ont plus de droits que les autochtones. Dans cette vision «heureuse du monde» inventée par Francis Fukuyama dans son essai «La fin de l’histoire et le dernier homme*» après l’effondrement du mur de Berlin et soutenue financièrement par le milliardaire George Soros, il n’y a qu’un seul vainqueur –the jet society ou l’élite hors-sol, et beaucoup de perdants : les classes moyennes et les pauvres.
Fillon avait une avance méconnue sur ses rivaux. Il avait établi un programme très élaboré qui était disponible sur la toile. C’est surprenant que des journalistes le découvrent aujourd’hui… Il n’a jamais été désarçonné par leurs questions lors des débats parce qu’il connaissait à fond ses dossiers. L’image forte du premier tour est celle de Bruno Le Maire incapable de répondre à la question de la suppression des postes de fonctionnaires. Il a balbutié qu’il fallait supprimer les emplois aidés.
Sur cette question de fond, Fillon réclame 500 000 suppressions alors que Juppé se contente de la moitié. Mais c’est là où le bât blesse.
Tous les deux ont une vision technocratique de gouverner en prônant un remplacement sur deux des départs à la retraite des fonctionnaires. Cette politique aveugle menée sous le quinquennat de Sarkozy a conduit à l’affaiblissement considérable des fonctions régaliennes de l’État. Les Français ont vu le résultat en 2015. Leur sécurité n’est plus assurée alors que c’est la première mission de l’Etat.
Fillon ouvrira la boîte de Pandore qu’il ne pourra plus refermer. Quand les assurés goûteront à la liberté, ils en réclameront davantage.
Pour faire court, il s’agit de recentrer le rôle de l’État providence obèse sur son carré régalien en ne conservant le statut de fonctionnaire que pour les agents des ministères de la Défense, de l’Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères. Tous les nouveaux agents des ministères non régaliens, des collectivités territoriales et des hôpitaux devraient être recrutés sur un contrat de droit privé. On ne peut pas supprimer le statut de fonctionnaire aux agents en activité, car la non-rétroactivité des lois est un principe général du droit défendu par la constitution et les conventions internationales.
Mister Nobody entend réformer la sécurité sociale qui est la colonne vertébrale de l’État providence en la déchargeant de la «bobologie» qui serait ouverte aux compagnies d’assurance et aux mutuelles. Ce faisant, il ouvrira la boîte de Pandore qu’il ne pourra plus refermer. Quand les assurés goûteront à la liberté, ils en réclameront davantage.
Autre écueil des réformes de Fillon, celui de l’âge légal du départ à la retraite qui serait porté à 65 ans. C’est encore un coup bas porté à l’encontre des «manuels» qui entrent plutôt que les «intellectuels» sur le marché du travail. Le seul critère qui vaille est de porter la durée d’activité à 40 ans (160 trimestres) pour tout le monde, y compris pour les régimes spéciaux qui doivent être éliminés et fondus dans le régime général.
Mais cette réforme du système des retraites par répartition n’est qu’une étape transitoire, car il faudra bien un jour remplacer cette formidable pyramide de Ponzi par le seul système viable sur le long terme qui est celui de la capitalisation.
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Comment assurer la transition du système de retraite par répartition vers la retraite par capitalisation ?
José Pinera, l’ancien ministre du général Pinochet au Chili, que j’ai eu l’honneur d’interviewer le 12 décembre 2010 avec Claude Reichman, est l’apôtre de la capitalisation.
Il a fait cette réforme le 1er mai 1981, la journée du travail, pour bien faire comprendre au peuple chilien que cette réforme était dans son intérêt. Le vieux général Pinochet n’était pas chaud, mais il céda à la fougue de son jeune ministre de 32 ans. Bien lui en prit. Le ratio de la dette du Chili par rapport à son PIB est de 17 % alors qu’il est de 97 % en France. Il n’était que de 5 % en 2005 quand la socialiste Michelle Bachelet a été élue présidente du Chili. Le socialisme ne crée que de la dette et de la misère, mais Bachelet n’a jamais remis en cause la retraite par capitalisation instaurée par Pinera. (www.tradingeconomics.com/chile)
La réforme de Pinera était fort simple à mettre en œuvre. Affecter sur la base du volontariat entre 8 % minima et 16 % maxima du salaire sur un compte d’épargne bloqué et non taxé. Cette épargne est composée à moitié d’obligations et d’actions. Quelques communistes enragés n’ont pas voulu participer, mais l’immense majorité des Chiliens a opté pour ce système pérenne de retraite.
Le plus tôt sera le mieux pour les Français, car cela apportera une épargne considérable aux entreprises privées.
N’en déplaise à l’énarchie keynésienne, c’est l’épargne et non pas le déficit budgétaire qui assure l’investissement des entreprises qui est le moteur de la croissance et de l’emploi.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Bernard Martoia pour Dreuz.info.
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situation moyenne d’artisan ,ouvrier ,commerçant ,le résultat des retraites est moyen ,néanmoins ,j’ai fait des économies dès le premier jour ,aujourd’hui ,je vis mieux,le viager paye depuis plus de 20 ans;j’ai connu des gens ayant une belle situation ,avec deus revenus ,un décès intervient et c’est la catastrophe!
« On ne peut pas supprimer le statut de fonctionnaire aux agents en activité, car la non-rétroactivité des lois est un principe général du droit défendu par la constitution et les conventions internationales. »
C’est possible en vertu de l’article XVII de la déclaration des Droits de l’Homme : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. » La nécessité de supprimer des postes ou des statuts peut être constatée selon des critères définis par la loi, et une indemnisation des personnes concernées doit être envisagée assez forte, mais ça ne paraît pas anticonstitutionnel. Par ailleurs, des exemples étrangers existent.
Reste que le principal problème des effectif de la fonction publique est celui de leur adéquation aux missions nécessaires. Le programme Fillon n’évoque pas le rapport entre le nombre d’agents et le travail à faire, il reste quantitatif et fera mal. Pour bien faire, il faut examiner les tâches réellement indispensables, simplifier les procédures en conséquence, déterminer combien il faut de personnes pour les accomplir, garder les meilleurs à ces postes, et fermer les autres postes.
Et ce ne sont pas 500 000 qu’on fermerait là, mais plutôt cinq ou six fois plus. Rien qu’en supprimant les mairies de moins de 20 000 habitants, et en ajustant les services des hôtels de ville restants pour qu’il n’y ait pas d’attente, on soulagerait les entreprises et les consommateurs. Mais celui qui proposera ça perdra le Sénat.
Très bon article. Très intéressant et une mine pour qui veut réfléchir sur la transition nécessaire d’un état à 57% du PIB, à un état recentré sur ses fonctions régaliennes, mais aussi un secteur marchand recentré sur sa fonction de production de richesse, un corps social (le peuple) recentré sur ses libertés et sa responsabilité de se prendre en charge.
Je ne vois pas une linéarité entre la suppression de postes de fonctionnaires et de l’affaiblissement du service public. Les fonctionnaires se créent plus de la moitié du travail qu’ils font et leurs propres entraves à leur efficacité. Souvenez-vous du livre par qui le scandale est arrivé « Débordé ! » (l’auteur, écrivain sous pseudo, démasqué, a été viré illico de l’Administration !).
On peut ici évoqué le cas de l’Education Nationale où on se plaint toujours d’un manque chronique d’enseignants et où les syndicats réclament sans faiblir l’embauche d’enseignants supplémentaires. Mais dans cette grande institution, plus d’une personne sur deux relève du personnel administratif et de fonctionnement sans que cela n’interpelle ! Les 59 étages de la tour Montparnasse ne suffiraient pas à abriter l’ensemble de *l’administration » de l’EN.
La gestion correcte de la fonction publique porte en soi de grande réserve en fonctionnaires et plus encore si cela passe par la privatisation des certaines fonctions dévolues actuellement à l’Etat (dans les transport dit public par exemple et pourquoi pas même dans la collecte de l’impôt !*). Ceux-ci pourraient alors être affectés aux fonctions régaliennes, en théorie (hors le problème de compétences spécifiques).
Il reste, bien évidemment, que pour la gendarmerie, la police, l’armée, la Justice, etc, l’embauche au renouvellement des compétences spécifiques à ces institutions est indispensable.
*Note : en France (chiffres 2015) le budget de la DGFiP est de 8.3 milliards, pour une recette de 558 milliards d’Euros, soit 1,5%. Il faut déduire de ce pourcentage le rôle de cette administration qui gère aussi les dépenses de fonctionnement de l’ensemble de l’Administration. Je pense qu’on peut estimer à 1 Euro env. le coût de la collecte pour 100 Euro.
La capitalisation lorsque les produits financiers n’ont plus de rendement ça semble compliqué aussi
A l’attention de Jean-Patrick Grumberg
Suite à votre article sur François Fillon :
En vidéo, une interview de François Fillon qui veut supprimer la durée légale du travail et laisser aux entreprises la liberté et la responsabilité du dialogue social sur ce sujet.
http://www.liberation.fr/video/2016/10/10/francois-fillon-entend-supprimer-la-duree-legale-du-travail_1520863
Bien à vous
barakat
oui, en même temps, ce que vous annoncez reste du pipi de chat, si dans le même temps, il n’y a pas un retour de la fixation des taux d’intérêts par une mécanisme de marché. Et là, toutes les droites du monde n’ont jamais eu le courage d’aborder le sujet, le projet des monétaristes n’étant qu’un placébo et non une solution pérenne.
fixation des taux d’intérêts par une mécanisme de marché.
la solution que j’ai prôné pendant dix ans est la suppression des banques centrales qui ne font que des bulles qui explosent un jour ou l’autre
Je ne peux qu’abonder dans ce sens. Suppression des taux directeurs. A la rigueur une banque d’Etat pour les dépenses.
La crise actuelle est due a un trop plein d epargne les taux bas en sony la preuve et non pas a la dette !
Quelle ignorance de l economie et surtout de la crise des annees 30.
non les banques centrales maintiennent artificiellement les taux directeurs à un taux trop bas pour rémunérer l’épargne; parce que ces grands esprits sont des keynésiens indécrottables
@B Martoïa
vous écrivez » Les Français ont vu le résultat en 2015. Leur sécurité n’est plus assurée alors que c’est la première mission de l’Etat. » Pensez-vous réellement que les attaques subies par les Français, sur leur sol, auraient été évitées avec plus de « fonctionnaires » (de police ou autre) ? Ne pensez-vous pas qu’il existe d’autres racines du mal ?
Pas un mot ! Pourtant Fillon a été très clair et c’est ce qui a fait son succès.
Etonnant cette capacité de destruction par les « pré-jugés » inhérente à tous ceux qui se prétendent de Droite et qui font oeuvre de promotion de la gauche !!!
Les propositions de Fillon sont alléchantes, mais il n’aura pas le courage d’en appliquer une seule. Il était au gouvernement avec Sarko, et a donc reculé avec lui.
Et s’il tempte quoique ce soit, alors il aura toute la gauche dans la rue, la grève des trains, ,d es postes…etc…
Il n’y a qu’une chose à faire en arrivant : Remettre en cause le syndicalisme, en reformant la constitution, supprimer les associations de gauche et les refiler à des gens de droite….Mais cela ne figure à aucun point de son programme.
Comment va-t-il faire s’il ne s’attaque pas aux syndicats en leur retirant le fincement des comités d’entreprise et provoquant d’autres élections qui permettront à des syndicats de droite de gérer cette énorme manne finacière, sans contrôle qu’est l’argent des CE ?
S’il ne désarme pas toutes ces associations de gauche, ces anti-racistes de pacotilles, le financement au cinéma de gauche….
Il sera figé. Alors il ne sert à rien.
Les seuls à avoir réduit les associations de gauche dans leurs mairies sont le FN.
A Droite tout le monde attendait la même chose, les militants se frottaient les mains de pouvoir accéder aux énormes subventions,voitures de fonction, beaux bureaux, et belle rémunérations des permanents—– rien, elles sont reparties dans les poches de la gauche.
A droite quand tu es militant tu as droit au Bénévolat !!!!
A gauche quand tu es militant tu as droit au pactole !!
Même quand c’est la droite qui gagne.