Publié par Eduardo Mackenzie le 5 février 2017

Personne ne sait ce qui se passe réellement dans les 26 «zones cantonales de normalisation et de transition», et dans les «camps de pré-regroupement temporaire» des FARC.

Dans beaucoup de ces lieux, contrôlés par des hommes armés de cette narco-guérilla, ni la presse ni les autorités départementales sont admises. À certains moments, elles peuvent passer mais pour quelques minutes seulement. Dans d’autres endroits, elles sont traitées comme des «persona non grata» comme l’a révélé à la mi-janvier, Victoria Eugenia Ramirez, secrétaire du gouvernement d’Antioquia. Elle et son équipe n’ont pas pu entrer dans certaines de ces zones. En revanche, les agents de l’ONU et du gouvernement national sont les bienvenus. Mais ceux-ci sont muets et ne rendent de comptes à personne.

Fin décembre, les FARC ont annoncé que le gouverneur d’Antioquia, Luis Perez Gutierrez, ne pouvait pas entrer dans les onze zones de son département où il voulait vérifier les allégations reçues sur des «comportements indésirables» de la guérilla. La Colombie a été scandalisée par cette illégalité et Perez a été autorisé, par un conseiller présidentiel, à visiter les camps. Mais très vite l’incident a été oublié.

Les informations recueillies dans ces conditions par la presse colombienne révèlent au moins que la concentration des guérilleros prend une dynamique différente de celle promise par le gouvernement de Juan Manuel Santos.

Le désarmement des FARC est reporté sine die, malgré ce que dit le gouvernement. Au lieu d’une atmosphère de détente et de désarmement, ce qui se passe dans ces territoires est bien différent. Dans certains départements, en particulier dans le Nariño, le Caqueta et le Guaviare, ce dernier où le «front numéro un» des FARC n’a pas accepté le pacte Santos-FARC, les dites «dissidences» de l’organisation narco-terroriste recrutent des enfants. Ce qui vient d’être confirmé par Paula Gaviria, conseillère présidentielle pour les Droits de l’homme. L’ancien président Alvaro Uribe quant à lui a signalé que les FARC recrutent des gens dans les zones proches des cantons (veredas) pour les intégrer à la «démobilisation» afin que les combattants les plus endurcis puissent poursuivre le trafic de drogue.

Par ailleurs, plusieurs civils ont été tués. L’explication donnée par la presse est que les FARC sont en train de liquider leurs «déserteurs» et leurs «dissidents» en violant ainsi le pacte de cessez-le-feu bilatéral avec le gouvernement du 29 août. Les FARC nient ceci dans certains endroits. Dans d’autres elles confirment. Par exemple, le 19 janvier, le «bloc sud» des FARC a admis que l’un de ses détachements avait tiré contre un groupe de «dissident» sous le commandement d’Alexander Mojoso et qu’il y avait eu deux morts. Les assaillants, de la colonne «Teofilo Forero», qui a une terrible histoire criminelle, ont obligé leurs anciens coéquipiers d’enterrer les deux tués. À Bogota, le ministère de la Défense a déclaré que les FARC ne devaient pas exterminer leurs dissidents, mais ces phrases sont dénuées d’impact.

Certains chefs militaires disent que les FARC ont respecté l’accord. L’Amiral Carlos Serrano, commandant de la Force contre le trafic de drogue de la Marine, affirme que les «colonnes Daniel Aldana» et «Mariscal Sucre» des FARC «sont pré concentrées et prêtes à aller dans les zones de regroupement» et qu’il n’a pas d’informations sur les dissidences de la guérilla.

 

À son tour, le «front 18» des FARC se plaint. Il dit qu’il y a des «paramilitaires» qui s’approchent d’Ituango. Sans défense, la population civile a peur, comme l’a dénoncé Hector Giraldo Granda, conseiller municipal, ajoutant que le pire est «l’incertitude» et la «désinformation» dans laquelle vivent les gens. Comme le gouvernement ne fait rien pour guider les citoyens, et ne sachant pas à quoi s’attendre, les gens dépendent à présent des individus armés installés à proximité. «Ni le maire, ni le conseil municipal, ni l’action communale ne savent rien. Cette situation n’inspire pas confiance», a souligné Giraldo.

La question cruciale des enfants-soldats qui sont dans les rangs des FARC et de l’ELN et des enfants qui sont recrutés par les groupes «dissidents», ne reçoit pas le traitement approprié de la part des autorités. Cela permet aux terroristes de dire n’importe quoi. Par exemple, un chef des FARC vient de faire savoir qu’ils ne rendront que 20 enfants dans quelques jours car ils n’en n’ont plus d’autres. Que répond le gouvernement ? Rien. Le Conseil présidentiel pour les Droits de l’homme, dans un curieux communiqué, n’apporte pas d’information alternative. Au contraire, il confirme que dans le nord du Valle del Cauca, région traditionnellement touchée par les rapts d’enfants indiens de la communauté Embera-Chami, il n’y a aucun nouveau cas de recrutement et que cette région ne présente «qu’une dynamique de risque». Il admet qu’il y a des recrutements d’enfants indiens «dans la réserve de Batatal de Canyon Garrapatas, en bordure du Choco».

 

En Colombie on ne connaît pas le nombre exact de guérilleros qui doivent converger sur les zones de concentration. Les FARC n’ont pas donné le nombre de leurs combattants. Bogota estime qu’il y en a 6 000 et que leurs milices (des bandits sans uniformes) sont trois fois plus nombreuses. Personne ne sait quelles sont les limites des zones de «concentration», ni quelle taille elles ont acquise, à ce jour. «Les FARC sont en train de prendre ce qu’elles veulent», résume l’ancien ministre Fernando Londoño Hoyos. Une certitude : les guérilleros arrivent et occupent l’espace sans que personne ne puisse les contredire. Par exemple, l’école cantonale de Santa Lucia (Antioquia) a été occupée sans autorisation par 59 guérilleros, selon un journal d’Antioquia. Pour justifier leurs abus, les nouveaux arrivants affirment que le gouvernement n’a pas envoyé les briques pour construire leurs abris. Dans d’autres endroits, les briques arrivent bel et bien et même des bulldozers et d’autres machines lourdes pour aménager les surfaces. Et, dans le désordre et l’improvisation qui y règnent, les FARC accusent le gouvernement de négligence et se présentent comme des victimes. Elles assurent qu’il n’y a ni installations électriques, ni eau, ni le matériel médical annoncé. Et que les routes promises ne sont pas encore ouvertes. Elmer Arrieta, un chef du «front 18» des FARC, a parlé de la «mauvaise qualité» de la nourriture qu’ils ont reçue, avant de dire : «Nous avons actuellement notre propre nourriture, et même un potager. A l’heure actuelle, nous n’avons pas de problèmes». Des dizaines de guérilleros malades se plaignent pourtant de ne pas avoir les soins médicaux urgents qu’ils attendaient.

 

Ne ratez aucun des articles de Dreuz, inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter.

 

La presse soupçonne que les «zones temporaires de normalisation» seront, en effet, de nouvelles villes permanentes, car certains guérilleros l’ont fait savoir. Personne ne sait avec certitude ce que les FARC sont en train d’y construire, si aux maisons ordinaires ils ajoutent des casemates, des tranchées et des tunnels. Car les travaux sont très mal surveillés. Lorsque la police passe à proximité de ces zones, les FARC hurlent au «harcèlement de l’armée» et à la «violation du cessez-le-feu». C’est ce qu’ils ont dit par exemple, lorsque neuf soldats sur des motocyclettes se sont approchés d’une zone de pré-regroupement à Vista Hermosa (Meta) le 23 décembre. Ils gesticulent autant si un avion parvient à survoler leur zone.

En d’autres termes, dans les zones dites de «concentration» et de «normalisation cantonale» l’Etat et les forces armées ont perdu le contrôle de la situation. La population –civile et en marge de la loi– a été abandonnée à son sort. Où sont les ministères (en particulier ceux de la défense, de la santé, de l’éducation, des travaux publics, de la justice), et les «commissions de paix» du Congrès et le procureur général et le parquet général, qui sont censés aider la nation dans ces domaines et dans cette difficile situation du «processus de paix» ? Nulle part, car l’accord Santos-FARC –rejeté par les Colombiens dans le plébiscite du 2 octobre 2016, mais ré institué par Santos par une procédure juridique douteuse, car il n’a pas consulté les citoyens–, interdit cette «ingérence».

 

Les choses vont tellement bien que le leader des FARC, Rodrigo Londoño, alias Timochenko, a annoncé que le pays aura bientôt un «gouvernement de transition». Le 23 janvier, il a averti que ce gouvernement va «mettre en œuvre les accords» Farc-Santos, va «indemniser les victimes», va faire une «ouverture démocratique» et va assurer «la bonne vie». Une telle déclaration a déclenché la panique. Les citoyens savent que les FARC, quand elles parlent de la sorte, préparent de nouvelles atrocités. Un autre chef, Carlos Losada, a réitéré, en effet, que le gouvernement à venir sera intégré uniquement par les forces qui soutiennent la «mise en œuvre de l’accord» et que la ligne politique du Congrès sera identique au «processus bolivarien du Venezuela». Peu de temps après, le gouvernement annonçait la mise en place d’un nouveau système électoral (l’opposition craint que Santos veuille imposer l’utilisation des machines de vote électroniques qui ont donné d’excellents résultats à la dictature Chavez au Venezuela). L’autre monstre qui fait partie de la mise en œuvre des accords est la «justice spéciale pour la paix», un appareil totalitaire de répression et de vengeance au service des FARC.

Contre ceux qui dénoncent ces choses, en particulier la crise du «processus de paix», le gouvernement Santos prend des mesures. Au journaliste et ancien ministre Fernando Londoño Hoyos, qui, dans son programme de radio, critique la gestion de Santos, le gouvernement vient de réduire drastiquement son escorte, affirmant que les FARC ne représentent plus aucun danger pour personne. Londoño, qui a survécu à un attentat sanglant des FARC le 15 mai 2012 à Bogota, est encore menacé de mort par le narco-terrorisme. Cette mesure a été ressentie comme un signe de mauvais augure par de nombreux journalistes colombiens.

Cependant, certains responsables de l’opposition, qui ont oublié ce que les électeurs avaient décidé le 2 octobre, sont prêts à s’accommoder du processus rejeté. Ils rêvent d’une élection présidentielle et législative sereine en 2018. Carlos Holmes Trujillo, pré candidat du parti Centre Démocratique, a estimé, par exemple, qu’il «n’est pas bon pour le pays» que ce processus de paix «fasse partie du débat politique» et du «cœur de la controverse publique nationale». Ivan Duque, un autre pré candidat du CD, étrangement encensé par les médias pro Santos comme «le meilleur sénateur de 2016», estime que le problème le plus grave du pays n’est pas la forme que prend la mise en œuvre des accords Santos-FARC, mais «l’inadéquation des institutions» face à «la mise en œuvre des accords de paix». Il se trompe. Le problème, en vérité, n’est pas la Constitution colombienne, mais l’abolition de celle-ci par les concessions extrêmes faites par Santos aux FARC. Duque a été accusé par des membres du CD d’avoir des engagements avec l’organisation gauchiste du milliardaire américain George Soros et à ce jour il a été incapable de répondre à ses détracteurs.

© Eduardo Mackenzie pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.

Inscrivez-vous gratuitement pour recevoir chaque jour notre newsletter dans votre boîte de réception

Si vous êtes chez Orange, Wanadoo, Free etc, ils bloquent notre newsletter. Prenez un compte chez Protonmail, qui protège votre anonymat

Dreuz ne spam pas ! Votre adresse email n'est ni vendue, louée ou confiée à quiconque. L'inscription est gratuite et ouverte à tous

En savoir plus sur Dreuz.info

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading