Publié par Nancy Verdier le 6 février 2017

Juste pour palper l’ambiance, je me rends vers 14 heures au Colloque de l’UOIF au Palais des Congrès de Paris, ce samedi 4 février. Thème général : l’Islam en France, de l’adaptation à la Réforme ? (Avec un point d’interrogation)

Je compte sur la présence de quelques contacts «Identitaires», m’attends à trouver une foule dense et animée et pléthore de voiles… rien de tout cela.

La place est déserte. Un panneau discret indique que c’est au 2e étage, par l’escalator et une fois là-haut, j’avance dans une galerie où quelques hôtesses d’accueil voilées, tout sourire m’invitent à m’inscrire gratuitement au Colloque.

«Je ne suis pas musulmane».

«Ce n’est pas grave, ici il y a de tout, des chrétiens, des juifs. Tout le monde peut venir»

«Bien, mais avant je voudrais voir votre comptoir de livres». J’achète pour 1 euro un fascicule de 120 pages «Au-delà des caricatures, le Vrai visage du Prophète Mohammad», par un certain Noureddine Aoussat, conférencier, diplômé de l’Université d’Aix-en-Provence et prédicateur antisioniste.

Tous les autres ouvrages sont à 5 euros, principalement de Tariq Ramadan.

Une fois inscrite à l’accueil, programme en mains, je m’installe dans une salle d’environ 250 personnes.

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Outre un modérateur, il y a deux orateurs pour cette 3e table ronde sur «Les divers courants réformistes de nos jours» avec Tareq Oubrou (1), «Pour un changement de paradigme herméneutique» et Mohammed Hajaoui, un philosophe marocain, «Réformer l’Islam, du diagnostic au mode d’emploi».

Mohammed Hajaoui confesse s’inspirer de Malik Chebel (Islam des Lumières) et aborde plusieurs problématiques :

  • Faut-il réformer l’Islam et la pensée islamique alors que l’Islam se veut une réforme par rapport aux religions qui l’ont précédé dit-il.
  • Ensuite, s’agit-il de le moderniser comme si l’Islam était figé, alors que l’Islam n’a jamais cessé de se remettre en question. Et puis ajoute-t-il le mot Réforme sur le modèle luthérien est une recherche de pureté [Ha ! ce mot pureté qui vient s’arrimer juste là, pour faire écho au dépouillement luthérien et renvoie à la pureté selon l’Islam. On frôle la confusion. Bon, voyons la suite NDLR]. Ce mot est trompeur ajoute-t-il : réformer la Foi ou la Pratique, un Nouveau et un Ancien Testament pour l’Islam ? On voit bien que l’Islam s’empêtre et cherche une issue en lorgnant sur le christianisme.
  • Comment et qui ? Il s’agit de reformuler le texte sacré dit-il. Il lance ce cri du cœur : «Il y a eu une séquence ratée entre Descartes et Freud. La pensée musulmane est restée figée, Descartes, Voltaire, Rousseau sont inexistants. A la place une crétinisation qui consiste à dire qu’avant 632 c’est l’obscurité et ensuite la lumière.»
  • «Il y a donc deux chantiers titanesques dit-il, incluant Liberté, Egalité fondamentale par de là le genre, la croyance, et un 3e chantier pour la désacralisation de la violence avec l’éducation à la poésie.»

Mélangeant toutes sortes de concepts, il fait la démonstration d’un islam englué dans ce qu’il appelle «un vide sidéral», et une quête désespérée vers ce que l’Islam interdit depuis des siècles : la réflexion, l’évolution, la mutation. Mais il insiste, il faut «refonder la théologie islamique, reformuler la pensée islamique sans toucher à l’Islam lui-même, mais transgresser, libérer l’esprit de sa prison, de sa congélation, avoir l’audace, le courage d’Alpha Rabbi. C’est une affaire proprement humaine… il faut aller vers la connaissance, étudier toutes les disciplines, dépasser les systèmes juridiques, aller vers un humanisme et une théologie renouvelée»

Somme toute, il faut faire table rase, mais il ne veut pas utiliser ce terme.

Suivre le discours de Tareq Oubrou est une gageure. Même l’auditoire semble perplexe et des gens quittent la salle en cours de séance. Cette logorrhée savante, indigeste, a tout du tricotage «une maille à l’endroit, une maille à l‘envers», reflétant une pensée conflictuelle. Dire en surface tout en affirmant le substrat, un double discours qui feint l’ancrage dans la modernité mais dont le fond reste le même.

Réformer, repenser le mystère de la révélation coranique, réformer le droit dit-il : le savoir selon lui ne passe pas par une formalisation du savoir, la pensée musulmane est intuitive… ce n’est pas une connaissance formalisée.

Une série de clichés, de métaphores, de comparaisons plus ou moins hasardeuses, sans doute parce que le langage ne suffit pas à articuler la pensée : La Réforme d’aujourd’hui ressemble à l’orchestre du Titanic, on ne construit pas, on répare par copiage, collage et cela met le musulman dans l’inconfort. Il n’y a plus de discours sur D. rien que du normatif, comme une Ferrari dans le désert, mais on besoin d’une 2CV.

Une daeschisation des esprits

Et puis une question : Qu’est-ce que le non-musulman ? Il y a une daeschisation des esprits, certains ont le «courage» d’aller au bout, les autres sont dans l’hypocrisie.

Somme toute, Tareq Oubrou évoque le djihad, qui selon lui est un acte «courageux», un moyen de sortir de cette impasse hypocrite.

Il poursuit : il faut étudier la physique moderne, alors que l’Islam est fondé sur la physique aristotélicienne. Il faut l’archéologie du savoir, sinon on transcrit la théologie sans le «paradigme». Herméneutique de la trace, se tromper d’époque c’est se tromper d’herméneutique, de critique, de lecture, d’interprétation.

Y-a-t-il des questions, quelqu’un voudrait poser une question ? Aucune question ne fuse dans la salle, l’assemblée reste muette.

Il reprend : l’Islam a connu un effondrement avec la fin du Califat. L’islam est une civilisation persane. S’ils n’avaient pas le pétrole sous leurs pieds, personne ne parlerait des Arabes et de l’Islam.

Il faut une esthétisation de la religion, la rendre agréable poursuit-il. L’élite ne réformera jamais.

Un auditeur intervient pour dire qu’il faudrait un discours plus simple.

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Il ne faut pas penser France, il faut penser Monde

Je lui pose ensuite la question de l’islam de France : «Est-ce un habillage ou une mutation ? Est-ce un mode d’intégration ? Qu’en est-il aujourd’hui ?»

Il reformule ma question : l’islam de France, réalité ou simple discours ?

Sa réponse : L’allégeance au pays est plus forte que la Oumma, c’est l’allégeance juridique qui prime. Vous avez le devoir de défendre un citoyen juif. Appartenir à la Oumma ne doit pas empêcher d’appartenir à la nation. Il y a 20% de musulmans dans l’armée française. Le droit des musulmans est le droit français.

Mais notre philosophe marocain intervient : Il n’y a qu’un seul islam, donc parler d’Islam de France est difficile. Il y a une faille entre les élites et la masse.

Oubrou surenchérit : S’il n’y a pas de pression, il n’y a pas de réflexion, pas de réforme. Il ne faut pas «penser France», il faut «penser Monde». L’Humanité ajoute-t-il est fracturée, l’Islam doit se projeter dans le monde.

Tareq Oubrou poursuit sur le voile de la femme. Il n’y a pas de châtiment si une femme ne porte pas le voile. D’abord la Foi, puis la pratique, mais la forme est négociée en fonction de la réalité. Pas de Fatwa sur la pratique, la Foi d’abord, le Coran renvoie aux normes universelles.

Conclusion de Tareq Oubrou : On est en train de judaïser l’Islam

Et on arrive à la conclusion de cette séance : T.O confesse que l’Islam ne convient à personne, c’est un Islam des apparences, qui n’est pas authentique… Il fait peur aux autres et on va vers l’effondrement. C’est donc l’éducation qui est essentielle… afin que les musulmans soient des humains normaux. Les gens ont besoin de respirer. Il y a des boulets partout, on est en train de judaïser l’islam, c’est-à-dire d’en faire une religion sans D., d’en faire une communauté, une nation.

Ainsi T.O n’aura pu s’empêcher de terminer sa séquence par une attaque pleine de sous-entendus à l’égard de l’Etat d’Israël, du judaïsme, de la communauté juive, du concept de nation.

Oubrou pousse ses pions par tactiques successives que le colloque d’aujourd’hui reformule sous le terme «adaptation». (2)

Et Hajaoui, notre philosophe marocain de conclure : «On est fier d’être musulman»

 

Il existe une contradiction permanente entre ce que les orateurs et les organisateurs disent de l’Islam et ce qu’est la réalité de l’Islam : Il apparaît en surface un souci de réforme, d’adaptation, de recherche d’une méthodologie appropriée, pour une pensée renouvelée, mais en aucun cas une remise en cause. Bien au contraire, il s’agit d’une affirmation de la croyance islamique prônant le droit musulman dans le contexte européen.

Tout ce qui est dit aujourd’hui modère le colloque de l’an passé qui appelait ouvertement au Djihad.

Ce colloque veut marquer un temps de repos : une adaptation, qui n’est qu’une tactique, un recul momentané. Mais le fond et la stratégie restent identiques.

En filigrane, les prémices d’une Charia européenne

La 4e table ronde est une franche démonstration de cette stratégie : elle porte sur les institutions musulmanes de France face à la crise djihadiste et l’Islam de France, et prétend formuler des propositions pour sortir des difficultés. Par difficultés, il faut comprendre la souffrance des musulmans dans un pays qui lutte contre le djihad, d’où la nécessité de trouver une façade avenante pour poursuivre la séduction et l’implantation sur tout le territoire. On trouve en filigrane, les prémices d’une Charia européenne.

Qu’on ne s’y trompe pas, la volonté de conduire une réflexion pour jeter les bases d’une école jurisprudentielle nouvelle, conduira inéluctablement à une Charia européenne, en somme une nouvelle école islamique, adaptée à l’Europe et dépassant les quatre écoles islamiques existantes, un nouvel Islam capable de coller au contexte européen et mondial.

 

  • Grand Imam de Bordeaux, directeur d’un centre de déradicalisation, défenseur de la Charia des minorités, protégé d’Ali Juppé qui lui a remis la Légion d’honneur.
  • Le discours d’Oubrou est à géométrie variable : Oubrou n’a-t-il pas réclamé à l’occasion d’un Colloque au Collège des Bernardins en 2013, une Révision du récit historique européen pour y inclure la présence musulmane comme fondatrice de l’entité et de l’identité européenne. Il réclame par ailleurs la Charia des minorités.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Nancy Verdier pour Dreuz.info.

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