Publié par Pasteur Bernard Buunk le 23 mars 2017
Les participants à la conférence de Seelisberg : le premier assis à gauche, le Grand Rabbin de Roumanie, Alexandre Safran.

A Seelisberg, commune du canton d’Uri au bord du lac des Quatre Cantons (Suisse), a eu lieu, du 30 juillet au 5 août 1947, la Conférence Internationale extraordinaire pour aborder les dimensions catastrophiques de la Shoah et procéder à un redressement de l’enseignement chrétien concernant Israël.

Parmi les 60 personnalités venues de 17 pays, on comptait 28 Juifs, 23 protestants et 9 catholiques-romains. Citons les noms de deux délégués catholiques-romains : l’abbé Charles Journet, devenu plus tard cardinal, et le Père Paul Démann. Pierre Visseur protestant, secrétaire de la conférence et secrétaire du Conseil international des Chrétiens et des Juifs. Quant aux délégués juifs, il faut citer le rabbin Jakob Kaplan, Grand Rabbin adjoint de France, et le Rabbin Alexandre Safran, Grand Rabbin de Roumanie et plus tard Grand Rabbin de Genève. Mais celui qui occupait un rôle prépondérant dans les débats, c’est le Juif Jules Isaac.

Jules Isaac, professeur d’histoire, est connu par la publication des manuels Malet. Assimilé à la citoyenneté de la République de France, initialement il ne prenait pas au sérieux le danger de l’antisémitisme ni du nazisme. Pour lui le problème juif n’existait pas. Pourtant, à l’âge de 63 ans, sa vie changea brutalement. Sous le régime de Vichy, il doit quitter son poste d’enseignant. Il dit alors : « L’abîme s’est ouvert devant moi. » Désormais Jules Isaac et son épouse doivent vivre dans la clandestinité. En octobre 1943 son épouse est arrêtée par la Gestapo. Rentré à l’hôtel, en plein désarroi, il obtint de la gérante la clef de la chambre où il eut la chance de retrouver et d’emporter sa valise qui contenait justement le manuscrit des deux premières parties de son livre « Jésus et Israël » et les notes déjà prises pour la rédaction de la troisième partie. Jules Isaac a alors échappé à l’arrestation et survécu aux désastres de la deuxième guerre mondiale.

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A Seelisberg il était présent pour défendre les 18 points ou thèses qui figurent dans son livre « Jésus et Israël ». La conférence de Seelisberg a retenu 10 points. Puisque nous sommes entrés dans le temps de Carême il est intéressant de citer le septième et huitième point des 10 points de Seelisberg.

« Eviter de présenter la Passion de telle manière que l’odieux de la mise à mort de Jésus retombe sur tous les Juifs ou sur les Juifs seuls. En effet, ce ne sont pas tous les Juifs qui ont réclamé la mort de Jésus. Ce ne sont pas les Juifs seuls qui en sont responsables, car la Croix, qui nous sauve tous, révèle que c’est à cause de nos péchés à tous que le Christ est mort. »

Et le point 8 : « Eviter de rapporter les malédictions scripturaires et le cri d’une foule excitée « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants », sans rappeler que ce cri ne saurait prévaloir contre la prière infiniment plus puissante de Jésus « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ».

Treize années après la Conférence de Seelisberg, Jules Isaac est reçu par le pape Jean XXXIII en juin 1960. Isaac développe sa thèse et propose qu’une sous-commission préconciliaire soit créée dans ce but. Il a de nombreux contacts avec le cardinal Bea, le cardinal Ottaviani, les Pères Jullien et Philippe. En octobre 1960, il obtient confirmation qu’une sous-commission va être créée dans le cadre du secrétariat pour l’unité des chrétiens présidé par le cardinal Bea. Avant même l’ouverture de la seconde session du Concile en octobre 1963, Jules Isaac décède, le 5 septembre 1963. Mais les thèses de Seelisberg n’échappent pas à l’attention des Pères réunis au Concile. Après de longues discussions souvent tendues le pape Paul VI promulgua le 28 octobre 1965 « Nostra Aetate ». Par cette déclaration, le Concile reconnaît un lien spirituel entre Chrétiens et Juifs et veut désormais encourager et recommander la connaissance et l’estime mutuels. Autrement dit, il s’agit de créer de nouveaux rapports entre Chrétiens et Juifs et de permettre aux Chrétiens de s’enrichir des critères d’orientation qu’offre la Torah.

Le dialogue entre Juifs et Chrétiens gagne en profondeur si nous respectons le quatrième point de Seelisberg que je cite :

«  Rappeler que le précepte fondamental du christianisme comme du judaïsme, celui de l’amour de Dieu et du prochain, oblige Chrétiens et Juifs dans toutes les relations humaines, sans aucune exception ».

D’autre part, nous ne pouvons pas escamoter nos différences. C’est le troisième point des dix points de Seelisberg selon la nouvelle version qui l’affirme. « Reconnaître que Jésus reste un point névralgique du débat entre Juifs et Chrétiens dans la mesure où « la foi DE Jésus nous unit et la foi EN Jésus nous sépare ». Il y a des différences qu’il faut reconnaître. Mais il serait dommageable de transformer les différences en différend. Il est nécessaire d’accepter l’Autre en sa différence. Cette recommandation concerne nos relations avec l’Eternel et avec notre prochain.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Pasteur Bernard Buunk pour Dreuz.info.

Les Dix points de Seelisberg (Seelisberg, 1947)

  1. Rappeler que c’est le même Dieu vivant qui nous parle à tous, dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament.
  2. Rappeler que Jésus est né d’une mère juive, de la race de David et du peuple d’Israël, et que son amour éternel et son pardon embrassent son propre peuple et le monde entier.
  3. Rappeler que les premiers disciples, les apôtres et les premiers martyrs étaient juifs.
  4. Rappeler que le précepte fondamental du christianisme, celui de l’amour de Dieu et du prochain, promulgué déjà dans l’Ancien testament et confirmé par Jésus, oblige chrétiens et juifs dans toutes les relations humaines, sans aucune exception.
  5. Eviter de rabaisser le judaïsme biblique ou post – biblique dans le but d’exalter le christianisme.
  6. Eviter d’user du mot « juifs » au sens exclusif de « ennemis de Jésus » ou de la locution « ennemis de Jésus » pour désigner le peuple juif tout entier.
  7. Eviter de présenter la Passion de telle manière que l’odieux de la mise à mort de Jésus retombe sur tous les Juifs ou sur les Juifs seuls. En effet, ce ne sont pas tous les Juifs qui ont réclamé la mort de Jésus. Ce ne sont pas les juifs seuls qui en sont responsables, car la Croix, qui nous sauve tous, révèle que c’est à cause de nos péchés à tous que le Christ est mort. Rappeler à tous les parents et éducateurs chrétiens la grave responsabilité qu’ils encourent du fait de présenter l’Evangile et surtout le récit de la Passion d’une manière simpliste. En effet, ils risquent par-là d’inspirer, qu’ils le veuillent ou non, de l’aversion dans la conscience ou le subconscient de leurs enfants ou auditeurs. Psychologiquement parlant, chez des âmes simples, mues par un amour ardent et une vive compassion pour le Sauveur Crucifié, l’horreur qu’ils éprouvent tout naturellement envers les persécuteurs de Jésus tournera en haine générale.
  8. Eviter de rapporter les malédictions scripturaires et le cri d’une foule excitée « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants », sans rappeler que ce cri ne saurait prévaloir contre la prière infiniment plus puissante de Jésus « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ».
  9. Eviter d’accréditer l’opinion impie que le peuple juif est réprouvé, maudit, réservé pour une destinée de souffrance.
  10. Eviter de parler des Juifs comme s’ils n’avaient pas été les premiers à être de l’Eglise.

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