Publié par Jean-Patrick Grumberg le 3 avril 2017

Ben Judah du Times britannique a accompagné Emmanuel Macron dans sa campagne électorale. Ce qu’il en dit, vu de Grande-Bretagne, est rafraîchissant, ce n’est certainement pas l’idolâtrie béate de BFMTV.

Ben Judah :

“On est assis en seconde classe pour la seconde fois de sa campagne, et le politicien de 39 ans me serre la main. Son regard bleu perçant qui vous fixe avec persistance, au bout d’un moment, est dérangeant et donne envie de regarder ailleurs.

L’élection survient dans un climat de sentiment anti-européen croissant, de chômage massif, de terrorisme et de tensions ethniques latentes partout en France. Macron veut que la France soit de nouveau jeune et confiante. Imaginez Steve Jobs parlant de l’économie française.”

“Les partis politiques classiques sont solides, ils sont structurés, comme l’armée prussienne,” explique Bruno Bonnell à Angélique Chrisafis du Guardian, l’entrepreneur internet qui coordonne En Marche! à Lyon. “Nous sommes plus du style guerilla. Nous sommes fluides, on fait des actions rapides, on a un processus de décision prompt. Nous sommes très bien organisé pour ce qui est essentiellement un énorme magma d’émotions.”

“Avec En Marche !, la façon dont il attire les jeunes électeurs est le rêve de tous les candidats. En fait, il a réalisé ce que beaucoup d’anciens proches de Tony Blair et de gauchistes Démocrates n’ont pas pu faire”, explique Hanna Yusuf dans The Independent.

Le mouvement compte 230 000 membres, et il a collecté 6.5 millions d’euros, ce qui est insuffisant. Alors Macron a contracté un prêt personnel de 8 millions, rapporte La Croix. Avec la garantie de qui ?

 

 

Judah : “A Bordeaux. Assise près de lui, ressemblant à une Jane Fonda française, se trouve la femme qui est toujours à ses côtés : Brigitte Macron, 63 ans. C’est sa femme, pas sa mère. Parfum de scandale, elle était sa professeur d’art dramatique à l’école ; ils ont développé une relation intime quand il n’avait que 17 ans” [En France, l’âge limite pour une relation sexuelle délictuelle avec un mineur est relevé à la majorité civile (18 ans) dans le cas de relations entre un mineur et une personne ayant autorité par sa fonction. Il s’agit alors d’une circonstance aggravante et la peine de prison est relevée de deux à cinq ans]

« Emmanuel est très bon acteur, » dit Brigitte. « Il était dans ma classe. »

A Londres lors d’un meeting, Macron explique : “Je me vante de mon immaturité politique et de mon inexpérience, car leur expérience politique est politiquement inefficace.” Du grand théâtre en effet.

Judah : “Parce qu’il a travaillé à la banque Rothschild, [des tas de gens pensent] qu’il est un agent de la conspiration juive pour dominer le monde, [pourtant il n’est pas juif, n’a rien de juif, et il est] allé dans une école catholique”.

En réalité, Macron est un pur produit du système : Il porte le titre d’énarque et a travaillé dans une banque extrêmement conservatrice.

“Macron est aussi ambigu qu’un cardinal du 17e siècle. Est-il vraiment qui il dit être ?” écrit Judah. “Macron prétend être un dissident,” répond Fillon pendant un meeting en Corse, “mais il n’a rien de renouveau mais tout de l’Ancien régime. Il a créé sa candidature avec des plumes d’aigle, mais il est toujours dans la cour des socialistes.” C’est le “prince de l’ambiguïté.”

Macron se disait “transporté par l’ambition dévorante des jeunes loups de Balzac”

Judah rapporte qu’à “Sciences Po, ses dissertations étaient sur Machiavel, et il a écrit dans un manifeste qu’il était “transporté par l’ambition dévorante des jeunes loups de Balzac”.

Ne ratez aucun des articles de Dreuz, inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter.

“Il est évasif quand il s’agit de politique”, dit Judah. Sans doute parce qu’il n’a jamais été élu nulle part, et qu’il serait le plus jeune président français de l’histoire moderne, et qu’il “aurait du mal à gouverner car il ne serait pas capable de réunir une majorité parlementaire” constatent les observateurs politiques cités par David Chazan dans The Telegraph.

Pendant la campagne, Le Pen lui a lancé : “Vous avez un talent fou. Vous avez parlé pendant sept minutes, et vous n’avez rien dit.” Des proches de Macron ont avoué qu’elle avait fait mouche.

“Il se prend pour Jeanne d’Arc” dit sa femme Brigitte, “une paysanne qui a sauvé le pays des Britanniques au Moyen-âge”, même si “physiquement, il ressemble plus à Napoléon Bonaparte” écrit Dominique Moisi sur Euronews.

Avec Macron, poursuit Moisi, “de nombreux Français perçoivent cette élection comme une sorte d’éternelle série de télé réalité. Pour certains, ce peut être fascinant,” mais [les Français] “ont une confiance très limitée que les nombreux problèmes, en partant du chômage au terrorisme en passant par la sécurité et les retraites, jusqu’à la moralisation de la vie politique, seront réglés.”

Inquiet, Jacques Attali qui l’a présenté à François Hollande fait remarquer que malgré les slogans, il n’y a rien de moins révolutionnaire que les employeurs de Macron, ses réformes structurelles libérales, et les modestes réparations qu’il veut apporter au système. “Soit maintenant, soit dans cinq ans, une de ces deux choses va se produire — soit on fait les réformes nécessaires, ou nous élisons le Front National et nous quittons l’Union européenne et l’euro, et on doit tout recommencer.”

Judah : “En arrivant à Bordeaux pour le meeting, je me glisse au premier rang, regardant Brigitte regarder Emmanuel. Ils se regardent constamment pendant qu’il parle. Le prof d’art dramatique l’évalue continuellement en hochant de la tête.”

“De profondes questions existent pour savoir qui un Président Macron pourrait être, et comment il gouvernerait, sans aucun parti politique à lui n’est pas la moindre”, affirme Vivienne Walt dans The Time, qui ajoute que “pour l’instant, on ne sait pas quel parti remportera les législatives en juin, ni si les députés choisiront de faire avancer le programme de Macron, ou de le bloquer, s’il devient président.”

“Le parti de Macron n’a aucun politicien élu au parlement, et s’il devient président, il aura besoin de candidats solides s’il veut se constituer une majorité”, explique Gavin Mortimer dans The Spectator. “Comme les socialistes n’ont aucune chance de gagner l’élection, des opportunistes comme Valls, Le Drian et Pompilii se raccrochent à lui”.

“Il existe une école de pensée en France, conclut Mortimer, que En Marche! a été créé dans les couloirs de l’Elysées, et que Macron – qui a été ministre de l’Economie entre 2014 et 2016 – a été très tôt identifié par Hollande comme l’homme le mieux placé pour lui succéder. Mais il fallait lui créer une autre marque [que socialiste] pour le revendre aux Français. Alors ils ont concocté En Marche!”

 

Reproduction autorisée avec la mention suivante : traduit et adapté de l’anglais par Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

Source : thetimes.co.uk

Inscrivez-vous gratuitement pour recevoir chaque jour notre newsletter dans votre boîte de réception

Si vous êtes chez Orange, Wanadoo, Free etc, ils bloquent notre newsletter. Prenez un compte chez Protonmail, qui protège votre anonymat

Dreuz ne spam pas ! Votre adresse email n'est ni vendue, louée ou confiée à quiconque. L'inscription est gratuite et ouverte à tous

En savoir plus sur Dreuz.info

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading