Publié par Jean-Patrick Grumberg le 29 juin 2017

On ne le dénonce pas, on n’en parle pas, on accuse les blancs, on leur demande de faire repentance pour l’esclavage, la colonisation, le CRAN, Conseil représentatif des associations noires de France le cache pour mieux culpabiliser les Français, mais le Maghreb est le terreau d’une haine des noirs et d’une négrophobie obscène.

Smahane Bouyahia, journaliste, écrivait sur yabiladi.com en décembre 2007 :

«Au Maroc, comme dans le reste du Maghreb, il existe un réel problème de racisme envers les Noirs. “ Noirs marocains ” ou “ Noirs africains ”, ils n’en restent pas moins des descendants d’esclaves. Qualifiés de “ hartani ”, littéralement “ homme libre de second rang ” ou plus violemment de “ aâzi ”, que l’on pourrait traduire par “ sale nègre ”, les Noirs du Maroc, qu’ils soient étudiants, migrants, subsahariens et autres, sont victimes chaque jour de discrimination de la part du peuple chérifien.»

Quand ils sont hors de leurs bases, les Arabes se déclarent «cousins» des Noirs. Mais dès qu’ils sont chez eux, ils se livrent à un racisme basé sur le sentiment que les noirs sont des êtres inférieurs.

Ce cousinage de circonstance affiché en Europe n’est qu’un leurre et une ruse des Arabes que les Noirs devraient pouvoir déceler, mais le veulent-ils où ferment-ils les yeux ?

Le 27 mai 2005,Bouyahia écrivait dans Afrik-News :

«Au Maroc, comme dans le reste du Maghreb, le peuple noir est depuis toujours victime de discriminations. Persécutions, agressions, insultes, injures… sont le lot quotidien des hommes de couleur.»

Maroc : différents degrés de négophobie 

L’expression la plus pure du racisme : «un profond sentiment de supériorité qui remonterait à l’antiquité»

Selon Pierre Vermeren, historien spécialiste des sociétés maghrébines, il faut différencier le degré de racisme envers un Noir marocain et un Noir étranger :

  • Il existe différentes catégories de Noirs au Maroc. La première concerne les populations noires endogènes qui sont mélangées à la population marocaine et qui descendent tout droit des esclaves.
  • La deuxième est celle des populations noires du Sud. Elles se concentrent dans des oasis entièrement peuplées d’Africains noirs, mais qui ne sont, en aucun cas, mélangées aux Berbères ou aux Arabes.
  • La troisième, touche les Africains du Sénégal majoritairement, qui venaient faire leur pèlerinage dans la médina de Fès. Enfin, la dernière catégorie, les étudiants et les migrants est celle qui est la plus touchée par le racisme. «
  • Pour la plupart des Marocains, la négrophobie se répercute à travers leurs comportements face aux étrangers noirs non intégrés à la population d’une part, et non musulmans d’autre part. Il s’agirait de l’expression la plus pure du racisme : “un profond sentiment de supériorité qui remonterait à l’antiquité”.
  • Les Noirs esclaves au Maroc constituaient le corps militaire marocain, la garde civile, tandis que d’autres remplissaient des tâches qu’on leur attribuait sous le règne d’Ahmed El Mansour Eddahbi ou encore de Moulay Ismail au 16e et 17e siècle.

“Il est rare qu’une Marocaine épouse un Noir”. Pour Nadia, une Marocaine âgée de cinquante ans, il ne s’agit pas simplement d’un problème racial.

» C’est plus profond que ça. C’est un sentiment qui s’est perpétué de génération en génération. Il est extrêmement rare, par exemple, qu’une Marocaine épouse un Noir, même musulman. Cela ne se fait pas. Le seul cas qui soit, à la rigueur, «toléré», est lorsque l’homme n’a pas les traits trop négroïdes. On craint le fameux «qu’en-dira-t-on» de la famille et/ou de l’entourage. La femme en question entendra souvent sa mère ou une proche lui dire qu’il y a «suffisamment de bons Marocains pour ne pas aller chercher un Noir» ».

« Même pour un homme, qui en général est plus “libre” puisque c’est lui qui transmet son nom et sa religion à ses enfants, épouser une femme de couleur n’est pas accepté par son entourage. Et c’est encore plus difficile quand il ne s’agit pas d’un ou d’une non-musulmane. Les mariages mixtes sont déjà très rares dans notre culture, alors avec des Noirs non marocains, non musulmans, ça n’est jamais accepté. Que ce soit pour ma génération, la génération de mon père ou celle de mes enfants.»

Hervé Baldagai, Secrétaire général de la CESAM (Confédération des élèves, étudiants et stagiaires africains étrangers au Maroc):

  • « Le racisme le plus violent s’exprime à l’égard des étudiants noirs. A la cité internationale universitaire de Rabat, c’est assez visible. Les étudiants qui viennent de part et d’autre du continent africain pour suivre leurs études sont regroupés entre eux, voire isolés. Ils ne partagent pas les mêmes locaux que les étudiants “blancs” marocains. C’est très communautaire.» 

Les conditions pour les Noirs sont très difficiles, les insultes sont régulières. On nous traite en arabe de «sales nègres», on nous ordonne de quitter le pays, on nous traite de «porteurs du Sida», on nous lance des pierres. C’est invivable. Nous rencontrons des difficultés dans les administrations, comme pour l’obtention de la carte étudiante ou encore pour la Bourse.

Les étudiants noirs retournent dans leur pays après leurs études

Récemment, la chaîne 2M a organisé un débat sur le sujet. Le problème, c’est qu’à la diffusion, certains passages avaient été censurés, notamment les passages où il y a eu des plaintes. Nous parlons entre nous des agressions dans les rues mais c’est tout. De toute manière, que voulez-vous qu’il se passe ? En général, à la fin de leurs études, les étudiants noirs retournent dans leur pays d’origine. Sauf ceux qui viennent de pays en guerre comme la Sierra Leone, le Togo, la Côte d’Ivoire, qui sont contraints de rester au Maroc.

« En général, nous ne nous expliquons pas l’attitude de certains Marocains, souligne le Secrétaire général de la CESAM. Je trouve pour ma part que certains facteurs doivent être pris en considération. Le premier est religieux.

Les Noirs musulmans sont moins persécutés que les Noirs chrétiens ou animistes.

Le deuxième facteur est dû à une méconnaissance culturelle. Les médias marocains montrent toujours des aspects négatifs de l’Afrique subsaharienne (le Sida, les guerres…), et les Marocains finissent par avoir peur de nous et donc nous rejettent

Une éducation au racisme

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Il est courant d’entendre des enfants ou des adultes traiter les noirs de « hartani » (homme de second rang) ou de aazi (nègre). «Les jeunes enfants nous insultent devant leurs parents sans que ces derniers ne les corrigent ou ne les grondent» explique un étudiant noir.

«Un Noir non musulman est regardé différemment d’un Noir musulman» explique Parfait M’Benzé Mouanou, un étudiant congolais à l’ESM de Rabat (Ecole Supérieur de Management), qui suit un Master en management logistique et ingénierie des transports.

« Je dois avouer que j’ai voulu repartir dès mon premier jour ici. Cela ne se passait pas vraiment comme je l’espérais. Au Maroc, on accepte mal la différence culturelle et religieuse. Un Noir non musulman est regardé différemment d’un Noir musulman par exemple. Pareil pour un Noir marocain et un Noir étranger.

J’ai vécu en France 15 ans, je suis également allé en Côte d’Ivoire, au Togo et dans beaucoup d’autres pays. Et je peux dire que l’intégration n’est pas la même ici (…)

Nous ne sommes pas si nombreux que ça au Maroc, mais les Marocains nous en veulent, car il y a déjà pas mal de chômage dans le pays et ils n’acceptent pas que nous puissions prendre » leurs’ emplois. A la fin de mes études, je retournerai au Congo. Je ne me vois pas faire carrière ici.

A côté de lui, un jeune Béninois, qui a souhaité garder l’anonymat confie que les insultes font partie de son lot quotidien.

 

“Oui je me fais traiter d’esclave et de sale noir”

France 24 a interrogé Joseph (pseudonyme), un Guinéen étudiant en informatique à Casablanca.
“Je suis venu étudier l’informatique à Casablanca grâce à une bourse accordée par mon pays. Cela fait quatre ans que je suis ici, et cela fait quatre ans que je suis victime de racisme, tout le temps, à n’importe quelle occasion.
 
L’histoire la plus significative s’est produite à l‘aéroport. J’accompagnais ma tante qui devait embarquer pour Conakry et qui avait beaucoup de bagages. D’autres subsahariens sont venus pour l’aider à les porter, mais le chef d’escale les en a empêchés, en nous disant qu’elle devait se débrouiller toute seule parce qu’elle était noire. J’ai protesté, et il nous a conduits à la police et un agent a commencé à m’insulter. Je lui ai répondu en arabe, et en retour il m’a frappé à la tête. J’ai dit que j’allais porter plainte et il m’a renvoyé, ironiquement : ‘C’est ça, va te plaindre chez le roi !’. Du coup, je n’ai jamais déposé de plainte.
 
Quand je marche dans la rue, il est fréquent qu’on me traite de sale Noir ou d’esclave. Je me suis fait frapper plusieurs fois par des jeunes Marocains, gratuitement, et les témoins de la scène ne font jamais rien pour m’aider. Tous mes amis issus d’Afrique noire racontent la même chose, même les filles se font insulter. Maintenant, pour essayer d’éviter ça, j’essaye de ne pas répondre quand on m’interpelle, mais si on commence à me molester, qu’est-ce que je dois faire ? Il faut bien que je me défende.”

En Libye, les noirs sont vendus dans les marchés aux esclaves

Selon l’Organisation internationale pour les Migrations (OIM), des réfugiés originaires d’Afrique subsaharienne sont publiquement vendus aux enchères sur des marchés aux esclaves en Libye.

Des centaines de jeunes africains sont vendus en public dans ce qui sont pour eux de véritables marchés aux esclaves.

 

“ Il y a en Libye de véritables marchés d’esclaves où la vente et l’achat des migrants se négocie. Vous allez au marché, et vous pouvez payer entre 200 et 500 dollars pour avoir un migrant et l’utiliser pour vos travaux. ”

Un sénégalais de 34 ans, ancien esclave, a affirmé que beaucoup d’autres comme lui ont été transportés dans un endroit poussiéreux de la ville libyenne de Sabha après avoir traversé le Niger dans un autobus à l’aide de marchands d’esclaves. Le groupe a payé pour être emmené sur la côte, où il prévoyait de traverser la Méditerranée vers l’Europe en bateau. Le chauffeur avait alors prétendu que les intermédiaires n’avaient pas couvert leurs honoraires et qu’ils avaient mis en vente la cargaison de migrants.

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Livia Manante, un agent de l’OIM basé au Niger a affirmé que :

“ Les hommes ramassés en route ont été emmenés sur une place ou un parking, où une sorte de trafic d’esclaves se produisait […] Il y avait des gens du coin achetant des migrants subsahariens ”.

En 2017, la République islamique de Mauritanie tolère toujours l’esclavage.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

Sources :

http://matumba.afrikblog.com/archives/2008/02/01/7785779.html

http://observers.france24.com/fr/20121106-racisme-maroc-peril-noir-immigration-subsaharienne-noirs-ceuta-meililla

http://nofi.fr/2017/04/lybie-africains-vendus-aux-encheres-marches-aux-esclaves-modernes/37877

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