Alain René Arbez a accepté de se prêter au questionnaire Jean-Patrick Grumberg pour les lecteurs de Dreuz.
Quel est l’endroit du monde que vous avez déjà visité et où vous pourriez vivre le restant de votre vie ?
Jérusalem. Durant mes études de théologie, j’ai été marqué par la découverte de Jérusalem et d’autres lieux emblématiques d’Israël. C’était en 1970. J’avais été lauréat d’un concours biblique et gagné un séjour d’un mois, nous étions une dizaine, avec des spécialistes de la Bible et des lieux archéologiques. En raison d’une panne de train entre Genève et Zürich, j’ai raté l’avion et pris le suivant. Mais celui qui aurait dû me conduire à destination a été mitraillé à Lod par des militants palestiniens. Première prise de conscience décisive du problème. Cette étape formatrice autour de thématiques bibliques et historiques a beaucoup compté pour moi, et mes autres voyages successifs en Israël m’ont toujours conforté dans ma recherche grâce aux contacts locaux et à l’impact spirituel. Je me sentais mieux pour prier au Kottel que dans l’environnement surchargé du St Sépulcre, l’essentiel étant de ressentir en direct l’enracinement hébraïque de l’histoire du christianisme.
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Si vous pouviez participer à une conversation de l’Histoire humaine, laquelle choisiriez-vous ?
Le mystère de la rencontre entre Moïse et la lumière vocale divine, cette fascinante conversation autour d’un feu qui ne détruit pas et qui est un appel brûlant à entraîner tout un peuple opprimé vers sa libération. Conversation intrigante qui se poursuit dans l’épisode de la Transfiguration du Christ en discussion avec Moïse et Elie, comme une suite actualisée de la Pâque.
Si vous pouviez choisir de jouer dans un film existant, quel film serait-ce et quel rôle serait le vôtre ?
En auto-dérision, je pense à l’affiche du film « Dieu pardonne ? Moi pas ! ». D’abord parce que le pardon n’est pas une attitude de faiblesse ou de complaisance, mais aussi parce que certains ayant tendance à mettre complaisamment le pardon à toutes les sauces, il se trouve que parfois par manque de patience ou par souci de rigueur je ne banalise pas. Mais il est vrai aussi que ceux qui ne savent pas pardonner sont impardonnables !
Si vous pouviez être un personnage historique, lequel aimeriez-vous réincarner ?
Il y a l’embarras du choix. Mais peut-être François d’Assise, qui a eu un souci authentique de ceux qui n’étaient pas avantagés par la vie, et qui dans la droite ligne des témoins bibliques les plus courageux, s’est donné pour but de réhabiliter la dignité de tous. A une époque où l’Eglise était prise en otage par les puissants, il a restitué le sel de l’évangile.
Quel est le défaut humain que vous détestez le plus, celui que vous excusez le plus ?
Le double jeu est quelque chose d’exécrable qui empoisonne la vie sociale dans les entreprises, dans les milieux politiques, dans les institutions religieuses. Le défaut excusé : la faiblesse, la fragilité des hésitants, de ceux qui manquent d’oxygène spirituel ou vital.
Si un génie vous accordait un vœu politique, lequel serait-il ?
Créer un état où chacun trouverait sa place à condition de respecter les autres et ne vouloir que leur bien. Des communautés s’y essaient, avec les résultats partiels inhérents aux limites de leurs membres.
Qui étiez-vous dans une autre vie et comment gagniez-vous votre vie ?
J’ai eu la chance d’exercer des fonctions assez diverses et interactives dans mes différents ministères sacerdotaux. Aumônier d’étudiants, prêtre éducateur spécialisé pour les personnes en difficulté et en rupture, créateur de structures d’accompagnement pour familles éclatées, soutien à des toxicomanes sortant de la dépendance, aumônier de prison, directeur de centre pour étudiants africains, latinos, et de l’est, curé de paroisses urbaines, juge au tribunal ecclésiastique, animateur de groupes de dialogue judéo-chrétien, praticien de la recherche biblique, référent d’un groupe de politiciens du tiers-monde « éthique et politique », conférencier, membre de la SPA, etc, etc…
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Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.
Un homme intègre, qui a fait l’excellent choix d’Israël . Monsieur l’Abbé Arbez, on ne peut que respecter les valeurs morales , spirituelles et sociales que vous représentez et que vous défendez à travers vos différentes fonctions et regretter qu’elles ne soient plus ancrées dans l’évolution actuelle des société européennes notamment.
Article intéressant, c’est certain.
Néanmoins, quand je lis ceci, je ne peux que “tomber de ma chaise”.
“Mais il est vrai aussi que ceux qui ne savent pas pardonner sont impardonnables !”
Alors je suis impardonnable et fière de l’être !
Attention je sais que ce qu’est le vrai pardon, mais cela reste insensé pour moi. Cela me rappelle un chanteur belge, Beaucarne, qui avait pardonné à l’assassin de son épouse, mais comment peut-on aller jusque là ? Je préfère savoir, et d’expérience d’ailleurs, qu’il existe des humains toxiques qui ne méritent aucun pardon, aucune empathie.
Je ne pardonne pas, je ne pardonnerai jamais tous les attentats islamistes et leurs auteurs, et ce depuis le 11 septembre 2001 à New York contre notre monde libre occidental.
Il est bien des cas où présenter des excuses ou pardonner sont effectivement des faiblesses réelles.
Chinook vous avez raison de dire que certains actes sont impardonnables, la trahison, le crime, les attentats, la souffrance gratuite et si vous le permettez je vous livre la maniere dont j ai pu “pardonner” l’impardonnable.
Toute injustice se paiera un jour et à hauteur des souffrances qu’elle a causées mais ce que j’ai decouvert c’est que ce n’etait ni à moi ni à la pietre justice humaine de rendre la justice. il existe un tribunal divin devant lequel tout genou flechira et ceux qui ont commis l’injustice devront ressentir dans leur totalité les souffrances qu ils ont causées.
Dans cette idée je pense qu’Hitler pourra être pardonné quand il aura vecu chaque mort de chaque deporte, éprouvé la peine de chaque personne qui aura perdu un proche par sa faute. Ainsi apres des dizaines de milliers d annees de ce purgatoire interminable il pourra regretter sincerement tous ses actes. prendre la mesure exacte de tout ce qu il a fait et oui etre enfin pardonné mais ceci aucune justice humaine ne pourrait le realiser. Lors donc lorsqu on remet à Dieu l’accomplissement de la vraie justice on peut enfin se delivrer soi meme du sentiment de haine et de rancoeur et meme arriver à plaindre ceux qui ont commis de tels crimes en sachant à ce qui les attend.
Dans ce cas on peut reellement pardonner en se disant “je ne te ferai pas de mal, je ne chercherai pas à te nuire ” car celui qui te jugera est infiniment juste et ne laissera pas la moindre iniquité impunie sauf si elle donne lieu à un repentir sincere, profond et definitif qui passe par le redempteur de tout péché.
Je ne sais pas si j’ai raison mais ces pensées m’ont apaisé.
Courrier Nord Je suis assez d’accord avec votre conception du pardon. Personnellement je ne me sens pas apte à pardonner, surtout si les personnes en question ne demandent pas à être pardonné ce qui est le cas d’Hitler par exemple et de ses acolytes . Donc il n’y a dans ces cas pas de regret donc pas de pardon à donner. Mais pour moi seul DIEU peut juger car seul LUI voit en nous totalement. Votre “purgatoire” me plaît aussi que chaque assassin supporte les souffrance qu’il a infligé à son prochain. C’est une bonne conception de la justice… DIEU a sûrement d’excellentes solutions à cette question…
“A une époque où l’Eglise était prise en otage par les puissants, il a restitué le sel de l’évangile.”
Père, puisque vous citez Saint-François d’Assise, comme quelqu’un que vous auriez aimé être et dans lequel vous aimeriez être réincarné, pouvez-vous accélérer les efforts nécessaires pour y arriver car depuis le début des années 2000, l’Eglise a été progressivement prise en otage par les puissants et le sel de l’Évangile paraît bien lointain ?
Un renouvellement de Saint-François s’impose donc…
La tâche sera rude, car les pouvoirs liés à un libéralisme dévoyé, à un humanisme pétri de l’emphase et des (officiellement) bonnes intentions qui pavent le chemin vers l’enfer et l’argent triomphant, mais vous y arriverez sans aucun doute avec le soutien de Saint-François d’Assise et celui de l’Esprit 🙂 !
Il y a des “sultans” bien ailleurs qu’à Damiette et avant d’y arriver, Saint-François a fait trois tentative de désir du martyr et de lutte pour convertir les infidèles à l’Amour de Dieu.
http://ecole-franciscaine-de-paris.fr/vita-secunda-30/
et puis
Selon St Bonaventure
http://ecole-franciscaine-de-paris.fr/legende-majeurechapitre-ix/ :
« Le prince leur demanda qui les envoyait, pourquoi et à quel titre, et comment ils avaient fait pour venir ; avec sa belle assurance, le serviteur du Christ François répondit qu’il avait été envoyé d’au-delà des mers non par un homme mais par le Dieu très-haut pour lui indiquer, à lui et à son peuple, la voie du salut et leur annoncer l’Évangile qui est la vérité. Puis il prêcha au sultan Dieu Trinité et Jésus sauveur du monde, avec une telle vigueur de pensée, une telle force d’âme et une telle ferveur d’esprit qu’en lui vraiment se réalisait de façon éclatante ce verset de l’Évangile : Je mettrai dans votre bouche une sagesse à laquelle tous vos ennemis ne pourront ni résister ni contredire[41].
Témoin en effet de cette ardeur et de ce courage, le sultan l’écoutait avec plaisir et le pressait de prolonger son séjour près de lui[42] ; mais le serviteur du Christ, instruit par une indication du ciel, lui dit : « Si tu veux te convertir au Christ, et ton peuple avec toi, c’est très volontiers que, pour son amour, je resterai parmi vous. Si tu hésites à quitter pour la foi du Christ la loi de Mahomet, ordonne qu’on allume un immense brasier où j’entrerai avec tes prêtres, et tu sauras alors quelle est la plus certaine et la plus sainte des deux croyances, celle que tu dois tenir. » – « Je doute, remarqua le sultan, qu’un de mes prêtres veuille pour sa foi s’exposer au feu ou subir quelque tourment. » Il venait en effet d’apercevoir l’un de ses prêtres, pontife éminent et avancé en âge pourtant, s’éclipser en entendant la proposition de François.
Le saint lui dit alors : « Si tu veux me promettre, en ton nom et au nom de ton peuple, que vous passez tous au culte du Christ pourvu que je sorte des flammes sans mal, j’affronterai seul le feu. Si je suis brûlé, ne l’attribuez qu’à mes péchés ; mais si la puissance de Dieu me protège, reconnaissez pour vrai Dieu, seigneur et sauveur de tous les hommes, le Christ, puissance et sagesse de Dieu[43] ! » Le sultan n’osa point accepter ce contrat aléatoire par crainte d’un soulèvement populaire ; mais il lui offrit de nombreux et riches cadeaux que l’homme de Dieu méprisa comme de la boue : ce n’était pas des richesses du monde qu’il était avide, mais du salut des âmes. Le sultan n’en conçut que plus de dévotion encore pour lui, à constater chez le saint un si parfait mépris des biens d’ici-bas ; malgré son refus ou peut-être sa peur de passer à la foi chrétienne, il pria cependant le serviteur de Dieu, afin d’être plus certainement sauvé, d’emmener tous ces présents et de les distribuer aux chrétiens pauvres ou aux églises. Mais le saint qui avait horreur de porter de l’argent, et qui ne découvrait pas dans l’âme du sultan les racines profondes de la foi vraie, s’y refusa inexorablement. »
Sur la garde du Saint Sépulcre à Jérusalem, confiée aux Franciscains, « il y a 123 ans qui s’écoulent entre le moment où François quitte le Sultan et le moment où, après moult péripéties et guerres, le couple royal aragonais réussit, entre diplomatie et paiement de lourds tributs, à ce que les Franciscains puissent demeurer au St Sépulcre »
« La puissance des Franciscains. », L’Histoire 7/2012 (N° 378), p. 44-44
A ce sujet, je comprends bien votre remarques sur le Kottel vs le Saint Sépulcre, et vous avez de la chance de connaître les deux. Jérusalem et la Terre Sainte, “l’essentiel étant de ressentir en direct l’enracinement hébraïque de l’histoire du christianisme”.
Père Arbez,
au fait j’ai oublié de vous dire que je trouve super votre pirouette pour la dernière (et saugrenue ;-)) question de JPG. Et ce, je réalise à de multiples niveaux, plus que je n’en avais vu dans ma première réaction critique à cette question. Merci.
Que de belles réponses bien inspirées Père Arbez. Vous savez que j’apprécie beaucoup vos articles même si je ne les commente pas toujours. Parfois ils m’inspirent plus que d’autres, et vos réponses d’homme de foi au “Questionnaire de Jean-Patrick Grumberg pour les lecteurs de Dreuz” m’ont inspiré celles-ci, que je partage avec vous si vous le permettez, et avec les lecteurs de Dreuz :
Quel est l’endroit du monde que vous avez déjà visité et où vous pourriez vivre le restant de votre vie ?
À l’Abbaye Saint-Benoît-du-Lac, perdu dans sa lointaine campagne, à l’écart du tumulte et des turpides du monde, où je serais affecté à la bibliothèque la plus propice au recueillement de tout l’univers, par son silence éternel ;
Si vous pouviez participer à une conversation de l’Histoire humaine, laquelle choisiriez-vous ?
Celle de Jacob avec l’Ange qui lui démet la hanche…
Si vous pouviez choisir de jouer dans un film existant, quel film serait-ce et quel rôle serait le vôtre ?
« Dersou Ouzala » d’Akira Kurosawa (1975) ; j’y serais Dersou Ouzala, un trappeur sibérien qui vit de la pelleterie et devient guide pour un topographe russe au début du XXe siècle. Une belle histoire et un pur chef d’œuvre cinématographique.
Si vous pouviez être un personnage historique, lequel aimeriez-vous réincarner ?
Réincarné en son temps : Saint-Jean, le disciple que Jésus aimait ;
Réincarné aujourd’hui : Jésus de Nazareth pour le Salut du Monde qui en a un besoin urgent… mais sans crucifixion ce coup-ci.
Quel est le défaut humain que vous détestez le plus, celui que vous excusez le plus ?
Le plus détesté : la traitrise, « car on n’est jamais trahi que par les siens » et ça c’est triste, douloureux, dévastateur et inexcusable. Le plus excusé : tous les défauts commis de « bonne foi », seulement une fois (sauf la traîtrise).
Si un génie vous accordait un vœu politique, lequel serait-il ?
Que les richesses soient mieux réparties sur Terre.
Qui étiez-vous dans une autre vie et comment gagniez-vous votre vie ?
Je mendiais ma vie, cloué sur un grabat, et quelqu’un est venu à moi et m’a pardonné les péchés que j’expiais depuis ma naissance, et pour prouver à toute l’humanité que j’étais vraiment pardonné et qu’Il était vraiment l’incarnation du Dieu de miséricorde il m’a dit : « Lève-toi, prend ton grabat, rentre chez-toi et ne pêche plus de peur qu’il ne t’advienne pire » (Tu n’a plus à souffrir pour tes fautes originels). Sa parole confine à l’infini.
Très intéressant.
Je conprend cependant la colère de Chinook, que je partage aussi.
Cependant, Je pense que le Père Arbez sait très bien que l’impardonable existe et qu’il n’a pas voulu pour autant galvauder le principe essentiel du pardon en le distribuant à tout va. Mais ce n’est pas ce genre de long sujet qui puisse être aborder en commentaire
et je vote donc ‘pour la grâce’ à accorder à notre écclesiatique préféré (et j’en profite pour l’inviter en Israël quand il veut).
Je comprend mieux aussi l’excellence de ses textes à la description de son vécu, plus particulièrement encore à travers le cas du chauffeur abattu ; c’est le genre de chose d’évènement existentiel qui ouvre les yeux sur l’au-delà des idéologies. J’ai moi-même failli être enlevé dans des conditions très similaires aux 3 jeunes par quoi la dernière guerre de Gaza a commencé.
J’écrirais un témoignage là-dessus quand j’aurai un moment.
Merci!
J’ai voulu lancer une provocation humoristique sur un sujet sérieux:
ceux qui disent qu’on ne peut pardonner sont impardonnables…
un seul couac sur le pedigree : membre de la SPA…
en couac cela est-il pour vous un couac?
la défense des animaux abandonnés et maltraités me tient à cœur, pas à vous?
Le sujet du pardon est obscurci par un ensemble de confusions :
– d’abord celle entre le crime et le criminel ; AUCUN CRIME n’est pardonnable , ne serait-ce que parce que personne ne sait d’avance la conséquence même d’un petit vol :oeuf ou boeuf ? Aussi la justice humaine , quand elle n’est pas égarée par la culture de
l’excuse mais légitimement adossée aux injonctions du Décalogue , poursuit-elle à raison le contrevenant jusqu’à sa peine…la question du criminel est tout autre : c’est son remords que le pardon peut venir couronner , lequel ne peut être exigé : le remords et le pardon – pas plus que l’amour- ne sont de l’ordre du décret.
– C’est en effet une autre grave confusion que de mélanger l’ordre métaphysique et l’ordre social : la conviction que la vibration d’un coeur sincèrement pardonnant peut
secourir une âme en détresse jusque dans l’au-delà est une croyance métaphysique parfaitement respectable ; mais il n’est pas du ressort de l’état de propager ce genre de conviction et de plus : loin qu’elle pousse au laxisme , elle justifie la victime qui réclame une peine rigoureuse comme seule capable d’émouvoir son pardon….
– C’est d’ailleurs une troisième confusion qui scelle l’erreur sur ce point : “tendre l’autre joue” n’incite au pardon que pour établir une amitié potentielle ou rétablir une
amitié préalable ,et non pour encourager une hostilité criminelle !
S’ajoute à cet ensemble obscur la macronie qui lie le “terrorisme” au ….climat !!!