Le Rav Shaoul (de Tarse) ne serait-il pas le 13ème des douze apôtres de Jésus, un peu comme les trois mousquetaires qui étaient quatre ? Shaoul Ha katan, = Paulus, le petit…Paulus, car juif de citoyenneté romaine.
Au cours de sa mission itinérante, Jésus s’est adjoint douze coéquipiers parmi ses disciples, afin de manifester la continuité de son message au sein de son peuple. Car ce nombre fait écho aux douze tribus d’Israël, dimension essentielle de l’histoire sainte. Sous le règne de Saül, les douze tribus auparavant divisées étaient enfin réunies, et c’est avec le roi David que Jérusalem devenait définitivement la capitale d’Israël.
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Devant l’essor de communautés juives dissidentes en Eretz Israel, Shaoul pharisien devenu dans sa jeunesse quelque peu zélote, développe une riposte agressive. Il persécute ceux qu’il estime déviants, entre autres les disciples du rabbi Jésus le Nazaréen, par souci de défendre une appartenance à la thora qu’il pressent comme menacée.
Et pourtant, lui qui n’a jamais côtoyé le Jésus historique et ne connaît son enseignement que par les critiques qu’il en a entendues, voici qu’il fait une expérience inattendue : il rencontre le ressuscité sur la route de Damas. Une confrontation illuminatrice et décisive qui fait de lui un autre homme, car sa vie va en être totalement réorientée. Il ne rejette en rien l’héritage de la tradition hébraïque, base de sa formation pharisienne, mais il engage tout son être à annoncer la bassora tova, la bonne nouvelle de la résurrection, nouvel angle d’approche actualisée du message biblique. Il deviendra capable de braver tous les dangers pour aller encourager des communautés messianiques à se constituer. Il va visiter les groupes locaux de la diaspora juive tout en annonçant le monde nouveau aux goyim, de culture grecque. Il sera l’apôtre des nations.
Conscient d’un décalage entre lui et les apôtres que Jésus avait lui-même institués avant sa passion, Shaoul se présente d’une manière particulière : « Paul, apôtre, non de la part des hommes, ni par l’intermédiaire d’un homme, mais par Jésus Christ et Dieu le Père »(Gal 1.1) Dans la perspective de l’annonce du règne de Dieu imminent, il se sent de ce fait mandaté au même titre que Simon Pierre et les Douze. Il n’hésite pas à écrire aux Corinthiens : « Vous êtes le sceau de mon apostolat » (1 Cor 9.2). Dans ses nombreuses épîtres, au riche contenu théologique et aux exhortations circonstanciées, Shaoul laisse transparaître la formation rabbinique qu’il a reçue à l’école de Gamaliel, dont la yeshiva était renommée pour son niveau spirituel haut de gamme.
Shaoul connaît le rite de la semikha, l’envoi en mission au nom de Dieu, qui s’exprime par l’imposition de la main sur l’épaule du disciple. Ce geste manifeste à l’assemblée, qehila, le fait que le disciple est habilité à transmettre l’enseignement qu’il a reçu. Cette ordination au service de la Parole vivante, les douze apôtres de Jésus l’ont reçue directement du Maître, avec la tâche d’instituer d’autres serviteurs de la bonne nouvelle. Shaoul / Paul estime quant à lui qu’il l’a reçue dans cette effusion de lumière qu’était sa rencontre avec le Messie glorieux.
Quoi qu’il en soit, il existe un lien de communion entre Shaoul et les deux autres responsables de l’Eglise naissante – Pierre et Jacques – (ou Shimon Kefa et Jacob en v.o. ! ) Cette connexion dans l’Esprit est mise en valeur par l’évangéliste Luc dans les Actes des Apôtres au moment où le missionnaire des nations part fonder des communautés messianiques en Arabie. Paul est certes l’ambassadeur inspiré et enthousiaste du ressuscité, mais il n’agit pas en électron libre comme s’il était indépendant des douze. Ce n’est pas par hasard que l’Eglise primitive ait voulu très tôt associer Pierre et Paul, comme deux piliers inséparables, dans une même célébration de leur apostolat. C’est une reconnaissance de leur complémentarité : l’un est apôtre des croyants en Israël, l’autre apôtre des païens jusqu’en terre lointaine.
Par son engagement total, Shaoul/Paul est bien le 13ème des Douze, membre actif de l’unique mission apostolique. Il est porteur à sa manière de la sagesse pharisienne, tout en étant attentif à l’inculturation du message salvateur en terre païenne, dans cette culture hellénistique correspondant à la modernité de l’époque.
Paul, treizième des douze, mais à la manière étonnante dont les douze tribus d’Israël étaient devenues treize ! Car si nous relisons Genèse 48, 13 et 17, nous découvrons que Jacob donne sa bénédiction simultanément aux deux fils de Joseph, Ephraïm et Manassé. Le douze qui devient treize manifeste la générosité de D.ieu, le surplus divin dont les bénédictions dépassent la mesure humaine des choses. C’est l’abondance d’amour du cœur de D.ieu.
Shaoul/Paul, le treizième des douze illustre à un tournant significatif ce supplément d’âme dans son action comme dans ses écrits. On peut même dire qu’il a fait école puisque certaines épîtres signées de son nom sont en fait le résultat d’un travail d’équipes pauliniennes. Il est intéressant de noter que dans la gemara (corrélation de chiffres et lettres hébraïques) le 13 correspond au mot ahava (amour) !
Cependant l’apôtre Paul a été parfois dénigré et affublé de tous les travers : il serait misogyne, il aurait créé de toutes pièces un Christ doctrinaire, il aurait élaboré une théologie éloignée de la pensée originelle de Jésus le Nazaréen, etc. En réalité, Shaoul a été un véritable maïeuticien de communautés nouvelles, nées de façon fulgurante autour de la diaspora juive du Proche Orient et d’Asie mineure après les années 30. A partir du message évangélique, il a été le passeur de l’espérance biblique aux cultures païennes. A travers lui, la spiritualité du peuple juif a été un fantastique ferment de renouveau dans de vastes régions d’Orient et d’Occident, réalisant alors une part notable de sa vocation universelle.
Selon certains spécialistes, Shaoul de Tarse a dicté ses épîtres en hébreu et celles-ci auraient ensuite été traduites en grec, mais en gardant de nombreuses tournures sémitiques. La vision du monde et l’anthropologie de Paul s’enracinent incontestablement dans la Tradition biblique, et sa foi en la Résurrection le tourne résolument vers un nouvel avenir.
Paul ne raisonne jamais comme un Grec, mais toujours comme un Hébreu. A la différence des gnostiques qui considèrent l’âme humaine comme un élément divin et pur souillé par sa descente dans un corps mortel, Paul développe une pensée selon laquelle l’être humain est appelé à se transformer au cours et à la fin de son parcours terrestre. Pour lui, à la différence des Grecs, le monde n’est pas une matière éternelle immuable, mais une création qui s’use avec le temps et qui attend sa régénération spirituelle. Paul ne confond jamais D.ieu avec sa création, et il n’adhère pas à l’idée que l’univers serait incréé et autonome. L’homme est donc en évolution et le Christ est son prototype. C’est pourquoi, pour Paul, l’union au Christ est un chemin d’accomplissement humain. Cette vision est en opposition frontale avec la conception grecque matérialiste ou avec les idées gnostiques qui reviennent aujourd’hui à la mode, et dont un des aspects significatifs majeurs est de désincarner et déjudaïser la personne de Jésus.
Il y a semble-t-il une certaine parenté entre la spiritualité de Shaoul/Paul et celle de Jean l’évangéliste. Tout en relativisant certains aspects contraignants de la thora, tous deux affirment que le Christ, HaMashiah, authentiquement juif, ouvre de manière originale une voie d’humanité à partir de la tradition hébraïque. Shaoul de Tarse, pharisien et apôtre des goyim, a été un constructeur de ponts entre cultures. La lumière d’Israël est celle d’un D.ieu unique fidèle à son peuple choisi, premier né des nations de la terre. Mais c’est un D.ieu qui aime tous les hommes, le livre de Jonas et le prophète Isaïe sont là pour en attester. De la part de Shaoul/Paul, transmettre cette lumière d’Israël aux nations, c’est leur faire découvrir cette merveilleuse spiritualité, porteuse d’éthique personnelle et collective.
Si Paul a minimisé le rite identitaire de la circoncision en ce qui concerne les sympathisants païens, c’est pour insister sur le baptême comme renaissance, et sur la « circoncision du cœur », signe d’une relation vivante avec le D.ieu créateur et sauveur. Sans abandonner sa conviction qu’Israël jouit d’une relation spécifique avec D.ieu, Paul a élargi en Jésus cette relation aux hommes de bonne volonté.
En affirmant dans l’épître aux Romains qu’au jour voulu par D.ieu, « tout Israël sera sauvé », il estime cependant que – pour la venue du Royaume – l’urgence est l’annonce aux païens d’un amour éternel qu’ils ne connaissent pas, du fait que les juifs bénéficient déjà des dons les plus irrévocables. Il écrit aux communautés nouvelles : « Ce n’est pas toi qui portes la racine, c’est la racine qui te porte ! »
Shaoul/Paul a ainsi offert à tous une démarche de foi, d’espérance et d’amour, qui recèle la force de transformer le meilleur des cultures du monde en itinéraire de grâce vers le Royaume de D.ieu.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez prêtre, pour Dreuz.info.
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Cher Monsieur l’Abbé,
Votre article, remarquable, mérite l’attention.
Toutefois, en ce qui me concerne, Shaoul de Tarse fut un personnage ambigu ; pharisien puis guerrier vendu à Rome, il a massacré aussi bien les croyants en Yeshua que les non-croyants et même jusqu’aux juifs. Il était, à mon humble avis, un opportuniste et, même s’il fut celui qui est à la base de la Chrétienté, sa “Foi” en Yeshua me reste assez discutable.
Quant à la 13ème tribu d’Israël, Shaoul de Tarse le 13ème apôtre que vous voyez comme la 13ème tribu, il me faut reconnaître que c’est une manière de voir assez remarquable surtout lorsque l’on sait que tout-un-chacun y met un peu de tout dans cette 13ème Tribu, des Khazars aux Éthiopiens en passant par les Asiatiques, etc., un pot où chacun y met son opinion.
Pour conclure, Shaoul de Tarse le 13ème apôtre en relation directe avec la fameuse 13ème tribu d’Israël me plait bien.
Avec mes respects.
@Abbé ARBEZ
Je tiens à ajouter, Monsieur l’Abbé, que votre conclusion est une prière :
“En affirmant dans l’épître aux Romains qu’au jour voulu par D.ieu, tout Israël sera sauvé, il estime cependant que l’urgence est l’annonce aux païens d’un amour éternel qu’ils ne connaissent pas, alors que les juifs bénéficient déjà des dons les plus irrévocables.”
Puis-je avoir un jour la révélation de Saint Paul. Je suis allé à Corinthe le Vieux prier sur le lieu même où Saint Paul pêchait. Je n’ai pas pu me retenir d’être profondément ému et de retenir une larme.
Cher Abbé Arbez,
Parlez-moi de Pierre, de Jacques, de Jean, et parlez-moi de l’Épître de Jude qui semble être on ne peut plus actuel.
Avec mes sentiments respectueux.
“…une démarche de foi, d’espérance et d’amour, qui recèle la force de transformer le meilleur des cultures du monde en itinéraire de grâce vers le Royaume de D.ieu.”
Quelle belle conclusion pour ce texte honorant l’Histoire de Paul, si nourrissante spirituellement.
Avec le suicide de Juda, ils n’auront jamais été plus de douze, délégués directement par le Maître, Paul étant néanmoins et effectivement le 13e! La 13e Tribu, celle des nations païennes? On peux l’espérer.
Aux USA, nombre de Protestants se reconnaissent dans la genealogie biblique, pas forcemment a partir de cette logique de 13 eme tribu qui est elle aussi interessante mais comme la descendance d’Esau, frere de Jacob, et qui concerne les peuples d’Occident par la suite devenu Chretiens.
@ Daniel : merci!
@Monsieur l’Abbé ARBEZ, j’apprécie beaucoup la verve avec laquelle vous relatez des épisodes bibliques en apportant votre éclairage particulier de l’Histoire Sainte en rappelant que la chrétienté tire son origine du judaïsme; j’ai la joie de constater qu’il existe encore des érudits pétris de bonne volonté qui soient capables d’apportent de l’espoir dans les cœurs par des paroles simples mais émouvantes; c’est pourquoi je dirais que ce n’est pas par hasard si vous avez du talent, c’est la volonté de D.ieu
Sur le Rav Gamliel, on sait que son ecole refusa de condamner le Christ et estimait que si le Christ reussirait, ce serait le signe que son projet s’inscrit dans la continuite du projet divin (raisonnement qu il ne faut cependant pas appliquer a tous les evenements de l’Histoire).
J ai aussi qq part dans mes archives un livre rare ecrit par un ancien juge de la Cour Supreme d’Israel dans les annees 60 (mais je ne pense pas qu’il soit de la gauche caviar comme la plupart d entre eux aujourd hui) sur la vie du Christ . Des que je retrouve, j’ en proposerai des extraits traduits et commentes.
Si je puis me permettre ..
Chrétienté et islam ne sont devenus ce qu’ils sont devenus que , et seulement, parce qu’ils ont été sortis de leur contexte – universel – juif.
Soit une main droite et une main gauche, qui seules se révèlent au mieux …disons maladroites !
Bon, faudrait un peu développer …
Amicalement.
il existe des paralleles
— saul de tarse/ le roi saul qui laissera sa royauté a David dont descendra Jesus
— saul // Sheol, la mort, c’est le seul apotre, qui a vu Jesus qu’apres sa resurrection, prouvant par la que la foi est plus forte que la mort
enfin pourquoi de tarse, en hebreu tarsis ?
qui evoque le prophete Jonas qui fuit Ninive pour Tarsis
Jonas, yonah, la colombe, qui invoque le Sheol au fond du poisson pendant 3 j ( comme J qui resuscite apres 3j)
qui prophetise à Ninive qu’on parcourt en 3j
ce sera le seul prophete d’Israel qui ira s’adresser directement hors d’Israel aux Nations
Merci Monsieur l’Abbé pour toutes ces explications. J’éprouve un très grand plaisir à vous lire.
Oui, l’itinéraire de Paul est exemplaire.
Le contraire de celui du roi Shaoul, son homonyme.
Une vie nouvelle recommence à Damas ( lieu de l’expiation silencieuse ) . Et pas seulement pour Paul mais aussi pour Judas et Ananie.
Si l’histoire, la géographie et la théologie se rencontrent, Damas compte.
dans la genese, Damas apparait a propos d’Eliezer de damas, l’intendant d’Abraham qu’il envoie hors d’Israel pour chercher une femme à son fils Isaac.
Grace à lui naitont d’Isaac et Rebeccah, 2 jumeaux.:
Jacob qui deviendra Israel et Esau, qui est l’ancetre des chretiens selon le Talmud.
Eliezer de Damas est donc celui qui va établir une genealogie au monotheisme d’Abraham, comme Paul etablira une descendance au judaisme hors de la terre d’Israel
ensuite, en hebreu Damas s’écrit DaMaSeK .
DaMaSeK est l’anagramme de MiKDaS = le Sanctuaire
Merci, Yehosh.
Pour ma part, je pense que les onze apôtres restants après la disparition de Judas ont outrepassé leur mandat en tirant au sort pour désigner un nouveau douzième apôtre : le Seigneur avait déjà prévu depuis toujours quel serait celui-là (Galates 14:15-17) !