Cette semaine l’Algérie rend hommage à celui qui fut l’un de ses grands dirigeants, Ferhat Abbas.
J’ai eu l’occasion de le côtoyer durant quelques années, alors qu’ j’étais jeune pigiste, engagé par Albert Camus, au quotidien « Alger Républicain » et que lui-même « tirait » son hebdomadaire « Egalite », sur les rotatives de ce même quotidien et, plus tard, dans sa propre imprimerie derrière le cinéma « Majestic ».
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Quelques fois nous nous sommes régalés en dégustant l’excellent « créponné », attablés sur le trottoir chez « Grosoli », à quelques mètres de son atelier.
J’ai eu le privilège d’assister à quelques échanges entre ces deux intellectuels, lors des fréquents séjours de Camus à Alger. Tous deux, à l’époque, avaient des idées très proches sur le destin de l’Algérie car, tous deux, prônaient une totale égalité mais se séparaient sur le sujet du collège unique qui, pour Albert Camus, accorderait un pouvoir supérieur aux Algériens sur les Européens.
Tout comme Albert Camus, Ferhat Abbas croyait à un avenir de l’Algérie associée avec la France. Il était, à l’époque, profondément francophone.
Il écrivait : « Je me mis à penser que l’Algérie ressemblait à la France … Il n’y a rien dans le saint Coran qui puisse empêcher un Algérien musulman d’être nationalement un Français […] au cœur loyal et conscient de sa solidarité nationale. »
Il était favorable à la politique d’assimilation, et militait activement au Mouvement de la jeunesse algérienne, qui réclamait l’égalité des droits dans le cadre de la souveraineté française.
Et cela s’expliquait par son parcours scolaire puis universitaire.
Il était reconnaissant envers la France, envers ses instituteurs et professeurs, de lui avoir permis, grâce à une bourse, d’obtenir son diplôme de docteur en pharmacie, en 1933. Il installa son officine à Sétif, où il devient rapidement une importante figure politique, conseiller municipal puis conseiller général.
Auparavant, lors du congrès tenu à Alger, en 1930, il avait été élu vice-président de l’UNEF (Union des Étudiants de France).
Il fut l’objet de fortes critiques, des différents groupements indépendantistes, lorsque, en date du 23 avril 1936, il écrivait un article intitulé : « La France, c’est moi », dans lequel il brûlait les idoles nationalistes et clamait son amour de la France et de la colonisation : « Si j’avais découvert la nation algérienne, je serais nationaliste et je n’en rougirais pas comme d’un crime. Mais je ne mourrai pas pour la patrie algérienne parce que cette patrie n’existe pas. J’ai interrogé l’histoire, j’ai interrogé les vivants et les morts, j’ai visité les cimetières, personne ne m’en a parlé… On ne bâtit pas sur du vent. Nous avons donc écarté une fois pour toutes les nuées et les chimères pour lier définitivement notre avenir à celui de l’œuvre française dans ce pays. »
Ferhat Abbas effectue son service militaire de 1921 à 1923.
C’est au cours de la deuxième guerre mondiale et lors des événements du 8 mai 1945 qu’il s’engage résolument contre les indécisions des gouvernements de la France, après avoir reçu une fin de non-recevoir de son rapport adressé au maréchal Pétain, intitulé « L’Algérie de demain », appelant son attention sur le sort des indigènes musulmans et réclamant des réformes.
Après le débarquement allié en Afrique du Nord, Ferhat Abbas se tourne vers l’Amiral Darlan, représentant, avec le général Giraud, la France aux côtés des alliés.
Il se heurte à nouveau sur le choix français de l’immobilisme sur le sort des musulmans comme pour celui des juifs.
Dès lors Ferhat Abbas se détourne de la France et s’investit totalement dans la lutte pour l’indépendance.
Il publie en 1943 le « Manifeste du peuple algérien » où il fait allusion à une nation algérienne.
Le projet étant bloqué par le général Georges Catroux, Ministre des affaires algériennes du gouvernement de la France-libre, sous les ordres du Général De Gaulle.
Il est assigné à résidence à In Salah.
En 1944, il crée les Amis du manifeste de la liberté, et sera injustement accusé d’avoir fomenté les émeutes de Sétif du 8 mai 1945 (alors que les vrais responsables sont les partisans de Messali Hadj, (lui-même exilé à Madagascar).
Libéré en 1946, il fonde l’Union démocratique du manifeste algérien (UDMA) qui obtient treize sièges à l’assemblée, étant lui-même élu député de Sétif.
Il ne participe pas à la révolution du 1er novembre 1954, mais, après plusieurs rencontres avec Abane Ramdane et Amar Ouamrane, il rejoint en mai 1955 le FLN.
Le 19 septembre 1958, il est nommé président du premier Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA).
Mais en août 1961, considéré comme trop proche de la France, il est remplacé par Benkhedda.
Lors de l’indépendance de l’Algérie, il se rallie à Ben Bella, mais désapprouve le parti unique.
Il succède à Abderrahmane Farès, président de l’exécutif provisoire, et devient le président, élu par 155 voix contre 36 blancs ou nuls, de la première Assemblée nationale constituante (ANC).
Faisant fonction de chef de l’État, il proclame, le 25 septembre 1962, la naissance de la République algérienne démocratique et populaire.
Ferhat Abbas démissionne le 15 septembre 1963, suite de son profond désaccord avec la politique de « soviétisation » conduite en Algérie par Ahmed Ben Bella en dénonçant son «gauchisme destructeur».
Exclu du FLN et emprisonné à Adrar dans le Sahara, il sera libéré en mai 1965 par Boumediene, à la veille du coup d’État du 19 juin.
Dénonçant « le pouvoir personnel et anti-démocratique » » de Boumediene, Abbas est une nouvelle fois assigné à résidence.
A 81 ans, en 1980, il publie ses mémoires dans « Autopsie d’une guerre » puis, en 1984, dans un nouveau livre « L’Indépendance confisquée », il dénonce la corruption du pouvoir qui règne en Algérie.
Ferhat Abbas sera décoré, le 30 octobre 1983, de la médaille de la résistance, par le président Chadli Bendjedid.
Décédé à Alger le 24 décembre 1985, Ferhat Abbas est enterré au carré des martyrs du cimetière El Alia d’Alger.
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Ferhat Abbas fut l’un de ces intellectuels formés par la France qui ne rêvait, comme tant d’autres, que d’une assimilation totale et qui, comme tant d’autres également, fut rejeté, négligé et je peux même ajouter « trahi » par des gouvernements français d’abandon qui préférèrent s’associer à des terroristes, des assassins, pour offrir à l’Algérie indépendante le destin tragique qui est le sien.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Manuel Gomez pour Dreuz.info.
Les articles de Manuel Gomez sont toujours source de culture sur l’Algérie. Merci.
” Il n’y a rien dans le saint Coran qui puisse empêcher un Algérien musulman d’être nationalement un Français […] au cœur loyal et conscient de sa solidarité nationale. »
En théorie oui, en discernant bien les choses, en laissant la religion à sa place, sans laisser traîner ses oreilles du côté des Frères Musulmans ou des Wahhabites. J’en croise aussi dans ma ville du nord de la France. Des gens écoeurés par ce qui se dit à la mosquée et qui pratiquent chez eux, tranquillement.
On tourne en rond, le fait indiscutable par simple honnêteté est de reconnaitre que tous les musulmans ne sont pas terroristes, mais que 99,9 % des terroristes sont musulmans.
Que le monde libre soit en capacité de continuer à affirmer ses valeurs (question de confiance en nous aussi) à mettre en avant leurs aspects positifs.
Toujours dans la réalité, il a été trahi comme nous l’avons été par le même homme, merci d’en parler.
Bon article :
http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2017/08/28/31003-20170828ARTFIG00173-du-11-septembre-2001-a-barcelone-retour-sur-15-ans-de-djihadisme.php?pagination=1#nbcomments
Les cocus de l’histoire : Harkis, Pieds Noirs…et les autres qu’on a envoyé mourrir et être marqué psychologiquement à vie : pour rien !
Lire sa bio :
https://fr.geneawiki.com/index.php/ABD_EL-KADER
Un homme qui respectait sa parole, il y en a de moins en moins dans le marigot politique !
Nous savons tous quels étaient les idées politiques qu’il défendait.
Sauf que…
Comme tout bon musulman qu’il était, il ne mit pas très longtemps à rejoindre la rébellion et même s’il reconnaissait que la France avait créé l’Algérie, il combattit dans les rangs des terroristes – CONTRE LA FRANCE – avec tout ce que cela a impliqué de crimes contre les Français.
S’il avait été un français de confession musulmane qui était resté fidèle à la France, je lui accorderai mon respect. Mais tel ne fut pas le cas.
Il a espéré devenir un chef (président, par exemple) de la nouvelle Algérie et, à mon avis, c’est cette ambition qui l’a poussé à rejoindre le fln terroriste.
Quelles que soient les bonnes paroles qu’il a dites plus tard, il n’en restera pas moins qu’il fut un chef révolutionnaire algérien qui a combattu l’armée de France.
Moralité :
Tous les musulmans sont d’abord des musulmans et verseront toujours du côté de leurs frères en religion.
C’est une leçon a méditer dans la situation actuelle que nous vivons en France. Les ”modérés” ne sont pas ceux que l’on veut nous faire croire.
ET oui, mais la France a une constante depuis un siècle , c’est d’avoir des Politiciens avides, corrompus, sans convictions et sans dessein pour leur pays.
Donc , les drames s’enchaînent au fil des ans : 2° guerre mondiale et défaite de l’armée française en quelques semaines, abandon de l’Indochine et trahison des populations soutenant les français, inclusion des communistes dans tous les rouages du pays, victoire de l’armée française en Algérie et abandon des politiques, etc …
sans parler ici des centaines de milliers de morts qui jalonnent les décisions stupides prises par des hommes incompétents, mais imbus d’eux mêmes.
“Il se heurte à nouveau sur le choix français de l’immobilisme sur le sort des musulmans comme pour celui des juifs.”
-C’est quoi cette connerie ? Les juifs étaient citoyens français depuis la loi Crémieux de 1871, pour cela ils avaient du abandonner la loi mosaïque pour le Code Civil français.Les musulmans n’auraient pour rien au monde abandonné la sharia pour obtenir la citoyenneté française, s’ils l’avaient voulu ils l’auraient fait, ils l’auraient réclamé, or rien de tel ne s’est produit.
-Rappelons les mots d’Abdel Kader au Général Bugeaud lors du Traité de Tafna en 1837 :”La guerre reprendra parce que l’islam interdit aux musulmans d’être sous l’autorité de non musulmans” !
Imaginez vous une France avec 40 millions d’algériens quand on voit les difficultés que connait la France actuelle avec un nombre beaucoup plus faible ?
cher Manuel Gomez,
vos articles sont toujours remémorations des “évènements d’Algérie” au temps de ma préadolescence.
je me souviens que mon père parlait beaucoup en bien de Ferhat Abbas et disait que s’il devenait président, il resterait en Algérie, le pays de ses aïeux, et n’aurait pas besoin de partir ailleurs.
Malheureusement, il en a été autrement et nous avons dû subir l’exode en France.
Voilà en tous les cas un beau rappel anniversaire pour cet homme qui voulait vraiment construire l’Algérie.
D’accord quant à moi avec Danièle L(opez) et daudeville :
Danièle L(opez) : “Tous les musulmans sont d’abord des musulmans et verseront toujours du côté de leurs frères en religion.”
Parfaitement : j’aimerais bien que l’on m’indique un pays musulman, dirigé par des adeptes du “saint coran”, qui soit une démocratie respectueuse des minorités et prospère au plan économique (hors rente pétrolière, évidemment).
Il n’y en a pas, cela ne peut exister car incompatible avec le “saint coran”.
daudeville : “Imaginez vous une France avec 40 millions d’algériens quand on voit les difficultés que connait la France actuelle avec un nombre beaucoup plus faible ?”
Parfaitement : je n’arrive pas à comprendre ceux qui pensent que la fusion de la France et de l’Algérie, sur les bases viciées de la complaisance envers l’islam, aurait pu donner quelque chose de bon. Cela me dépasse totalement. Il y a une sacrée marge entre être nostalgique d’une certaine Algérie, l’Algérie française d’avant les troubles et la guerre, et penser que ce genre de “fusion” aurait pu donner quelque chose de bon.