Publié par Gaia - Dreuz le 17 août 2017

La plainte déposée par Emmanuel Macron à l’encontre d’un photographe jugé trop insistant témoigne à nouveau d’une volonté de maîtrise totale de sa communication. Au risque, pour cet habitué des “paparazzades” organisées, de passer pour un hypocrite !

Anecdotique, l’affaire du “harcèlement” d’Emmanuel Macron par un photojournaliste ? Pas vraiment. Cet épisode dit beaucoup de son rapport à la communication, aux médias, et donc au pouvoir. Il brosse le portrait d’un président avide d’une maîtrise totale, et pour lequel subir une (infime) partie de sa communication s’avère insupportable.

Il faut d’abord rappeler les faits, objets de versions contradictoires. Actuellement en vacances à Marseille avec son épouse, le président de la République a porté plainte contre un photoreporter qu’il accuse de “harcèlement” et de “tentative d’atteinte à la vie privée”. Selon les collaborateurs du chef de l’Etat, ce photographe de presse l’aurait suivi à plusieurs reprises à moto. VSD rapporte que l’homme a été placé en garde à vue, durant six heures, pour cette raison. De son côté, l’Elysée affirme que le photographe “s’est introduit sur la propriété privée (occupée par le chef de l’Etat, ndlr), ce qui a conduit à un dépôt de plainte”. Ce que l’intéressé – qui tient à rester anonyme – conteste vertement, ce mercredi 16 août auprès de plusieurs médias. “Ça fait 10 ans que je fais ce métier, je ne me suis jamais introduit dans une propriété privée, je n’allais certainement pas commencer par celle d’Emmanuel Macron”, clame-t-il par exemple auprès de RMC/BFMTV. Une absence d’intrusion que confirme une source policière auprès de l’AFP, selon laquelle il se trouvait lors de son arrestation à l’entrée du parc Talabot, où se trouve la résidence du préfet occupée par le Président.

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Une vie privée à deux vitesses

Au-delà de cette divergence d’importance sur les faits, au sujet de laquelle on se bornera à constater que le délit de “violation du domicile” ne figure pas dans la plainte, cette affaire indique que le Président a voulu envoyer à la presse – people, voire généraliste ? – ce message : il est prêt à sanctionner quiconque viendra troubler la tranquillité de son repos estival. Une revendication de son droit à une vie privée bien compréhensible dans l’absolu sauf que, de la part d’Emmanuel Macron, ces pudeurs de gazelle sont toutes récentes. Il fut un temps où celui qui était un simple impétrant à l’Elysée se mettait au contraire volontiers en scène, avec son épouse, dans ce même cadre privé. Entre avril 2016 et mai 2017, Paris Match a par exemple consacré pas moins de cinq de ses unes au couple Macron et un cliché de l’agence Reuters, pris en avril au Touquet, avait dévoilé l’envers du décor d’une “paparazzade” organisée par les Macron :

Un épisode de la campagne prend un écho particulier aujourd’hui : il y a tout juste un an, en août 2016, on avait notamment eu droit, justement, aux photos des… “vacances en amoureux avant l’offensive” présidentielle ! On pouvait y observer les Macron à la plage, tout sourire, lui en short et elle en maillot de bain. Photos volées au grand dam du couple, qui a alors juré qu’on ne l’y reprendrait plus ? Vous n’y êtes pas ! En fait, les Macron ont posé pour ce cliché, comme ils l’ont ensuite fait pendant toute la campagne présidentielle. Derrière ce shooting, il faut voir la main de Bestimage, une agence de paparazzi spécialisée, qui joue depuis plus d’un an le rôle d’agence de com’ macronienne.

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Laissez faire Mimi

La septuagénaire Mimi Marchand, personnalité sulfureuse et fascinante connue du “tout-Paris”, dirige Bestimage et a passé un deal avec les Macron. Ses photographes prennent en photo le couple dans sa vie privée et inonde ensuite la presse people de clichés favorables. Paris Match, VSD, Voici, Closer sont des clients réguliers. Et pendant la campagne présidentielle, Bestimage n’a pas chômé. Photos d’Emmanuel Macron avec les petits-enfants de Brigitte, d’une balade en amoureux dans les rues de Lyon, d’une sortie familiale au Touquet à la veille du second tour… Par la grâce de “Mimi”, l’intimité du futur Président s’est retrouvée étalée partout dans la presse people.

Pour Emmanuel Macron, il y a donc manifestement deux types de photojournalistes. Les paparazzis autorisés, envoyés par “Mimi” et qui fourniront des clichés favorables, voués à inonder après retouche les kiosques de France et de Navarre. Et puis les autres, ceux qui ne disposent pas du quitus présidentiel et qui ne rapportent rien à la chère Mimi, qu’il convient donc d’empêcher de nuire, quitte à les faire arrêter. Drôle de conception de la liberté de la presse de la part d’un chef de l’Etat, qui classe les photographes – dont beaucoup sont des journalistes – en deux catégories : les affidés et les ennemis.

Plainte inédite contre un photographe de presse

Venant du président de la République, le dépôt d’une plainte n’a en outre rien d’anodin. François Mitterrand, Jacques Chirac ou François Hollande s’y sont toujours refusés, considérant le déséquilibre d’une telle démarche sachant que eux bénéficiaient d’une immunité pénale, comme l’a relevé L’Express. Il s’agit par ailleurs de la première plainte déposée par un président de la République à l’égard d’un photographe de presse. Nicolas Sarkozy a bien déposé deux plaintes, mais pas de manière préventive : en 2008, il avait ainsi intenté une action pour “atteinte au droit à l’image” contre la compagnie aérienne Ryanair pour avoir utilisé son image et celle de Carla Bruni dans une publicité. Il avait aussi porté plainte pour “faux et usage de faux” contre le Nouvel Observateur (retirée depuis) pour avoir affirmé qu’il avait envoyé un SMS à son ex-épouse lui proposant d’annuler son mariage avec Carla Bruni.

Chez Macron, cette action inédite en justice vient confirmer un trait de caractère qui se révèle de plus en plus depuis son élection : l’obsession du verrouillage de sa communication et une intolérance totale face aux imprévus dans ce domaine. En cela, il paraît vouloir se démarquer à tout prix de son contre-modèle sur ce sujet, François Hollande. Il sait pertinemment que son prédécesseur a été moqué, il y a cinq ans, après des clichés estivaux en tenue relâchée avec Valérie Trierweiler. Nicolas Sarkozy avait méchamment surnommé le couple “les Bidochon en vacances”. Emmanuel Macron veut donc naturellement éviter de prêter le flanc à de telles railleries. Mais est-ce la seule raison de cette plainte que d’aucuns jugeront exagérée ?

Ce n’est pas la première fois que de fortes tensions éclatent entre le camp macroniste et des photographes. Pendant la présentation officielle du second gouvernement Philippe, le 22 juin dernier, l’entourage du Président a exigé que seuls trois photographes autorisés prennent des clichés des ministres se mettant en place, comme l’a rapporté Libération. Quelques petits malins avaient cependant réussi à s’affranchir de la consigne, ce qui avait provoqué une nouvelle colère de Sibeth N’Diaye, la conseillère presse d’Emmanuel Macron. Et là, aucune vie privée n’était en jeu.

Source : Marianne.net

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