Publié par Gaia - Dreuz le 11 septembre 2017

Il faut désormais montrer patte blanche au tribunal d’instance d’Aubervilliers. Seuls ceux qui sont convoqués pour une audience peuvent y entrer. Comme l’explique une affichette, faute de personnel, l’accueil du public et l’accueil téléphonique ne sont plus assurés depuis le 1er septembre. Tant pis pour les habitants d’Aubervilliers, de La Courneuve, Dugny, Le Bourget et Stains qui ont besoin d’un certificat de nationalité française, d’une procédure de tutelle, ou qui ont des problèmes locatifs avec leurs locataires ou leur bailleur.

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« On ne peut plus travailler, c’est difficile à vivre car il y a une rupture d’égalité en matière de service public », concède Aurélie Police, qui a pris cette décision de fermeture. Elle est magistrate depuis onze ans et présidente de ce tribunal depuis janvier 2016. Par choix. « Le tribunal d’instance, c’est une justice destinée à ramener la paix sociale », rappelle la magistrate, en écho à l’inscription qui figure sur le fronton « justice de paix ». « Ici, on est en contact avec les gens, ajoute la juge. Le tribunal d’instance, c’est un baromètre de la vie sociale, on sent la richesse et les difficultés d’un territoire. » Et d’un côté ou de l’autre du périphérique la situation est différente : « je viens du XVIIIe arrondissement où les délais étaient de deux mois, ici, c’est un an ».

Le tribunal devrait fonctionner avec deux magistrats et onze postes théoriques de greffiers, dont huit sont vacants, dont deux sont en arrêt maladie. Une fonctionnaire s’est cassé le pied en sortant du travail. « A force de trop tirer sur la corde, tout le monde se fatigue », compatit la présidente. « La cour d’appel a envoyé deux greffiers placés (NDLR : des renforts pour quelques mois), ce qui est exceptionnel compte tenu de l’étendue du ressort de la cour d’appel », précise le président du Tribunal de Grande instance de Bobigny, Renaud le Breton de Vanoise, qui concède que « le tribunal est en grande difficulté, plus qu’il ne l’a jamais été ». Et de pointer la solidarité dont ont fait preuve les autres tribunaux du secteur.

Le tribunal d’instance de Saint-Denis prête sa greffière trois jours par semaine. « Mais à partir de mercredi, je suis obligée de retourner à Saint-Denis » assure Albertine Loudac, qui instruit les dossiers de demandes de certificat de nationalité. Un sésame pour obtenir une carte d’identité, un passeport, valider une adoption ou homologuer un mariage contracté à l’étranger. Il reste 270 dossiers de demande de certificats de nationalité en stock. D’expérience de greffière, il faudrait six mois pour résorber ce stock.

Les heures supplémentaires, Aurélie Ganito ne les compte pas non plus. « Mon conjoint ne comprend pas pourquoi je rentre tard… » explique dépitée cette agent administratif qui fait fonction de greffière, sans en avoir le salaire. Ce qui la fait tenir ? « Le sens du service public », répond cette native d’Aubervilliers, assise devant neuf caisses pleines d’affaires en stock. « C’est catastrophique », dit-elle.

Les bailleurs sont aux abois. « Plus les délais s’allongent, plus l’endettement s’alourdit, on a des difficultés de recouvrement de créances », admet une juriste de l’Office public de l’habitat (OPH) premier bailleur sur la ville avec 8 000 logements. 250 procédures sont engagées pour des résiliations de bail et une vingtaine pour troubles de jouissance. « Ça va de mal en pis depuis quatre ans », tempête une avocate. Elle fait du civil depuis quinze ans et n’a jamais connu nulle part une telle situation. « Imaginez des délais d’un an pour une procédure de référé, en urgence ! C’est du déni de justice, il n’y a pas de raison que ce soient nos clients qui payent les pots cassés du manque de moyen de la justice. » La semaine dernière, une dizaine d’usagers ont haussé le ton, ne comprenant pas pourquoi on refusait de traiter leur demande. Sollicité ce jour, le ministère de la Justice n’a pas réagi.

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REPÈRES

8 tribunaux d’instance existent en Seine-Saint-Denis. Celui d’Aubervilliers couvre cinq villes sur les quarante que compte le département : Aubervilliers, La Courneuve, Dugny, Stains, Le Bourget. Les habitants relèvent d’un tribunal exclusivement 1 an. C’est le délai d’attente pour avoir une date d’audience au tribunal d’instance d’Aubervilliers, contre 2 mois dans le XVIIIe arrondissement de Paris, à titre de comparaison.

834 dossiers civils sont en stock sur l’année 2016, 435 dossiers de référés (sur 815 saisines) 270 demandes de certificat de nationalité.

1 050 nouveaux dossiers ont été enregistrés en 2016 et 1078 jugements, rendus.

Source : Leparisien.fr

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