Publié par Abbé Alain René Arbez le 4 octobre 2017

Le « vivre-ensemble » si souvent invoqué de manière incantatoire par les politiques et les médias est-il un cache-misère social et un prétexte à l’inertie dans les mesures à prendre?

L’actualité nous contraint à focaliser la réflexion sur la question brûlante des flux migratoires en général et de l’accueil des requérants en particulier. Or on peut constater que les instances officielles civiles et religieuses se rejoignent fréquemment dans une sorte de déni face à l’ampleur des problèmes apparus avec ces flux grandissants de population. La libre circulation des personnes est invoquée à tort et à travers pour relativiser les multiples impacts de cette immigration de masse qui inquiète les citoyens.

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Deux paramètres essentiels devraient pourtant être pris en compte face au mouvement migratoire : le coût économique et la menace sécuritaire. Or, les débats politiques et les exhortations religieuses nous indiquent que ces questions sont considérées comme accessoires tandis que cette problématique, déjà présente depuis trente ou quarante ans, s’impose depuis 2 ans comme incontournable et urgente.

Porter secours aux plus démunis au nom des droits de l’homme ou au nom de principes religieux est en soi honorable. Mais les événements successifs récents dans plusieurs pays européens prouvent que, de plus en plus, la coexistence entre groupes humains de cultures et d’origines différentes pose des problèmes de vie quotidienne fondamentaux. Chaque jour apporte son lot aggravé de faits divers et de signaux préoccupants, en France, en Grande Bretagne, en Allemagne, aux Pays Bas, dans les pays scandinaves, en Italie, en Espagne. Mais beaucoup moins dans l’Est de l’Europe. Petite et grande délinquance, attentats, agressions sexuelles, zones de non droit en extension, revendications interminables, nul ne peut plus nier que ces phénomènes ont un lien direct avec l’immigration.

Concernant la question sensible des demandeurs d’asile et des immigrés légaux ou illégaux – évidemment sujette à récupérations politiciennes diverses – le fait est que ce sujet controversé ne peut plus être abordé sous le seul angle politiquement correct des « droits de l’homme », comme un concept extensible à volonté.

Certes, les consciences humanistes sont interpellées à juste titre par les recommandations des instances internationales qui reconnaissent la détresse des réfugiés, lorsqu’ils sont chassés de leur pays par la guerre civile, les violences ou la discrimination religieuse. Les médias ont tendance à ignorer le fait que depuis des décennies, ce sont les chrétiens qui sont le plus persécutés et maltraités dans le monde.

Les obligations éthiques d’accueil dans des pays disposant de ressources suffisantes peuvent être invoquées pour certaines situations, mais avec des critères d’urgence précis et en tenant compte des limites économiques liées aux budgets nationaux. De ce fait, lorsque certains discours, (angélisme gauchiste ou ecclésiastique) tendent à globaliser par avance les mécaniques migratoires, et à écarter d’emblée de manière compassionnelle tout discernement et donc toute maîtrise des flux incessants, il y a de quoi s’interroger pour l’avenir !

Chacun sait que sous le vocable de réfugiés et d’immigrés se cachent des réalités bien différentes et le problème d’afflux massifs sans contrôle s’ajoute à ces enjeux. En effet, année après année, des individus et des familles arrivent en masse dans les pays d’Europe. Peut-on continuer de laisser croire à un accueil inconditionnel sans analyser ce qui se joue ainsi que les critères avec lesquels gérer ces apports exogènes? S’il est vrai qu’une proportion significative d’individus et de groupes fuient des conjonctures de misère, de guerre, de persécution, d’autres – les plus nombreux – viennent simplement tenter leur chance dans des économies plus généreuses où les aides sociales sont – encore pour un temps – attractives et généreuses.

Or, depuis environ une quarantaine d’années, des millions d’individus venant très majoritairement de pays musulmans ont migré et se sont installés dans les cités des nations européennes de civilisation judéo-chrétienne. Un tel transfert de populations étrangères en si peu de temps ne s’est jamais produit auparavant sur le vieux continent. Les conséquences de ces colonies massives de peuplement en période de dénatalité occidentale n’ont pas été prises en compte par les dirigeants auxquels les citoyens ont cependant confié la défense de leurs personnes et de leurs biens. Un remplacement de population est en cours sur fond de menace terroriste.

Il semble par ailleurs évident que nos pays occidentaux – en temps de crise et de resserrement des budgets – n’ont pas les moyens d’accueillir de façon illimitée « toute la misère du tiers-monde » selon la formule rocardienne. Pour un appui efficace et durable, ne faudrait-t-il pas plutôt augmenter significativement les aides européennes, sur place, dans les pays qui cherchent réellement à se doter de structures productives afin d’assurer un avenir décent à leur jeunesse? Avec évidemment de sérieuses structures de contrôle dans l’utilisation des investissements locaux.

Ne faut-il pas multiplier d’urgence les expériences de commerce équitable, afin de donner de nouvelles opportunités aux paysans des pays pauvres et d’en consolider le développement durable? Des partenariats de solidarité efficaces nord-sud pourraient réduire ces déplacements massifs de populations qui déracinent les individus et déstabilisent les sociétés occidentales. Si des pays sont à reconstruire, il n’est pas logique que leur jeunesse fuie les chantiers de leur propre avenir.

Il s’agit par conséquent de préciser quels paramètres humains, économiques et culturels on devrait aujourd’hui sélectionner pour répondre au défi éthique de « l’accueil de l’étranger ». On se doit d’apporter des réponses adéquates en prise avec la réalité et dont le coût économique soit supportable pour les contributeurs (jamais consultés) des pays d’accueil concernés.

Assez fréquemment, les Eglises répercutent les directives que l’Ecriture sainte nous adresse au nom de « l’accueil de l’étranger ». On fait appel à de grands principes de générosité, mais dans un langage copié-collé en déconnection avec les réalités concrètes du terrain d’aujourd’hui. Or, si l’on transforme en slogan idéologique et affectif ces principes de solidarité émanant de la Tradition judéo-chrétienne en matière d’accueil, le risque est grand de perdre toute maîtrise et de dériver vers des lendemains incontrôlés.

Les textes bibliques nous éclairent, certes, mais à condition de les contextualiser ! Hospitalité, accueil, entraide, les hommes et les femmes de la Bible savent de quoi ils parlent. Dans un tout autre environnement que celui de nos nations modernes, ils ont migré il y a quatre mille ans du Croissant fertile vers les terres de Canaan. Livrées à l’insécurité permanente, ces régions d’Orient ont longtemps connu toutes sortes de mouvements de peuples dans de grands espaces où sédentarité et itinérance ne correspondaient en rien à la migration d’aujourd’hui. On est de nos jours dans le cadre d’états-nations référencés par l’ONU et marqués par des cultures religieuses ou politiques particulières dont l’intégration en Occident n’est pas prouvée.

Dans l’histoire d’Israël, on sait qu’à certaines périodes de vaches maigres, des tribus sont parties travailler en Egypte. Dans l’antiquité, ces mouvements de peuples étaient occasionnels. L’épisode fondateur de l’Exode est issu de cette situation du peuple hébreu aux prises avec les conditions de vie du pays d’accueil devenues insupportables et captatrices de son avenir.

Avec compassion, rapporte l’Ecriture, le Dieu d’Abraham et de Moïse a pris parti pour les Hébreux devenus esclaves, et il les a aidés, non pas à s’assimiler en devenant comme des Egyptiens, mais à conquérir leur propre destin en regagnant librement leur terre, une terre de promesses, dont ils prendraient en mains le développement sur des bases éthiques. A partir d’un pacte, Dieu encourageait ce peuple à s’approprier son histoire et à renforcer son identité spirituelle dans son espace civilisationnel. Ce qui a été encore confirmé lors du retour d’exil de Babylone vers Jérusalem et la reconstruction du Temple. Cette libération pascale a été la manifestation d’un Dieu non pas retranché dans son ciel mais engagé aux côtés des êtres humains en quête d’accomplissement. La Pâque du Christ a élargi les dimensions de cette présence divine bienfaisante.

Dans la foi biblique, l’être humain est « image de Dieu », par conséquent le respect de la dignité humaine est à la base même de la charte de l’alliance. On saisit pourquoi la qualité d’accueil de l’immigré en terre d’Israël est si fortement soulignée dans les Ecritures:

« Tu ne maltraiteras pas l’étranger, et tu ne l’opprimeras pas, car vous avez vous-mêmes été étrangers au pays d’Egypte ». (Ex 22/21)

Et encore :

« Cet étranger qui vit chez vous, vous le traiterez comme un natif du pays, comme l’un de vous. Tu l’aimeras comme toi-même ». (Lv 19/33)

Faut-il préciser, pour éclairer les débats d’aujourd’hui, qu’un étranger était accueilli et respecté dans le cadre obligatoire d’une réciprocité qui fait totalement défaut de nos jours. On lit en Ex 12/49 : « La même loi existera pour l’indigène et pour l’étranger en séjour au milieu de vous ! »

C’est avec cet éclairage volontariste qu’il faut comprendre l’appel d’ouverture lancé par Jésus à ses disciples : « J’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ! » (Mt 25/35)

Les étrangers n’arrivaient pas de manière invasive. Si tout étranger s’attendait à être traité dignement – selon les règles en vigueur – il devait en retour respecter les lois et coutumes d’Israël, pays d’accueil, c’est-à-dire renoncer à imposer à ses hôtes ses propres coutumes. Les prophètes étaient certainement les premiers à dénoncer l’égoïsme des fils d’Israël quand il le fallait, mais ils refusaient aussi vigoureusement l’importation de coutumes allogènes dangereuses pour la cohésion spirituelle des habitants légitimes du pays.

Les multiples croyances issues du paganisme étaient en effet incompatibles avec les valeurs de la Tradition biblique, où sagesse et prophétie excluent que soient idolâtrés le pouvoir, l’argent, le sexe. Ainsi sont interdites toutes formes de magie et superstition, néfastes pour l’être humain, seul le Dieu des pères étant le garant de la justice et de l’harmonie sociale.

Même si des règles de vie en commun instauraient des limites préventives, il n’y a pas pour autant de xénophobie dans la tradition d’Israël, pensons aux épisodes de Naaman le Syrien ou à Elie chez la veuve de Sarepta.

On le constate, le recours à l’asile existe déjà dans la Bible : Moïse l’a institué en établissant six cités-refuge afin de permettre par exemple à un homme poursuivi pour un crime involontaire d’échapper aux châtiments expéditifs. Il parlait par expérience!

Le livre d’Isaïe nous donne également un aperçu de ce droit, lorsqu’il est question d’accueillir les malheureux rescapés des massacres du royaume voisin de Moab. (Is 16/3)

Très tôt, après avoir fait l’expérience de féroces persécutions, l’Eglise chrétienne a confirmé et recadré ce recours à l’asile dans son droit canonique et le code de Théodose en garantit les modalités, même si à partir du Concile de Tolède (7ème siècle) de véritables restrictions y sont apportées pour lutter contre les abus.

Concernant l’accueil des étrangers, migrants et réfugiés, au 21ème siècle, l’enseignement de l’Eglise est censé offrir un éclairage équilibré. Contrairement à certains discours politiciens et démagogiques, des textes du Magistère – peu connus il est vrai – insistent sur l’obligation de faire coexister les droits et les devoirs, afin d’éviter les dérives à sens unique. Il est également question des capacités des pays d’accueil.

Retenons à ce sujet le § 2241 du catéchisme de l’Eglise catholique :

« Les nations les mieux pourvues sont tenues d’accueillir autant que faire se peut l’étranger en quête de la sécurité et des ressources vitales qu’il ne peut trouver dans son pays d’origine.

Mais n’oublions pas les lignes qui suivent :

Les autorités politiques peuvent, en vue du bien commun, subordonner l’exercice du droit d’immigration à diverses conditions juridiques, notamment au respect des devoirs des migrants à l’égard du pays d’adoption.

L’immigré est tenu de respecter avec reconnaissance le patrimoine matériel et spirituel de son pays d’accueil, d’obéir à ses lois et de contribuer à ses charges. »

Dans ce qui subsiste de nos états-providence, une prééminence idéologique s’est emparée du « multiculturel » qui recouvre tout et son contraire. Une telle prédisposition à tout accepter suscite de graves questions pour l’avenir. Car si l’identité culturelle et spirituelle du pays d’accueil s’efface peu à peu au profit d’un relativisme flou sous un déferlement de coutumes ingérables, l’idée même d’intégration des étrangers perd tout sens. S’intégrer à quoi ?

Elles sont nombreuses les banlieues de France, d’Angleterre, d’Allemagne, d’Italie où ce sont les autochtones qui doivent maintenant se faire « intégrer » par les nouveaux habitants venus d’ailleurs et occupant le terrain avec arrogance. Des autochtones qui doivent – chez eux – se faire accepter par des étrangers ayant imposé leur loi et leurs coutumes…

Face à ce qui se dessine en Europe, les opinions publiques sont partagées, les dirigeants des pays du continent également. Les Eglises ne parviennent pas à formuler une parole commune incitant à la fois à la générosité et au discernement. Leurs appels sont souvent sacralisés par une aura scripturaire pour les rendre indiscutables.

Il est cependant clair qu’une légitime inquiétude à la fois sécuritaire, identitaire et économique, se fait jour au sein des peuples européens. Les autorités politiques et religieuses auraient tort de ne pas s’en préoccuper. Elles seraient bien inspirées de susciter rapidement des instances de prospective coordonnée sur la dimension quantitative et qualitative des migrations, avant que ne surgissent des événements gravissimes au sein des populations autochtones d’une Europe spirituellement affaiblie.

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Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, pour Dreuz.info.

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