Publié par Abbé Alain René Arbez le 7 octobre 2017

Notre société sécularisée a tendance à nous faire ignorer les sources spirituelles de la civilisation occidentale et de ses innombrables réalisations culturelles. Or, que l’on soit croyant ou non, il est bon de savoir que tous les aspects du chant et de la musique sont déjà présents dans la Bible!

L’Ecriture sainte nous affirme que la créativité humaine a quelque chose à voir avec la relation à Dieu…

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Dès les premières pages de la Bible, la dimension musicale est présente, c’est même une activité indispensable à l’homme au même titre que l’agriculture et l’artisanat.

Les interrogations existentielles de Job, aux tonalités très modernes, nous rappellent que la musique a un destin lié à la pensée et à la parole. Le chant accompagne les questions des origines de l’homme dans le cosmos: “Où étais-tu quand je fondais la terre?…alors que les étoiles du matin éclataient en chants d’allégresse et que tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie? (Job 38.4)

C’est pourquoi les historiens, et pas seulement les spécialistes de l’Ecriture, ont montré le rôle essentiel que le chant et la musique ont joué dans la vie d’Israël, aux temps bibliques comme dans les siècles qui ont suivi. Les vingt siècles de christianisme auraient-ils d’ailleurs vu naître autant de productions musicales religieuses puis profanes sans cette matrice initiale et sans cette inspiration de génie?

Pendant longtemps, les biblistes ont été intrigués par de petits signes accompagnant les lettres hébraïques sur les parchemins sacrés. Puis on a compris que ces sortes d’accents étaient en fait des repères pour la cantilation des textes pendant le culte, et qu’on avait là des traces écrites de la musique exécutée au Temple de Jérusalem avant sa destruction par les Romains en l’an 70 de notre ère.

Des recherches récentes ont abouti à la conclusion que ces signes placés sous les lettres du texte biblique correspondent à ce que nous appelons une gamme. En effet, toute la Bible était chantée, et des spécialistes ont réussi à en reconstituer les mélodies, à partir de l’échelle lydienne à 8 sons.

Ainsi, ces signes graphiques sont la symbolisation de gestes accompagnant le chant, comme on peut en reconnaître sur les fresques des tombeaux égyptiens où l’on voit des “chironomes” assis devant les musiciens de Pharaon et leur indiquant gestuellement les notes du chant sacré.

Dans le texte de 2 Chroniques 35.15, il est précisé que David lui-même dirigeait le chant de ses propres mains. Sous son règne, la musique liturgique en l’honneur de Yahvé était confiée à trois chefs de chantres exerçant eux-mêmes sous la direction du roi (1 Chr. 25.2,3,4,7). Les trois chœurs ne comptaient pas moins de 4000 membres! Cette formidable organisation du chant s’est poursuivie avec Salomon lors de grandes cérémonies au sanctuaire.

De ce fait, des générations de chantres consacrés se sont donc transmis fidèlement ces traditions musicales sacerdotales, et c’est bien la musique même du Temple de Jérusalem qui nous est ainsi restituée. La cantilation des textes remonte sans aucun doute à l’époque de l’Exode, c’est à dire il y a environ 3300 ans. C’est alors que le Pentateuque marqué de l’empreinte lumineuse de Moïse fut remis solennellement aux lévites (Deutéronome 31.9) afin qu’ils le lisent régulièrement au peuple sous forme de cantilation.

On distingue trois sortes de chant aux temps bibliques:

  • le chant responsorial psalmodié,
  • le chant antiphoné,
  • la cantilation.

Pour le premier cas, deux chœurs chantaient en alternance, et, dans le second, un chœur (ou l’assemblée) répondait à un soliste (1 Samuel 21.12; 28.6; 29.5) La partie féminine du chœur chantait la même mélodie que les hommes, mais une octave plus haut.

Après le retour d’exil des déportés à Babylone, lors de la dédicace des nouvelles murailles de Jérusalem, Néhémie constitua deux chœurs qui interprétèrent de magnifiques cantiques accompagnés de cymbales, de luths, de cithares et de harpes. Il existe d’autres exemples de chœurs antiphonés dans Esdras 3.10.

La musique pouvait aussi accompagner l’activité publique des prophètes: ils jouaient sur des luths, des harpes, des tambourins pour personnaliser leur message (Samuel 10.5). Elisée demanda un jour qu’on lui amène un joueur de harpe pour exprimer ce que Dieu lui inspirait. Jérémie exécuta une complainte composée spécialement pour le roi Osias (2 Chroniques 35.25)

Les psaumes étant la prière quotidienne courante adaptée à toutes les circonstances de la vie, ces chants religieux accompagnés à la lyre étaient exécutés à la maison, au Temple, ou à la synagogue, dans le cadre de liturgies et de festivités. Ils traduisent toujours une expression de foi simple et profonde, qui va du cri de détresse à la joyeuse reconnaissance envers Dieu.

Dans les écrits du Nouveau Testament, le récit de la vie de Jésus s’ouvre également par des chants: le Magnificat, cantique de Marie confiante dans l’attente du sauveur; le Gloire à Dieu à Bethléhem, annonçant le shalom biblique sur terre; le cantique d’Anne et de Syméon lors de leur providentielle rencontre avec Jésus au Temple de Jérusalem.

Jésus, élevé dans une foi fervente, s’est associé avec sa com-munauté à la louange du Dieu d’Israël à travers les psaumes, au Temple ou à la synagogue. En tant que membre d’une nation de prêtres, sa voix a aussi célébré des passages de la Torah. Pendant le dernier repas pascal partagé avec ses disciples pour commémorer la Pâque et instituer l’eucharistie, Jésus a chanté la louange de Dieu avec ses amis, avant de partir pour le Mont des Oliviers.

Le chant des premiers chrétiens s’est donc lui-même forcément développé dans cette continuité de la tradition synagogale. L’apôtre Paul, d’éducation pharisienne observante, est même allé jusqu’à chanter alors qu’il avait été emprisonné dans la ville de Philippes. Dans ses épîtres, il demandait à ses fidèles de donner en toutes circonstances libre cours à des cantiques et à des hymnes. (Ephésiens 5.17)

De cette tradition musicale hébraïque poursuivie et développée par les chrétiens a surgi le chant monodique qui s’est développé au Moyen-Age, ainsi que le répertoire grégorien, apparenté aux piyoutim (poésies religieuses juives cantilées). Les psalmodies ornées de la synagogue avaient en effet préparé le terrain à ce que la liturgie catholique et orthodoxe appellerait antiennes, graduel, trait, selon des modes monodiques ou polyphoniques propres à des époques et des lieux différents. Au moment de la Réforme protestante, de splendides œuvres musicales comme celles de Goudimel se sont directement inspirées des psaumes, mêlant amour de la Bible et expressivité spirituelle.

Récemment, le Pape Jean Paul II a offert à ses visiteurs du mercredi une méditation sur le psaume 150. Soulignant que le psautier est commun aux juifs et aux chrétiens, il citait les manuscrits juifs reproduisant ce psaume avec une illustration de la menorah, le célèbre chandelier à sept branches placé dans le saint des saints au Temple de Jérusalem.

Le pape y discernait un “véritable AMEN dans la prière de toujours de nos frères aînés” et il rappelait que c’est cette même foi au Dieu d’Abraham, de Moïse et des prophètes d’Israël qui irrigue la prière chantée des chrétiens du nouveau millénaire.

Le chant étant à la fois une affaire de chœur et de cœur, c’est un espace artistique et créateur de relations humaines de qualité qui s’ouvre à nous…

Toute la vie des hommes est effectivement appelée à devenir chant de louange, et ainsi à s’associer à la création, dont le souffle de vie rend grâce à Dieu par le chant mystérieux des êtres vivants, au rythme silencieux du temps qui passe.

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Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, pour Dreuz.info.

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