Publié par Gaia - Dreuz le 7 novembre 2017

Alexandre Devecchio s’interroge sur le silence de Mediapart, et plus largement d’une certaine gauche à propos de l’affaire Ramadan. Pour lui, cette discrétion témoigne d’une forme de complaisance, voire de complicité idéologique, avec le prédicateur et ses thèses islamistes.

Dreuz a besoin de votre soutien financier. Cliquez sur : Paypal.Dreuz, et indiquez le montant de votre contribution.

C’était le 17 janvier 2015 à Brétigny-sur-Orge. L’événement organisé par diverses associations communautaires et le duo d’invités improbable. Tout sourire, Edwy Plenel et Tariq Ramadan communient devant un public presque exclusivement musulman parmi lesquels de nombreuses femmes voilées et quelques barbus en baskets-djellaba. L’islamiste, proche des Frères musulmans, et le trotskiste, ancien membre de la Ligue communiste révolutionnaire, faisaient cause commune contre les «discriminations » et l’«islamophobie». Au même moment, les Français pleuraient encore leurs morts: ceux de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, la policière de Montrouge. Deux jours plus tôt, ils étaient des millions à s’être levés pour défendre la liberté d’expression et protester contre le terrorisme islamiste. Mais Plenel et Ramadan n’étaient pas Charlie. Ce soir-là, le fondateur de Mediapart s’épancha sur l’«enfance malheureuse des frères Kouachi» et précisa que lui n’aurait pas publié de «caricatures qui offensent n’importe quelle religion». Le 23 janvier, invité sur le plateau du «Petit journal », il enfoncera le clou, suggérant que les détracteurs de Ramadan seraient racistes.

Il faisait publiquement l’apologie de la charia, ne cachait pas sa volonté d’instaurer un moratoire sur la «lapidation des femmes» ou encore de réislamiser la jeunesse des banlieues

Le prédicateur est aujourd’hui sous le feu des projecteurs pour des accusations de viol. Cela relève de la chronique judiciaire et il serait injuste de tenir Plenel pour complice de violences présumées dont il ignorait tout. Mais le silence

pudique de Mediapart, et plus largement d’une certaine gauche sur cette affaire, témoigne de la complaisance, voire de la complicité idéologique de celle-ci avec Ramadan et ses thèses islamistes. Même les néoféministes les plus impitoyables à l’égard du «mâle blanc hétérosexuel», à l’exception de Caroline Fourest, sont restées muettes, ou presque, sur le cas Ramadan. La vision du monde du petit-fils d’Hassan el-Banna (fondateur de la confrérie des Frères musulmans) était pourtant connue de tous. Bien que souvent accusé de double discours, il faisait publiquement l’apologie de la charia, ne cachait pas sa volonté d’instaurer un moratoire sur la «lapidation des femmes» ou encore de réislamiser la jeunesse des banlieues. Celui qui se rêvait en Mohammed Ben Abbes, le président de Houellebecq qui islamisait pacifiquement la France dans Soumission, pourrait finir en Tartuffe de Molière. Mais jusqu’aux récentes révélations sur ses mœurs il a conservé un véritable prestige auprès de sa base militante comme auprès de politiques, d’intellectuels ou de faiseurs d’opinion avertis. C’est la prestigieuse université d’Oxford qui lui déroule le tapis rouge. C’est le philosophe Edgar Morin qui cosigne un ouvrage avec lui. C’est Clémentine Autain qui appelle à se rendre à un meeting commun lors des régionales 2015 juste après la tuerie du Bataclan.

Comme il y avait ceux qui préféraient avoir tort avec Sartre plutôt que raison avec Aron, il y a ceux qui préfèrent avoir tort avec Ramadan qu’avoir raison avec les «néoréactionnaires»

Ne ratez aucun des articles de Dreuz, inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter.

«Nous étions cons! Cons et dangereux!», avait dit Yves Montand pour résumer le parcours de sa génération et justifier sa rupture avec le Parti communiste. Comme il y a eu des compagnons de route du stalinisme autrefois, il y a aujourd’hui des compagnons de route de l’islamisme. Comme il y avait ceux qui préféraient avoir tort avec Sartre plutôt que raison avec Aron, il y a ceux qui préfèrent avoir tort avec Ramadan qu’avoir raison avec les «néoréactionnaires», en réalité les nouveaux antitotalitaires. Pour Jacques Julliard, la «glaciation islamiste» est la troisième «glaciation intellectuelle» après la «glaciation stalinienne» et «la glaciation maoïste». «On a vu ressurgir chez certains intellectuels le même type d’argumentation qui avait cours dans les précédentes glaciations: la théorie de l’encerclement par l’impérialisme, l’érection de l’islam en “religion des pauvres”, le ressentiment érigé en moteur de l’histoire, etc.», écrit-il. Parmi les responsables de cet aveuglement, il faut distinguer les «cons» et les «dangereux». Il y a les idiots utiles. Au nom d’un antiracisme dévoyé et parce qu’il ne fallait pas «faire le jeu du FN», ces derniers n’ont pas voulu voir que les victimes d’hier pouvaient être les bourreaux d’aujourd’hui, que l’islam, «religion des pauvres et des minorités», pouvait être le bras armé de la terreur.

Il y a aussi ceux que Zineb El Rhazoui appelle les «collaborationnistes du fascisme islamique», les islamo-gauchistes, une nébuleuse qui va des Indigènes de la République à certains députés de La France insoumise en passant par Rokhaya Diallo et Alain Gresh. Ceux-là rêvent de «convergence des luttes»: entre les prolétaires et les musulmans, les ouvriers et les immigrés. Pour eux, l’utopie messianique communiste et l’utopie millénariste islamique convergent dans une même lutte entre «dominés» et «dominants». Trotski et les Frères musulmans, le féminisme et la charia, Plenel et Ramadan.

Alexandre Devecchio est journaliste au Figaro, en charge du FigaroVox. Il vient de publier « Les Nouveaux enfants du siècle », enquête sur une génération fracturée (éd. du Cerf, 2016) et est coauteur de « Bienvenue dans le pire des mondes » (éd. Plon, 2016).

Inscrivez-vous gratuitement pour recevoir chaque jour notre newsletter dans votre boîte de réception

Si vous êtes chez Orange, Wanadoo, Free etc, ils bloquent notre newsletter. Prenez un compte chez Protonmail, qui protège votre anonymat

Dreuz ne spam pas ! Votre adresse email n'est ni vendue, louée ou confiée à quiconque. L'inscription est gratuite et ouverte à tous

En savoir plus sur Dreuz.info

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading