Publié par Guy Millière le 13 novembre 2017

Les spécialistes de la spécialité qui parlent à la radio et à la télévision en France ne semblent pas comprendre ce que fait Donald Trump en politique étrangère, et pour cacher leur incapacité à comprendre ou leur refus de dire la vérité (à moins qu’il faille déduire qu’ils sont totalement incompétents) répètent qu’il est impossible d’y voir clair.

Ils ajoutent parfois, avec une perfidie mensongère, que Donald Trump est en train de “détruire la crédibilité américaine sur la planète (propos commun à Dominique Moïsi, qui fut libéral au temps des dinosaures et a acheté depuis une veste réversible, et à Pierre Haski, qui, lui, a toujours été socialiste).

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Pour les aider un peu (encore qu’ils refusent toute forme d’aide et semblent très heureux de tenir des propos qui les font apparaître comme des charlatans aux yeux de qui connaît le sujet), et surtout pour aider ceux qui les écouteraient trop et nuiraient ainsi à leur propre santé mentale, je vais donner ici les moyens d’y voir clair.

Donald Trump a dit d’emblée qu’il entendait rendre sa grandeur à l’Amérique. Il en a même fait son slogan de campagne. Il a ajouté qu’il entendait revenir à la doctrine de la paix par la puissance, et qu’il entendait pratiquer ce qu’il a appelé principled realism, réalisme fondé sur des principes.

Cela impliquait un renforcement de l’armée américaine et de ses capacités d’intervention et de dissuasion, très détériorées sous Obama: ce renforcement est en cours.

Cela impliquait une tentative de remettre de l’ordre dans le monde et de restaurer l’ordre du monde qui prévalait avant Obama, et avant les tentatives d’exporter la démocratie dans des contrées qui se sont révélées lui être imperméable.

Ce n’était pas une tâche facile au vu du chaos et du gâchis sanglant laissé derrière lui par Obama, et au vu du renforcement considérable de puissances ennemies permis, voire financé par Obama.

La tâche est néanmoins en cours d’accomplissement.

Il est encore trop tôt pour dire qu’elle sera pleinement couronnée de succès, mais elle compte néanmoins d’ores et déjà des victoires cruciales.

La destruction de l’Etat Islamique en Syrie et en Irak était un impératif. Elle est accomplie, grâce aux forces spéciales américaines et aux armes fournies aux Kurdes.

L’autonomie des régions kurdes de Syrie et d’Irak devait être préservée: elle l’est, même si une déclaration d’indépendance intempestive et les divisions entre factions kurdes qui ont suivi ont occasionné un revers à Kirkouk. Les forces spéciales américaines sont toujours là. Les armes continuent à être fournies aux Kurdes.

Une alliance permettant d’avancer vers l’endiguement de la République Islamique d’Iran devait être mise en place: elle avance vite. Le voyage effectué par Donald Trump à Riyad le 21 mai dernier en a été un élément clé. Donald Trump a souligné devant les représentants de cinquante pays sunnites qu’il n’entendait pas inciter à des changements de régime, mais exiger qu’une alliance pays sunnites— États-Unis repose sur un abandon par les pays présents de tout financement du terrorisme islamique et de l’islam radical. La révolution de palais en cours en Arabie Saoudite, par laquelle le prince héritier du trône, Mohammed bin Salman élimine tous les dignitaires saoudiens ne suivant pas la ligne qu’il a définie avec son père, le roi, Salman Abdul Aziz Al Saoud est un autre élément clé, qui découle de la rencontre de Riyad. L’isolement du Qatar est un élément supplémentaire, qui découle aussi de la rencontre de Riyad, tout comme la récente démission du Premier ministre, sunnite, du Liban, Saad Hariri. D’autres éléments se mettront en place dans les semaines à venir. En démissionnant, à la demande de Mohammed bin Salman, Saad Hariri a cessé de cautionner la mainmise du Hezbollah sur le Liban, et souligné cette mainmise.

L’alliance qui se met en place inclut Israël, l’Arabie Saoudite que va prendre en main Mohammed bin Salman, l’Égypte d’Abdel Fattah al-Sissi, les émirats du Golfe, sauf le Qatar, désormais très isolé. Si le Hezbollah devait attaquer Israël, ou si Israël devait y pratiquer une action préventive, Israël aurait le feu vert des États-Unis, des Saoud, du Président Sissi et des émirs du Golfe, sauf l’émir du Qatar.

Pour que l’endiguement soit complet, Donald Trump devait s’entendre avec Vladimir Poutine aux fins que celui-ci, sans rompre ses liens avec l’Iran, accepte de contribuer à l’endiguement, ne permette pas une prise en main plus ample de la Syrie par l’Iran, et accepte les bombardements israéliens d’installations iraniennes en Syrie. L’entente avec Poutine prend place, et elle a été le composant majeur de la rencontre Trump-Poutine au Vietnam.

Pour que l’endiguement soit complet, il fallait aussi neutraliser Erdogan: c’est en cours, tant par le biais de l’Arabie Saoudite qui joue un rôle financier crucial en Turquie, que par le biais de Poutine, dont Erdogan s’est rapproché ces derniers mois.

Pour que l’endiguement soit complet, il fallait aussi inclure le dossier “palestinien”. Le rapprochement entre Autorité Palestinienne et Hamas a reposé sur des pressions américaines et arabes sur l’Autorité Palestinienne, et sur des pressions arabes sur le Hamas (j’en ai déjà traité ici). Le Président Sissi et les Saud ont exigé que l’Autorité Palestinienne reprenne le contrôle de la bande de Gaza et que le Hamas renonce à toute action terroriste, sous peine d’intervention directe de l’armée égyptienne (l’Égypte, de fait, contrôle désormais Gaza). Israël a toute légitimité pour refuser toute négociation avec l’Autorité palestinienne dès lors qu’elle s’est rapprochée du Hamas: le dossier “palestinien” est en suspens, neutralisé, avec l’assentiment du Président Sissi et des Saud). La Jordanie, qui s’était rapprochée du Qatar et n’était pas présente à Riyad est isolée du reste du monde arabe sunnite, comme le Qatar.

L’objectif de l’endiguement de la République Islamique d’Iran voulu par Trump est la mise du régime des mollahs hors d’état de nuire. Le principal obstacle à cet endiguement est l’attitude de pays européens, France et Allemagne surtout, qui entendent profiter des milliards dont dispose le régime iranien pour lui vendre ce qu’il veut. C’est là la principale raison pour laquelle Macron et Merkel tiennent à l’accord de juillet 2015, sans se préoccuper une seule seconde des menaces de l’Iran contre Israël et le reste du monde occidental.

La tâche de Donald Trump l’a conduit aussi en Asie où l’objectif est d’endiguer la Corée du Nord et de limiter les volontés hégémoniques régionales, voire planétaires, de la Chine.

La tâche, là, est très complexe. Donald Trump a choisi l’arme de la dissuasion et a fait très fermement comprendre à Kim Jong-un que toute action de sa part contre les États-Unis ou un de leurs alliés conduirait à la destruction totale du régime nord-coréen. Il a choisi simultanément d’armer massivement le Japon et la Corée du Sud (il vient de se rendre dans l’un et l’autre pays pour confirmer). Il exerce en parallèle des pressions sur la Chine pour qu’elle coupe encore davantage qu’elle l’a déjà fait ses liens commerciaux et financiers avec le régime nord-coréen (cela a été le cœur de ses discussions avec Xi Jinping). Trump a choisi en supplément, pour poser les enjeux clairement, la délégitimation et l’invalidation morale du régime nord-coréen.

Le discours historique que Donald Trump a prononcé à Séoul n’a pas de précédents. C’est la première fois qu’un Président américain énonce de manière aussi précise, implacable et détaillée les horreurs incarnées par le régime de Kim Jong-un, et demande aux pays civilisés d’isoler et de faire tomber le régime. Le discours de Séoul de Donald Trump est à la hauteur du discours prononcé à Berlin par Ronald Reagan en juin 1987.

C’était un discours adressé au monde, mais aussi à la Chine. C’était un discours faisant appel à un sentiment plus important en Asie qu’en Occident, la honte. Donald Trump entend que les dirigeants chinois aient honte d’avoir encore des liens avec la Corée du Nord. Quiconque connaît l’Asie sait que la honte y joue un rôle crucial (les civilisations occidentales reposent sur la culpabilité, pas les civilisations asiatiques). Donald Trump est remarquablement conseillé.

Face à la Chine, Donald Trump dispose d’une autre arme: celle du commerce. Donald Trump est en train de renégocier tous les accords commerciaux liant les États-Unis à d’autres pays et d’autres régions du monde, et il entend développer des partenariats positifs avec la Chine (des contrats importants ont été signés à Pékin), tout en lui faisant comprendre que si elle n’agit pas suffisamment face à la Corée du Nord, si elle persiste à sous-évaluer sa monnaie, et à ne pas respecter les droits de propriété matériels et intellectuels des entrepreneurs américains, il y aura des conséquences et des rétorsions.

Donald Trump entend aussi donner un coup d’arrêt à l’expansion des eaux territoriales de la Chine du côté des îles Diaoyu/Senkaku et des îles Spratly. La marine américaine a été dépêchée sur place ces derniers jours, et ce n’est pas un hasard si après le Vietnam, Donald Trump se rend aux Philippines.

Donald Trump sait tout des forces de la Chine, mais il sait tout aussi des faiblesses de celle-ci: d’une part un développement économique reposant sur un endettement massif que ne compensent pas pleinement les excédents commerciaux chinois (dûs, outre une sous-évaluation de la monnaie, à une politique de type mercantiliste reposant sur une aide aux exportations et à un frein massivement mis aux importations), d’autre part, un déficit démographique massif venu de la politique dite “un enfant par femme”, qui existé jusqu’en 2015, et qui va provoquer une pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans le pays, et un vieillissement très net de la population, qui accroîtra brutalement la charge représentée par les personnes du troisième âge.

Donald Trump doit assumer le fait que l’Union Européenne est une région du monde déclinante, penchant globalement vers l’apaisement, prête à vendre la corde qui servira à la pendre (comme on le voit avec l’attitude de la France et de l’Allemagne face à l’Iran), menacée par le terrorisme islamique bien davantage que les États-Unis, en voie d’islamisation croissante, refusant jusqu’à une date récente de prendre en charge sa propre défense et se comportant en assistée vis-à-vis des États-Unis. Donald Trump a exigé que les pays de l’alliance atlantique financent davantage leur propre défense et a commencé à avoir gain de cause. Il a demandé que les pays de l’alliance atlantique adoptent une attitude plus claire vis-à-vis du terrorisme islamique: et l’OTAN a obtempéré. Il a, dans le conflit larvé qui oppose l’Europe centrale (République tchèque, Hongrie, Pologne) à l’Europe occidentale concernant les “migrants” musulmans, choisi d’appuyer les positions de l’Europe centrale. Il a refusé que les États-Unis restent liés aux Accords de Paris sur le climat et relancé la production d’énergie aux États-Unis, ce qui lui permet d’utiliser si nécessaire l’arme de l’énergie et du prix du pétrole face à des pays avec lesquels les États unis négocient.

Il a décidé, avec Israël, de quitter l’UNESCO, qui est devenue un club de dictateurs antisémites et de pays européens trop lâches pour ne pas se comporter en complices.

Donald Trump est en train de rendre sa grandeur et sa puissance à l’Amérique. Il revient à la doctrine de la paix par la puissance. Il pratique ce qu’il a appelé principled realism.

Les ennemis de l’ordre du monde ne sont sans aucun doute pas très contents. Tout allait mieux pour eux sous Obama. Kim Jong Un et les mollahs iraniens doivent être en tête des dirigeants mécontents. Emmanuel Macron et Angela Merkel font la grimace. Binyamin Netanyahou sourit, ce qui est un excellent signe.

La crédibilité américaine est de retour, sauf dans la tête des spécialistes de la spécialité. Ils ne comprennent rien. Ils sont perfides et ils mentent. Tout cela est le cœur de leur métier. Quand vous les voyez sur un écran de télévision ou quand vous les entendez à la radio, changez de programme.

Ne vous attendez pas a ce que sois invité dans un débat. J’ai un défaut majeur qui m’exclut de tout débat entre spécialistes de la spécialité : je sais précisément et exactement de quoi je parle.

© Guy Millière pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.

PS Je n’ai pas abordé ici, car c’est d’une importance mineure, l’escale d’Emmanuel Macron à Riyad, juste après qu’il ait tenu à Abu Dhabi un discours conforme à la ligne française d’apaisement et fait l’éloge de l’islam. Macron voulait, juste, pousser l’Arabie Saoudite à une attitude plus “modérée” vis-à-vis de Téhéran et du Hezbollah. Il a été reçu poliment, et reconduit poliment à son avion. Mohammed bin Salman et son père ont eu la confirmation que la France avait davantage de sympathie pour l’Iran et pour le Hezbollah que pour les dirigeants sunnites réunis à Riyad. Ils n’ont, je pense, pas été surpris.

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