Publié par Dreuz Info le 24 novembre 2017

Le texte ci-dessous, encore peu diffusé dans les milieux juifs, publié par la Conférence des Rabbins Européens, souligne l’importance d’une action commune juifs-chrétiens pour promouvoir les valeurs bibliques civilisationnelles, l’urgence de lutter ensemble contre la barbarie islamiste qui s’en prend aux deux communautés, et montre que les Rabbins ont adopté une posture positive envers l’aggiornamento de l’Eglise catholique.

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Le Grand Rabbin René Gutman, Grand Rabbin de Strasbourg, membre du Conseil permanent de la Conférence des Rabbins Européens (1) et son représentant auprès du Conseil de l’Europe, nous a fait parvenir la Déclaration suivante (texte original en anglais).

Ce texte, daté du 1er du premier mois d’Adar 5776 [mercredi 10 février 2016], a été adopté par la Conférence des Rabbins Européens, et a ensuite été approuvé, à l’unanimité moins deux abstentions, le 8 mars 2016, par le Comité exécutif du Conseil des Rabbins Américains (2).

Nous exprimons à nouveau au Grand Rabbin Gutman toute notre reconnaissance et nous sommes heureux de pouvoir proposer cette Déclaration à nos lecteurs qui, nous n’en doutons pas, en mesureront toute l’importance. [Y.C.]

כלל ופרט בין ירושלים לרומי

Entre Jérusalem et Rome

Le partage de l’universel et le respect du particulier Réflexions sur le cinquantième anniversaire de Nostra Ætate

Préambule

Dans le récit biblique de la création, Dieu façonne un seul être humain comme géniteur de toute l’humanité. Ainsi, l’irrécusable message de la Bible est que tous les hommes appartiennent à une seule famille. Après le déluge et Noé, ce message se renforce avec la nouvelle étape de l’histoire, à nouveau inaugurée par une seule famille. Au commencement, la providence de Dieu s’exerce sur une humanité universelle, indifférenciée. Lorsque Dieu choisit Abraham, puis Isaac et Jacob, Il leur confie une double mission : fonder le peuple d’Israël appelé à recevoir en héritage, à former et à organiser une société modèle en terre promise, la terre sainte d’Israël, tout en étant source de lumière pour l’ensemble du genre humain.

1 LaConférence desRabbins Européens (CRE) est la principale association de Rabbins d’Europe. Elle rassemble plus de 700 dirigeants religieux des communautés juives d’Europe appartenant au courant majoritaire [Orthodoxe]. Elle a pour but de soutenir et de défendre les droits religieux des Juifs en Europe et est devenue la voix du Judaïsme pour le continent européen.

2 Le Conseil des Rabbins d’Amérique (du Nord), dont le siège est à New York, est une organisation professionnelle au service de plus d’un millier de Rabbins orthodoxes vivant aux États-Unis, au Canada, en Israël et dans le monde entier. Ses membres sont des Rabbins dûment ordonnés, qui occupent des fonctions dans l’assemblée des Rabbins, qu’il s’agisse de l’éducation juive, des aumôneries ou d’autres missions s’inscrivant dans le cadre de l’activité communautaire juive.

Depuis, en particulier au lendemain de la destruction du Second Temple de Jérusalem par les Romains en l’an 70 de notre ère, nousJuifs avons connu persécution, puis exil, puis encore persécution. Et pourtant la Majesté d’Israël ne ment pas (1) et son alliance éternelle avec le peuple d’Israël n’a pas cessé de se manifester : malgré les pires adversités, notre peuple a subsisté (2). Après l’heure la plus sombre depuis la destruction de notre saint Temple de Jérusalem, lorsque six millions de nos frères ont été haineusement assassinés, tandis que les braises de leurs ossements s’éteignaient dans l’ombre des crématoires nazis, l’alliance éternelle de Dieu s’est une fois de plus manifestée : rassemblant ses forces, ce qui restait d’Israël a opéré un réveil miraculeux de la conscience juive. Des communautés se sont reconstituées dans la Diaspora et bien des Juifs ont répondu à l’appel retentissant au retour en terre d’Israël où a été édifié un État juif souverain.

La double obligation du peuple juif —être lumière pour les nations (3) et assurer son propre avenir en dépit de la haine et de la violence du monde— s’est révélée infiniment difficile à remplir. Malgré d’innombrables obstacles, la nation juive a transmis nombre de bénédictions à l’humanité, aussi bien dans le domaine des sciences, de la culture, de la philosophie, de la littérature, de la technologie et du commerce qu’en matière de foi, de spiritualité, d’éthique et de morale. Il s’agit, là encore, de retombées de l’éternelle alliance de Dieu avec le peuple juif.

La Shoah constitue indiscutablement le nadir historique des relations entre nous autres Juifs et nos voisins non juifs d’Europe. Du continent nourri par le Christianisme pendant plus d’un millénaire a surgi un cruel et funeste rejeton qui a massacré six millions de nos frères, dont un million et demi d’enfants, avec une précision industrielle. Nombre de ceux qui ont participé à ce crime des plus odieux en exterminant des familles et des communautés entières avaient été élevés dans des familles et des communautés chrétiennes. (4)

En même temps, tout au long de ce millénaire, même en des périodes très sombres, on a vu se lever, parmi les fidèles comme parmi les dirigeants, des personnes héroïques, fils et filles de l’Église catholique, qui ont lutté contre la persécution des Juifs en leur portant assistance aux heures les plus noires. (5)

Après la Seconde Guerre mondiale, une nouvelle ère de coexistence pacifique et de reconnaissance a commencé à émerger dans les pays d’Europe occidentale et de nombreuses confessions chrétiennes se sont mises à construire des ponts et à pratiquer la tolérance. Les communautés religieuses ont revisité leur rejet historique de l’autre, lançant ainsi des décennies de fructueuse interaction et coopération. De plus, si nous, Juifs, avions obtenu notre émancipation politique depuis un siècle ou deux, nous n’étions cependant pas encore pleinement acceptés en tant que membres à part entière des nations au sein desquelles nous vivions. À la suite de la Shoah, on a enfin estimé évidente et naturelle l’émancipation des Juifs dans la Diaspora et le droit pour le peuple juif de vivre en nation souveraine sur sa terre.

Au cours des sept décennies qui ont suivi, les communautés juives et leurs chefs spirituels ont peu à peu reconsidéré les relations du Judaïsme avec les fidèles et les dirigeants des autres communautés religieuses.

Un tournant –Nostra Ætate

Voici cinquante ans, vingt ans après la Shoah, l’Église catholique a, avec sa Déclaration Nostra Ætate (paragraphe 4) (6), engagé un processus d’introspection qui a progressivement conduit à expurger de la doctrine de l’Église toute hostilité envers les Juifs et à faire ainsi grandir la confiance entre nos communautés religieuses respectives.

À cet égard, le pape Jean XXIII a été à l’origine d’une transformation dans les relations entre Juifs et Catholiques autant que dans l’histoire même de l’Église. Il a joué un rôle courageux en sauvant des Juifs pendant l’Holocauste et c’est en reconnaissant la nécessité de revenir sur « l’enseignement du mépris » qu’il a contribué à vaincre la résistance au changement et en fin de compte facilité l’adoption du paragraphe 4 de Nostra Ætate.

Dans son assertion la plus cruciale, la plus concrète et, pour l’Église, la plus spectaculaire (7), Nostra Ætate reconnaît qu’on ne saurait attribuer la moindre responsabilité de la Crucifixion aux Juifs qui n’y ont été ni directement ni personnellement mêlés (8). Les réflexions et explications du pape Benoît XVI à ce sujet sont particulièrement remarquables. (9)

En outre, se fondant sur les Écritures chrétiennes, Nostra Ætate affirme que l’élection d’Israël par Dieu, qu’il appelle « le don de Dieu », ne saurait être révoquée : « Dieu […] ne se repent ni des dons qu’il fait ni des appels qu’il envoie ». Le texte stipule que « les Juifs ne doivent pas être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits ». Plus tard, en

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